Billet ǀ Débat à la mairie : qui gagne, qui perd ? 

Par Emy-Jane Déry 4:54 PM - 27 octobre 2023
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Marc Fafard, candidat à la mairie de Sept-Îles, lors du débat du 25 octobre.

Comme animatrice/modératrice du débat des candidats à la mairie de Sept-Îles de mercredi, j’étais aux premières loges. 

Marc Fafard est pour moi le gagnant de cette soirée, s’il eut un gagnant. Celui que certain surnomme « toboggan » en souvenir de ses manifestations colorées, où vêtu d’une salopette il traînait la sienne pour protester contre l’uranium, nous a amené ailleurs. 

Son âge, le contexte social d’aujourd’hui dans lequel on accorde une plus grande importance à l’environnement (son sujet de prédilection) et son expérience comme candidat politique ont certainement joué en sa faveur. 

Sa vision plus large du dossier de l’érosion des berges m’a épatée.

« Gros problème se battre contre le rehaussement du niveau de la mer. Je pense qu’il faut arrêter de penser à se battre et il faut penser comment on va continuer avec ce phénomène-là, qui lui continue. »

Ce qu’il nous dit au fond c’est If you can’t beat them, join them. Et entre vous et moi, c’est clair qu’on ne gagnera jamais contre la nature. 

Marc Fafard a également toute une répartie, ce qui n’est pas naturel pour tout le monde et qui s’apprend difficilement. Il l’a bien démontré en m’envoyant une petite flèche, tandis que je demandais aux candidats de ne pas tous parler en même temps. Je venais, dans une intervention précédente, de leur réclamer de relever le niveau. « Vous vouliez un débat, eh bien là, on débat », m’a-t-il lancé. Ça lui a valu de bons applaudissements de la foule et c’était parfait !

Si Marc Fafard, de qui plusieurs voyaient au départ la candidature pratiquement comme une caricature, réussit à garder le cap et son calme d’ici la fin de la campagne, j’ai l’impression qu’il pourrait en surprendre quelques-uns le soir du vote. Parce que oui, on peut devenir plus mature et évoluer avec les années, c’est même souhaitable, mais on reste qui on est et Marc Fafard est bien capable d’agissements desquels ont ne s’attend pas d’un maire, il l’a déjà démontré dans le passé, en se présentant faussement comme ingénieur, par exemple. 

Patrick Hudon est le jeune candidat à surveiller. Je l’ai vu arriver côte à côte à la Salle Jean-Marc-Dion avec le candidat Joey Thibault, dont le profile avait initialement des similitudes avec le sien. Ça allait de soi de voir les deux « nouveaux jeunes » se diriger ensemble vers la porte. Ils ont le potentiel de se diviser le vote. Par contre, Patrick Hudon a gagné une bonne longueur d’avance durant le débat. Il était prêt, en contrôle et habile pour échanger avec les autres candidats, les relancer, et ce, malgré le fait qu’il n’avait pas d’expérience. Ses idées étaient rafraîchissantes. Il inspirait la confiance. 

De son côté, bien que sympathique, Joey Thibault manquait de préparation. Plus le débat avançait, plus la fatigue se faisait ressentir chez tous les participants, mais particulièrement de son côté.  

Mélanie Dorion, s’en est bien sortie. C’est une femme qui s’exprime bien et qui connaît les dossiers. Oui, elle est la seule femme à se présenter aux côtés de huit candidats masculins et oui elle pourrait être la première mairesse de Sept-Îles. Cependant, des phrases entendues durant le débat comme : « je suis un mélange de tout vous autres [les autres candidats] (…) je suis la meilleure formule. » Suivie de : « J’ai de l’engouement, j’aime l’environnement, j’aime l’économie, j’aime tout, j’ai des études dans tout. » Et de : « J’ai fait tous les colloques, toutes les assemblées, j’ai été dans toutes les visites des ministères. » 

Ça me laisse une drôle d’impression. Pour citer Joey Thibault, j’oserais demander « mais même si vous avez été dans tout, c’est quoi que vous avez fait comme conseillère municipale ? » 

Denis Miousse a été bien. Sauf que lorsqu’on a 17 ans d’expérience derrière la cravate au sein du conseil municipal, il ne faut pas juste être bien. Il faut être excellent. 

Je lève mon chapeau à Mario Dufour, qui a le courage de se présenter. Avec toutes les critiques qu’il se permet au micro des citoyens lors des séances publiques du conseil de ville, il fallait qu’il y aille et il le fait. Toutefois, à la lumière du débat, il n’a pas l’étoffe d’un maire, du moins pas encore. 

C’est un peu le même esprit qui m’habite pour Éric Beaudry. Un citoyen insatisfait qui a décidé de prendre de son temps personnel pour aller porter ses idées et alimenter les débats, plutôt que de seulement critiquer. C’est tout à son honneur. Cependant, il faudra beaucoup plus que des lectures monotones de textes préparés pour convaincre des électeurs. 

Quant à Martial Lévesque, il a eu un bon début de soirée, notamment un bon échange avec Denis Miousse sur le financement de Développement économique Sept-Îles. C’était intéressant d’entendre deux candidats de « la vieille garde » s’obstiner un peu. Or, sa réponse à la question sur la place des communautés autochtones était pour moi complètement inadéquate.

« Je crois qu’il faut continuer de travailler ensemble et encore davantage, d’autant plus que le gouvernement fédéral est à genou devant eux [les Innus] pour leur donner de l’argent, donc on est aussi bien de s’associer avec eux autres (…) pour en profiter nous autres aussi. » 

Et pour devenir maire, il fallait bien répondre à cette question.  

Et finalement, l’étoile du match est remise à Nunziato Garreffa. Ce sympathique personnage qui a su faire rire le public à plusieurs reprises, en plus d’apporter quelques bonnes idées sur la table. Mais non, on ne fera pas un deuxième étage sur l’aréna pour jouer au squash.

Débat des candidats à la mairie de Sept-Îles 2023.

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