L’eau embouteillée contiendrait de grandes quantités de plastiques microscopiques
La chercheuse Naixin Qian, de l'Université Columbia, examine l'image d'une particule de nanoplastique trouvée dans de l'eau embouteillée. (AP Photo/Mary Conlon)
L’eau embouteillée pourrait contenir jusqu’à cent fois plus de fragments microscopiques de plastique qu’on ne le croyait jusqu’à présent, prévient une nouvelle étude américaine.
Utilisant une nouvelle technique d’imagerie ultra-sophistiquée au laser, des chercheurs de l’Université Columbia ont ainsi mesuré que chaque litre d’eau embouteillée peut contenir jusqu’à 370 000 particules de microplastiques, ou même de nanoplastiques.
«J’ai été surpris par le nombre de particules décrit et ça m’a étonné, a commenté le professeur Thierry Ollevier, du département de chimie de l’Université Laval. Je ne m’attendais pas à une valeur aussi élevée et honnêtement, ça m’a inquiété. J’avais déjà des craintes par rapport à ce type de produit, mais je dois dire que ça m’a encore plus inquiété que je l’étais.»
Certaines de ces particules microscopiques sont si petites qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine après avoir été ingérées ou respirées. Dans le cas d’une femme enceinte, elles peuvent même franchir la barrière placentaire pour se rendre jusqu’au fœtus.
Leur impact sur la santé humaine est encore mal compris, mais ces particules interfèrent possiblement avec le fonctionnement de certains organes (dont le cerveau) et avec celui du système reproducteur. Elles pourraient aussi avoir des propriétés cancérogènes, être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones (ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens).
Les résultats de l’étude démontrent que chaque litre d’eau embouteillée peut renfermer entre 110 000 et 370 000 particules de plastique. Environ 90 % de ces particules sont des nanoplastiques, le reste étant des microplastiques plus volumineux.
Ces particules sont notamment composées de polystyrène, de chlorure de polyvinyle, de polyméthacrylate de méthyle et de polyéthylène téréphtalate. C’est de ce dernier plastique que sont composées les bouteilles elles-mêmes. Il contamine possiblement l’eau quand la bouteille est serrée ou exposée à la chaleur, ou encore quand le bouchon s’use en étant ouvert et refermé à répétition.
Les chercheurs ont aussi trouvé dans l’eau des particules de polyamide, un type de nylon qui provient possiblement des filtres que l’eau traverse avant d’être embouteillée.
«Un certain nombre de consommateurs pensaient que l’eau (embouteillée) pouvait être plus pure ou mieux purifiée, a noté le professeur Ollevier. Mais (cette étude) remet cette problématique dans un contexte complètement différent.»
Les chercheurs ont réussi à identifier sept types différents de plastique. Ils soulignent toutefois que ces sept plastiques ne représentent que 10 % des nanoparticules trouvées dans l’eau ― ce qui signifie qu’ils ne savent pas de quoi sont composées 90 % des nanoparticules.
Ces nanoparticules peuvent être «n’importe quoi», admet un document mis en ligne par l’Université Columbia. Mais si toutes ces nanoparticules sont des nanoplastiques, «alors chaque litre d’eau pourrait en contenir des dizaines de millions».
«Je pense que ça porte le débat à un tout autre niveau», a estimé le professeur Ollevier.
La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.
Une première étude, menée en 2018, avait mesuré environ 325 particules par litre d’eau, mais les experts se doutaient que cela sous-estimait probablement grandement la réalité. On ne disposait toutefois pas de techniques fiables pour entrer dans le monde «nano», sous la barre du micromètre.
La nouvelle méthode développée par une équipe de Columbia ― et dont les détails sont incompréhensibles pour les néophytes, à part peut-être le fait qu’elle utilise des lasers et (évidemment) un algorithme ― a permis de contourner cet obstacle.
«Il y a vraiment là une problématique à laquelle on doit s’intéresser, a dit le professeur Ollevier. On ne parle plus seulement de continents de plastique (qui flottent dans l’océan). On parle de tailles qu’on ne peut pas voir à l’œil nu. C’est beaucoup plus pernicieux.»
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences.
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