Un rapport recommande l’adoption d’un programme d’alimentation scolaire universel
Tara Smith-Arnsdorf, utilise des récipients en verre et en acier inoxydable, des sacs en tissu et du papier ciré réutilisable pour sa famille dans le cadre d'un mode de vie zéro déchet. LA PRESSE CANADIENNE/Chad Hipolito
Au Québec, un enfant sur cinq vit dans une famille en situation d’insécurité alimentaire et des iniquités importantes persistent dans l’accès à des services alimentaires scolaires à travers la province, selon un volumineux rapport qui recommande d’instaurer un programme d’alimentation dans l’ensemble des écoles de la province.
Le Canada et le Québec «traînent de la patte» en matière de programme alimentaire scolaire, selon la coordonnatrice du Chantier PASUQ, Maëlle Brouillette.
«Le Canada est le seul pays du G7 qui n’a pas de programme d’alimentation scolaire» et «il y a 25 pays dans le monde qui ont une couverture (de repas à l’école) 100 % universelle», a souligné l’auteure principale du rapport et coordonnatrice du Chantier du PASUQ (pour un programme d’alimentation scolaire universel au Québec).
Le chantier du PASUQ est une initiative du Club des petits déjeuners et des membres du Collectif québécois de la Coalition pour une saine alimentation scolaire.
«Au Québec, il y a des initiatives qui sont payées par différentes mesures, par exemple le ministère de l’Éducation offre des mesures d’aide alimentaire d’urgence, donc de dernier recours pour les familles qui sont en situation de plus grande vulnérabilité, ce qui est déjà une bonne chose, mais il faut aller vers quelque chose qui permette à l’ensemble des enfants d’avoir accès à des repas et sans stigmatisation», a fait valoir Maëlle Brouillette en entrevue avec La Presse Canadienne.
Le rapport, intitulé «L’alimentation scolaire au Québec: état des lieux, perspectives et pistes d’action», souligne que «seulement 59 % des écoles du Québec offrent un service de repas, qu’il soit payant ou pas» et «qu’il n’y a d’ailleurs pas d’équité pour les familles: les prix varient d’une école à l’autre, parfois même au sein d’une seule ville».
Maëlle Brouillette a expliqué qu’au-delà d’un certain seuil de défavorisation, une école peut se qualifier pour des initiatives comme le Club des petits déjeuners ou encore la Cantine pour tous, mais «il y a d’autres écoles où l’ écart socio-économique entre les enfants est vraiment très marqué, mais il n’y a pas un indice de défavorisation assez élevé pour pouvoir être qualifié pour ces programmes».
Malgré «les nombreuses initiatives inspirantes», l’offre actuelle ne répond pas toujours aux recommandations du Guide alimentaire canadien et un programme d’alimentation scolaire universel permettrait que chaque enfant ait accès à une «alimentation saine et durable, indépendamment de sa situation socioéconomique».
Le rapport du Chantier PASUQ cite plusieurs études qui montrent que les programmes d’alimentation scolaire implantés dans toutes les écoles et qui s’adressent à tous les élèves, pas seulement aux enfants défavorisés, améliorent la santé, diminuent la stigmatisation sociale, rehaussent les compétences alimentaires, favorisent les pratiques écoresponsables et contribuent à l’économie locale.
Améliorer la santé des jeunes
L’alimentation des enfants canadiens et québécois est de mauvaise qualité, selon des recherches citées dans le rapport qui montrent par exemple que près du quart des jeunes Québécois de 2 à 17 ans ont un excès de poids ou encore que le contenu typique de l’assiette d’un enfant canadien, âgé de 2 à 18 ans, «contient 55 % de calories provenant d’aliments très peu nutritifs, ultra-transformés, à haute teneur en sel, en sucre et en gras».
Le prix des aliments qui ne cessent d’augmenter, le manque de temps pour planifier et pour préparer les repas et les collations sont parmi les raisons qui expliqueraient la mauvaise qualité nutritive de l’alimentation de plusieurs écoliers.
Les aliments peu nutritifs nuisent à l’apprentissage et «il a été démontré par des études rigoureuses et systématiques que les programmes alimentaires améliorent la santé physique et psychosociale de tous les jeunes, mais encore davantage celle des plus défavorisés», selon le rapport.
