Les Cowboys à la rencontre du public

Par Mathieu Paquette 9:20 AM - 17 novembre 2023 La Presse Canadienne
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Les Canadiens de Montréal rendent hommage à Karl Tremblay, le chanteur du groupe de musique québécois Les Cowboys Fringants, décédé mercredi à l'âge de 47 ans, avant leur match de hockey de la LNH contre les Golden Knights de Vegas à Montréal, le jeudi 16 novembre. 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi

Si la famille de Karl Tremblay est d’accord, le chanteur des Cowboys Fringants aura droit à des funérailles nationales, a annoncé jeudi le premier ministre François Legault. Mais des milliers d’amateurs du groupe, partout au Québec, n’allaient pas attendre une convocation officielle pour se rassembler et célébrer la vie et l’œuvre de cet «être d’exception».

À Québec, sur les plaines d’Abraham, et à Montréal, au parc Jeanne-Mance, des centaines d’admirateurs du groupe se sont réunis spontanément, instruments de musique à la main, «pour honorer la mémoire d’un poète moderne, d’un conteur de nos vies».

Mais c’est chez eux, à L’Assomption, dans Lanaudière, que les Cowboys Marie-Annick Lépine, conjointe de Karl Tremblay, et Jean-François Pauzé, son grand ami, ont choisi d’aller à la rencontre des personnes qui avaient envahi la place publique de la municipalité — un espace qui sera renommé en l’honneur du chanteur.

Prenant la parole par la froidure de novembre, Marie-Annick Lépine a rendu hommage à «son» Karl Tremblay.

«Notre grand Karl Tremblay était une personne d’une bonté extrême. C’était quelqu’un qui pensait aux autres, qui était toujours de bonne humeur, a-t-elle mentionné d’emblée. Il était bien avec nous — avec sa famille des Cowboys, avec moi, avec ses filles, avec ses parents. Il avait de bonnes relations avec tout le monde, parce que c’était un être d’exception.»

Le public connaissait le Karl Tremblay qui n’avait pas peur des foules et qui pouvait mener des milliers de personnes avec le simple son de sa voix lorsqu’il était sur scène. Mais c’est un côté plus intime de la personne qu’était Karl Tremblay qu’a choisi d’aborder ensuite Marie-Annick Lépine.

«Karl ne s’empêchait jamais de verser une larme. C’était un homme sensible, qui se permettait de pleurer quand ça lui chantait de le faire», a-t-elle raconté devant un public attentif, mais qui demeurait prêt à applaudir à tout rompre dès que l’occasion se présentait.

«Mais il versait des larmes surtout devant la beauté des choses, devant le bonheur, devant des gens heureux. Pour lui, la tristesse ne méritait pas de pleurer, car c’était devant la beauté du monde qu’il fallait s’extasier.

«La dernière larme qu’il a versée devant la beauté, c’était pour sa femme, pour moi. Parce que lundi soir, tandis qu’il souffrait énormément, je lui ai fait entendre la chanson que j’avais composée pour mes petits choristes d’amour que je mène avec beaucoup de bonheur à L’Assomption», a poursuivi Marie-Annick Lépine.

Alors pourquoi le chanteur pleurait-il au son de cette chanson de Noël?

«Parce que c’est la plus belle chanson de Noël que j’ai entendue de ma vie ma belle femme d’amour», a répondu Karl Tremblay à la question de sa conjointe.

Marie-Annick Lépine souhaite maintenant finir la chanson avec ses jeunes choristes avant Noël pour ensuite, dans une époque où «la musique est gratuite», en faire un moyen de recueillir des fonds pour la recherche contre le cancer.

Par ailleurs, «Karl veut, dans ses derniers souhaits, être enterré ici, parce que ça a été ses plus belles années, à L’Assomption», a confié sa partenaire de vie.

«Ça le dépasserait lui-même»

Depuis qu’il a été annoncé mercredi soir que Karl Tremblay s’était éteint des suites du cancer de la prostate qu’il combattait depuis de plusieurs années, Les Cowboys Fringants se retrouvent submergés par une vague d’amour, de l’aveu même de Jean-François Pauzé.

«Je pense que Karl, c’est quelqu’un qui était extrêmement humble et modeste, qui n’a jamais eu la grosse tête. Je pense qu’il serait le premier surpris de tout cet amour ici ce soir», a affirmé jeudi celui qui est le principal parolier du groupe.

«Ce qu’on a ici ce soir, qu’on voit déferler depuis hier (mercredi) partout à travers le Québec, la francophonie, je pense que ça le dépasserait lui-même, parce que même nous, au sein des Cowboys, on est dans le groupe et on est un peu submergés de tout ça.

«On trouve que c’est très beau», a glissé Jean-François Pauzé avant que la foule surgisse pour l’applaudir vigoureusement.

Et les hommages n’allaient pas s’arrêter là.

Au Centre Bell, les partisans qui assistaient au match du Canadien de Montréal contre les Golden Knights de Vegas ont été invités à chanter tous ensemble «Les étoiles filantes» avant la rencontre, alors que les paroles défilaient sur l’écran géant.

L’attaquant Raphaël Harvey-Pinard, qui n’était pas en uniforme, avait auparavant placé un chandail portant le nom de Tremblay sur la patinoire, orné du numéro 76 qui rappelait l’année de naissance du chanteur.

Lorsqu’une étoile filante a balayé l’écran central, la foule a réservé une dernière salve d’applaudissements au meneur des Cowboys, dans un Centre Bell qui n’était illuminé que par les milliers de téléphones cellulaires tenus par les amateurs de hockey — et de Karl Tremblay.

À la fin de la rencontre, c’est à Karl Tremblay que l’on a décerné la première étoile.

Legault offre des funérailles nationales

Tenant à rendre son propre hommage au chanteur, jeudi matin à Montréal, le premier ministre François Legault a confirmé que des démarches avaient débuté pour offrir à Karl Tremblay des funérailles nationales, si son entourage le permet.

«Il y a quelque chose, on sent une immense vague d’amour et de tristesse et j’ai rarement vu ça. Je ne me souviens pas d’avoir vu ça. Les funérailles nationales sont là pour répondre à une demande des Québécois», a expliqué M. Legault, en ajoutant qu’il «sent cette demande» de la part des Québécois.

«On sent une vague de tristesse», mais «aussi une vague de beauté», a mentionné le premier ministre en entonnant quelques paroles de la chanson «Toune d’automne».

Questionné à savoir quel était son plus beau souvenir de Karl Tremblay, le premier ministre a évoqué la remise de la Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale aux Cowboys Fringants, le printemps dernier.

«Karl était malade, je ne suis pas toujours présent quand on remet des médailles à l’Assemblée nationale, mais au mois de mai dernier, j’ai déplacé tout ce qu’il y avait sur mon agenda pour lui rendre hommage. Et puis j’ai été surpris, à un moment donné dans la salle, tout le monde, sans que ça soit prévu, a commencé à chanter “Les étoiles filantes”, ça m’a touché», a souligné François Legault, en rappelant le caractère intergénérationnel du groupe qui enchaîne les succès depuis presque trois décennies.

Le premier ministre a également mentionné qu’il tentera d’aider à la continuation d’un projet qui concerne l’environnement, sur lequel travaillait Karl Tremblay à L’Assomption, sans donner plus de détails.

-Avec Stéphane Blais, La Presse Canadienne