Les feux qui sévissent actuellement sont sans précédent, non seulement par leur nombre et les ravages qu’ils causent, mais également par leur étalement géographique. « Ils sont partout au Canada, d’un océan à l’autre et pas cantonnés seulement à une région comme c’est souvent le cas », commente Yan Boulanger, chercheur en écologie forestière au Service canadien des forêts.
Plusieurs éléments peuvent expliquer la situation actuelle. «Pour le Québec spécifiquement, on parle d’un mois de mai avec des conditions sèches et un déficit de précipitations sur tout le centre nord de la province, soit jusqu’à 50% de moins par rapport à la normale. En même temps, on a eu des températures très chaudes. On a battu des records de température à plusieurs endroits, dont Sept-Îles, la Minganie, Charlevoix…Évidemment, ça a rendu la végétation très sèche et inflammable », résume le chercheur.
Comme pour ajouter à cette tempête parfaite, une « tralée d’orages » ont éclaté le 1er juin. « Ils sont arrivés et ont allumé des feux un peu partout avec des éclairs. On s’est retrouvé en peu de temps avec un nombre excessivement élevé de feux actifs », analyse M. Boulanger.
Le rôle de la tordeuse
La présence de la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans plusieurs secteurs est une « facteur aggravant », selon le chercheur. «Il y a une fenêtre, juste après le passage de la tordeuse, quand les arbres sont défoliés et meurent, où la forêt est particulièrement inflammable. Quelques années plus tard, quand les feuillus reprennent dans les endroits affectés, le feu a moins d’emprise. »
Fait à noter, depuis les années 1950, les feux de forêt d’origine anthropique (humaine) sont de moins en moins nombreux, bien que le score ne soit pas parfait. « Avant que l’espèce d’épidémie de feu que nous vivons arrive, la majorité des feux était de nature anthropique, mais depuis le 1er mai, la très très grande majorité est d’origine naturelle », illustre Yan Boulanger.
Plus grands, plus longtemps, plus sévèrement
Depuis les années 1950, les superficies incendiées n’ont pas connu d’augmentation significative au Québec, contrairement à l’ouest et au centre du Canada. Les feux de cette année pourraient changer cette donne. Il faudra attendre que les feux soient éteints pour mesurer l’ampleur de la destruction.
À moyen et long terme, les prévisions sont toutefois sans appel.
«Dans l’est du Québec, dont la Côte-Nord et Charlevoix qui ne sont pourtant pas les endroits où traditionnellement ça brûle le plus, les superficies brûlées pourrait augmenter entre 30 et 100% d’ici la fin du siècle », indique le chercheur.
La période où les feux de forêt sévissent est appelée elle aussi à changer.
«On remarque un allongement de la saison de feu. Elle finit plus tard à l’automne et commence plus tôt au printemps. De plus, la sévérité des feux augmente. Les valeurs d’indices de danger d’incendie deviennent plus sévères dans le temps. Et le nombre de jours où les valeurs sont sévères augmentent aussi », dit-il.
Cette « épidémie » de feu est un symptôme d’une réalité globale indéniable : les changements climatiques.
« Si on a des températures plus chaudes, même de quelques dixièmes de degrés ou de 1 ou 2 degrés comme on le prévoit, et que les précipitations n’augmentent pas, on a forcément des conditions sont beaucoup plus propices aux feux. On est face à une végétation qui « n’évapotranspire » plus, donc plus sèche et inflammable et sur une plus grande portion de l’année», conclut Yan Boulanger.
Peut-on prévenir les feux de forêt ou, à tout le moins, minimiser leur appétit?
« À l’échelle locale, ce qui peut être intéressant dans une certaine mesure, c’est d’assurer une plus grande proportion de feuillus, moins inflammables que les conifères, dans les peuplements. On peut également faire en sorte de favoriser la reproduction d’espèces plus résilientes au feu, comme le pin gris et l’épinette noire », explique Yan Boulanger.
Les jeunes forêts de résineux, soit qui viennent d’être coupées ou qui ont déjà brûlé, seront plus fragiles. «Si les arbres ne sont pas assez vieux, ils n’auront pas de banque de graine, donc pas de régénération », précise M. Boulanger.
Les plantations de pins gris auront moins de risque de subir ces « accidents de régénération » après feu.
« Il y a une limite à améliorer la résilience des peuplements au feu, mais il n’y pas que le feu, il y a également d’autres vulnérabilités et d’autres données à prendre en compte. Par exemple, si je favorise les feuillus, ça peut ne pas être bon pour le caribou », illustre le chercheur.
Les impacts économiques sont non négligeables. « Ramener une forêt brûlée en exploitation prendra au bas mot entre 60 et 70 ans. « Ça va dépendre de la productivité des sites et bien sûr, il va y avoir un couvert avant ça, mais on parle d’au moins 60 ans pour avoir un couvert récoltable, être capable de la couper de nouveau», conclut Yan Boulanger.
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