Les chercheurs du Chantier PASUQ font également valoir que les programmes d’alimentation scolaire, lorsqu’ils sont accessibles à tous les élèves sans distinction, «réduisent l’intimidation dans les écoles et rehaussent l’estime de soi des enfants défavorisés, dans la mesure où l’accessibilité est accordée à tous et que le mode de paiement retenu ne permet pas de distinguer les élèves provenant de milieux défavorisés des autres, et permettent de diminuer la stigmatisation des moins favorisés».
Ainsi, «plus l’accessibilité au programme universel est élevée, moins le programme est stigmatisant».
Renforcer l’économie et encourager les producteurs locaux
Le rapport du Chantier PASUQ souligne qu’ailleurs dans le monde, des programmes alimentaires scolaires universels ont contribué à l’économie locale et au renforcement des systèmes d’approvisionnement, en encourageant notamment les producteurs locaux.
Le fonctionnement de l’initiative La Cantine en France est cité en exemple: «Ce sont des projets collectifs, systémiques qui visent à rapprocher, sur un même territoire, l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs, en passant par les transformateurs, les distributeurs ou encore les acteurs de la restauration collective. Ils répondent à des enjeux d’ancrage territorial de l’alimentation, mais aussi de santé publique, de développement économique, de justice sociale et, bien sûr, de préservation de l’environnement…»
À ce sujet, le rapport indique qu’au Québec «jusqu’à tout récemment, les établissements étaient contraints de s’approvisionner auprès du plus bas soumissionnaire, sans avoir les leviers pour favoriser les produits locaux ou québécois, ou les modes de production durable».
De récents changements législatifs inclus dans le projet de loi 12 permettront toutefois aux établissements «d’inclure des critères environnementaux dans leurs appels d’offres et choisir des soumissionnaires locaux, qui ont la capacité de les respecter».
Mais ces mécanismes, toujours selon le rapport, peuvent parfois être complexes à instaurer.
Néanmoins, les auteurs soulignent plusieurs exemples d’initiatives intéressantes au Québec pour encourager l’économie locale, par exemple le Projet SALSA et SAC du Club des petits déjeuners au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Ce projet est basé sur la mutualisation des achats et sur l’approvisionnement sur des circuits courts, ce qui permet d’encourager les entrepreneurs locaux et de réduire l’empreinte environnementale des aliments consommés.
Réduction des déchets
Lorsqu’un programme alimentaire scolaire universel est conçu en intégrant la réduction des contenants à usage unique et la gestion efficace des matières résiduelles, il permet de diminuer les coûts de collecte des ordures et réduire l’empreinte environnementale des collectivités.
Dans plusieurs écoles de la province, des règles imposent aux parents de fournir des boîtes à lunch sans déchet, mais «ces mesures s’ajoutent à la lourdeur de la tâche des parents» et «selon les témoignages recueillis, certains se contentent de mettre les collations dans un plat et de jeter l’emballage à la maison».
Le Québec pourrait donc s’inspirer de l’Italie, où «il est inscrit dans la loi que les cantines scolaires doivent utiliser de la vaisselle lavable et non jetable», peut-on lire dans le rapport.
Les programmes alimentaires universels qui accordent une part importante au respect de l’environnement en intégrant par exemple le compost, la réduction des déchets à la source et en réduisant le gaspillage de nourriture sont également un outil éducatif, selon le Chantier PASUQ.
«En sensibilisant les jeunes aux enjeux de l’agriculture durable, de l’alimentation responsable et de la protection de l’environnement, ces initiatives contribuent à former des citoyens conscients et engagés dans la préservation de la planète», soulignent les auteurs.
Un programme alimentaire scolaire universel peut aussi s’inscrire dans le cursus scolaire et permettre d’enseigner «des notions en alimentation» et favoriser «l’acquisition de compétences culinaires».
Le rapport du Chantier PASUQ recommande notamment «l’adoption d’un programme d’alimentation scolaire universel encadré et financé par le gouvernement du Québec, avec le soutien des autres paliers de gouvernement, où les parents contribueront en fonction de leur situation socioéconomique».
Comme des «pratiques novatrices ont vu le jour un peu partout au Québec et au Canada pour nourrir les enfants», le futur programme pourrait s’appuyer sur des pratiques existantes.
La publication de ce rapport survient quelques jours avant la tenue du forum Bien manger à l’école, qui se tiendra à Québec le 22 novembre.
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