Les trois exils de Christian E.: Un one man show plus qu’énergique

Par Éditions Nordiques 5 mars 2014
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La pièce de théâtre, Les trois exils de Christian E., coécrite par Philippe Soldevila, metteur en scène, et Christian Essiambre sera présentée le 6 mars à Havre-St-Pierre et le 7 mars à la salle Jean-Marc-Dion de Sept-Îles. Le texte de l’œuvre porte essentiellement sur la quête identitaire de tout être humain et il trouvera assurément résonnance dans le cœur des Nord-Côtiers.

Par Valérie Langlois

Pourquoi le thème du questionnement identitaire vous est-il cher?
Je portais ce sujet en moi depuis l’enfance, car je suis fils d’immigrants espagnols qui sont arrivés au Québec à la fin des années 1950. Gamin, à la maison, je parlais espagnol et, à l’extérieur du nid familial, je m’exprimais en français. À l’adolescence, j’ai étudié au lycée français à Madrid. Cela a eu des répercussions à l’école, lorsque je fus de retour au Québec. Ça n’allait pas très bien dans la cour d’école, je se faisais «écoeurer» par les autres élèves. Je ne me sentais pas tout à fait chez moi au Québec et lorsque je suis allé en Espagne, je ne me sentais pas Espagnol. Je me suis alors questionné à savoir est-ce que l’identité ça ouvre ou ça ferme?

Est-ce que vous qualifieriez Les trois exils de Christian E. de dramatique ou de comique?
Il s’agit d’un mélange des deux. Je crois que le rire est une porte d’entrée conduisant à l’ouverture de l’autre. Traiter de thèmes aussi profonds et humains que l’exil, la famille et l’enfance tout en donnant l’occasion aux spectateurs de s’amuser, c’est possible, et c’est ainsi que nous rejoignons le public.

Vous connaissez bien la Côte-Nord, pour y être venu à de nombreuses reprises et y avoir de la famille, pourquoi croyez-vous que Les trois exils de Christian E. est un show qui touchera le public nord-côtier?
Nous approfondissons un thème qui les touche de près, l’exil. En effet, tout le monde ici a un proche qui a quitté la région pour aller occuper un emploi au loin, des travailleurs forestiers se séparent de leur famille régulièrement, afin d’aller œuvrer en forêt plus au nord et d’autres situations dramatiques sont vécues par les Nord-Côtiers. Ce sera l’occasion pour eux de mettre des mots sur leur vécu, de se reconnaître dans le personnage principal de la pièce grâce à la catharsis totale qui s’opèrera en eux.

Pourquoi avoir choisi l’acteur Christian Essiambre afin d’incarner tous les rôles de la pièce?
C’est un très grand comédien, charismatique et physique. Christian est un être qui incarne un univers à lui seul. Il habite tout l’espace de la scène et arrive à faire beaucoup de personnages en très peu de temps grâce à sa gestuelle précise. Je le savais pour avoir déjà travaillé avec lui.

Comment le choix d’un décor aussi dépouillé s’est-il imposé à vous?
Il y a un tapis noir au sol, une chaise, et du ruban adhésif délimite l’espace sur la scène. Nous faisons appel à l’intelligence du spectateur, à sa capacité d’invention, il construit le décor dans sa tête.

La trame sonore se compose de trois coups de téléphone… Pourquoi?
C’est la mère du personnage, Christian E., qui l’appelle à trois reprises et cela découpe la pièce en trois mouvements. Dans la première partie, Christian répond à des personnages imaginaires, en deuxième, les personnages s’adressent à un Christian devenu imaginaire et, en dernier, le comédien incarne à la fois le rôle de Christian E. et ceux des différents personnages. Le spectateur voyagera dans le passé et le présent des personnages et il visitera divers lieux.

La pièce est très acclamée autant par le public que par la critique. Vous avez reçu le Prix auteur dramatique BMO Groupe financier, pour la qualité du texte et, dans la catégorie Interprétation masculine, le prix de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) pour le jeu d’acteur de Christian Essiambre. Quel effet cela vous fait-il?
Tu travailles pendant 25 ans et, un jour, ça arrive, tu rencontres un grand acteur. La magie opère, les astres s’alignent et tout se met en place. Le processus créateur s’enclenche et un projet prend forme. Voilà ce qui est arrivé. Je suis un travailleur acharné et, d’ordinaire, le texte doit être retravaillé jusqu’à ce que je sois satisfait. Dans le cas de la pièce Les trois exils de Christian E, elle a très vite pris sa forme définitive, ce qui est très rare.

Photo : Le Manic

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