Soutien à domicile sur la Côte-Nord : les besoins seront énormes en 2040
Si la situation du soutien à domicile est « inquiétante » au Québec, comme l’a mentionné la commissaire Joanne Castonguay, elle ne l’est pas moins sur la Côte-Nord. Le vieillissement démographique plane comme une épée de Damoclès au-dessus du système actuel.
« Un constat s’impose : notre modèle actuel ne tient pas. Trop de nos aînés perdent leur autonomie et se retrouvent en hébergement, générant des coûts qui seront insoutenables à terme. L’enjeu de la disponibilité des ressources humaines, qui touche tous les secteurs, ne fait qu’assombrir ce portrait », peut-on lire dans le tome 4 du rapport Bien vieillir chez soi, déposé en janvier par la commissaire à la santé et au bien-être.
Mme Castonguay précise toutefois que les insuffisances constatées ne sont pas dues aux services offerts. « Les professionnels et les acteurs du réseau sont en effet compétents et engagés. Les difficultés viennent plutôt de la gouvernance et de l’organisation du travail. Il est essentiel de changer notre approche et d’améliorer l’efficience du système dans son ensemble », indique-t-elle.
Ce sont 16 recommandations qui ressortent de ce quatrième et dernier volet produit pour évaluer la performance des soins et services de soutien à domicile québécois.
Pour Priscilla Malenfant, directrice du soutien à l’autonomie de la personne âgée au CISSS de la Côte-Nord, les constats de la commissaire sont les mêmes dans la région.
« C’est vrai qu’il y a beaucoup de changements démographiques qui s’en viennent au Québec et c’est vrai qu’à cette vitesse-là, le réseau ne pourra plus fournir s’il n’y a pas de changement. Le modèle actuel sera difficile à tenir », commente-t-elle en entrevue au journal Haute-Côte-Nord.
Des statistiques régionales démontrent l’ampleur que prendra le vieillissement chez la population nord-côtière au cours des prochaines années.
« Présentement, si on regarde la population des 75 ans et plus sur la Côte-Nord, il y en aurait environ 7 800. En 2030, ce serait 11 700, donc ça passe de 9 à 14 % de la population nord-côtière. En 2040, c’est approximativement 15 000 pour 20 % de la population », dévoile Mme Malenfant.
Si on suit cette tendance, les données sont aussi alarmantes pour le service de soutien à domicile. « Présentement, on a 4 500 usagers suivis en soutien à domicile sur la Côte-Nord. On donne 475 000 heures de service. Si on se dit qu’ils vont doubler en 20 ans, on en aurait 9 000 usagers en soutien à domicile. Ça, c’est sans intensifier le soutien à domicile, c’est en le gardant comme il est là. L’hébergement va déborder », estime la directrice.
À la lumière de ces analyses, il est évident que des changements doivent être apportés, selon Priscilla Malenfant. « Il va y avoir plus de besoins en soutien à domicile, plus de besoins en hébergement. L’équation nous dit qu’on ne pourra pas héberger nécessairement autant d’usagers qu’on en héberge présentement. Il va falloir en garder encore plus à domicile et maintenir l’autonomie », croit-elle.
Des recommandations ministérielles
Les 16 recommandations soumises par la commissaire ne seront pas à l’échelle des CISSS et des CIUSSS, de l’avis de la directrice nord-côtière. « Ça va être des politiques gouvernementales qui vont descendre des ministères, affirme-t-elle. Ce ne sont pas des recommandations qui sont à notre niveau nécessairement. Presque toutes les recommandations ne sont pas terrain dans les établissements. »
D’ailleurs, les changements proposés entraîneront « une transformation de la manière dont on envisage le vieillissement. Ça va même plus large que le soutien à domicile », selon Mme Malenfant. « Elle le voit comme une approche sociétale dans laquelle tous les ministères se sentent impliqués et interpellés, incluant les municipalités. »
Priscilla Malenfant a la conviction que ces modifications ne pourront pas « être toutes sur les épaules de la santé. Il faut que tout le monde regarde le vieillissement en termes de société ».
Méconnaissance des services
Selon la commissaire Castonguay, de nombreux Québécois ne connaissent pas les programmes de soutien à domicile puisque l’information est difficile à obtenir et les usagers ont de la difficulté à s’y retrouver. C’est la raison qui la pousse à proposer la création de bureaux régionaux de soutien à domicile, dont un destiné à la population autochtone.
Aux yeux de Priscilla Malenfant, les services sont bien connus de la population sur la Côte-Nord. « On a quand même eu, dans les dernières années, des recommandations du comité des usagers de mieux faire connaître le soutien à domicile. On a donc amélioré le site Internet et certaines communications », informe-t-elle.
« C’est certain que mon souhait serait que tout le monde connaisse très bien l’offre de services du soutien et puisse en faire la demande pour eux ou pour un proche quand les besoins sont là », renchérit-elle.
L’idée des bureaux régionaux est tout à fait nouvelle pour celle qui ne croit pas que des dossiers d’usagers tombent entre deux chaises. « Par contre, il y a de quoi de bon avec le bureau qu’elle parle, c’est l’uniformité dans l’admissibilité », laisse-t-elle entendre.
« Là, je n’ai aucune idée de ce qu’ils font à Montréal, Québec ou au Saguenay. Est-ce qu’ils sont plus larges ou plus restreints dans leurs critères ? Avec les bureaux régionaux, on assurerait une uniformité au Québec. Tous les Québécois auraient les mêmes droits, ce qu’on ne peut pas savoir à 100 % présentement », se prononce-t-elle.
La proche aidance a aussi un rôle à jouer dans le soutien à domicile des aînés, selon Joanne Castonguay, qui suggère de bonifier l’aide financière apportée aux proches aidants en améliorant les conditions d’éligibilité et le montant des crédits d’impôt qui leur sont destinés.
« On a embauché quelqu’un pour prendre en charge tout ce qui concerne les proches aidants. On a une ligne maintenant pour les proches aidants qui se sentent dépassés. Ça s’appelle Référence aidance Québec. Les proches aidants vont continuer d’être inclus dans les dossiers importants pour la population, mais il faut les soutenir », accorde Priscilla Malenfant qui croit que les recommandations de la commissaire « vont être aidantes pour la Côte-Nord ».
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