Signaleur routier : pour en voir de toutes les couleurs

Par Sylvain Turcotte 6:00 AM - 10 août 2023
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Une journée sur le terrain pour moi pour voir comment ça se passe pour les signaleurs sur un chantier routier en compagnie de Frédéric Dupont de Remorquage FG. 

C’est la saison des cônes orange. Dans la région de Sept-Îles, il n’y a qu’un chantier routier sur la 138, celui à la hauteur du pont Jourdain, aux abords du parc Aylmer-Whittom, communément appelé le parc des écureuils. Parmi les personnes à l’œuvre, il y a les signaleurs, pour qui le quotidien n’est pas toujours facile.

Les travaux pour l’élargissement du pont Jourdain, amorcé au début juin, s’étireront jusqu’au début décembre. Ils se dérouleront en deux phases alors que les travaux dès le printemps de 2024 seront centrés sur la mise en place des différentes structures.

Une fois le pont élargi, les accotements passeront de 0,87 mètre à 3 mètres dans chacune des directions.

Les journées des signaleurs sur le chantier sont longues. Ils passent près de dix heures debout. 

Si sur certains chantiers, la circulation se fait par les traditionnels feux vert-jaune-rouge, dans ce cas-ci, ce sont des signaleurs routiers qui assurent le tout avec une barrière et les feux rouge et jaune. 

Même si la longueur du chantier est courte, il s’agit d’un site important aux dires de Frédéric Gagnon, propriétaire de Remorquage FG, compagnie qui assure le service de signaleurs. Il l’explique par la densité du trafic avec les employeurs des entreprises cheminant par la 138, notamment Alouette, la SFP Pointe-Noire, ArcelorMittal… « Tout le monde passe par là. »

Sur le site, c’est un autre Frédéric, Dupont celui-là, qui veille au grain pour Remorquage FG, même si son patron est souvent présent. 

« J’observe ce qui se passe avec le trafic. Les signaleurs font la même affaire », mentionne celui qui est contremaître et signaleur. « Il faut se backer, c’est hyper important. »

M. Dupont souligne que lui et ses hommes doivent être vigilants et avoir des yeux tout le tour de la tête.

Sur le chantier du pont Jourdain, les signaleurs se sont d’ailleurs distancés des lignes d’arrêt par rapport à ce qui en était au début des travaux, pour une question de sécurité. 

Ils ne peuvent envoyer les véhicules tant et aussi longtemps que l’autre signaleur n’a pas répondu via la radio. Et sur cet instrument de télécommunication, ils doivent s’en tenir au strict minimum dans la conversation. Il en va ainsi avec les camionneurs sur le chantier qui sont à l’écoute. 

« Le secret, c’est la communication. Il faut faire confiance en celui avec qui tu travailles. »

Pas toujours rose 

Si une partie de leur sécurité dépend de leurs communications, elle repose en bonne partie sur les usagers de la route.  

Moins il y a du trafic, moins le stress est présent. Plus il y en a, moins les gens sont patients.  Les signaleurs doivent rester poli et courtois à l’endroit des conducteurs, même si…

« Rendu au quatrième qui n’arrête pas (à la ligne), ça se peut qu’il mange une go… »

Si les signaleurs aiment qu’il y ait de l’action, il y a toutefois une montée d’adrénaline et des émotions quand les « mêlées de la route » s’accumulent. 

« Ce qui me met en tabar…, c’est quand les gens n’écoutent pas. Les conducteurs ont trop d’informations visuelles sur les chantiers, ils ne savent plus quoi regarder », ajoute le contremaître, qui ne tolère pas que les gens manquent de politesse à l’endroit de ses signaleurs.

Il trouve cependant plaisant de voir les gens qu’il connaît lui envoyer la main ou lui esquisser un sourire. « On n’est pas là pour s’amuser par contre. »

M. Dupont apprécie aussi la collaboration des camionneurs qui, à l’approche du chantier, activent régulièrement les clignotants d’urgence, les quatre flasheurs en bon québécois, pour ralentir le trafic.

La fin de la journée de travail, vers les 16 h 30-1 h 45, peut être critique quand les signaleurs et le contremaître doivent ramener les cônes en bordure de route, retirer la barrière, le feu d’arrêt et cacher les panneaux de circulation (limite de vitesse et feux). Ce n’est pas long que les véhicules reprennent leur vitesse de croisière. 

« Quand tu es signaleur, tu joues avec ta vie à journée longue », souligne l’homme de 60 ans. « Il n’y a pas d’âge pour faire ça. » Une formation d’une durée de trois heures en plus d’un test est nécessaire pour être signaleur routier. 

Une journée trop tard

Il n’y a pas mieux comme journaliste que d’aller sur le terrain pour voir concrètement comment ça se passe. Il y a deux semaines, le propriétaire de Remorquage FG, Frédéric Gagnon, m’a proposé de passer du temps avec son équipe sur la signalisation « Tu pourrais constater les dangers », m’écrivait-il.

Je suis tombé sur une journée tranquille le 2 août, présent sur le site du pont Jourdain de 15h à 17h. Je m’attendais à en voir de toutes les couleurs, mais non. 

Il y a eu 50% moins de trafic que la veille, de dire le contremaître pour Remorquage FG, Frédéric Dupont. 

Le 1er août, ils ont dû faire appel à la Sûreté du Québec. Les signaleurs et les travailleurs du chantier ne se sentaient pas en sécurité. Deux agents se sont postés aux abords des lignes d’arrêt avec leur moto. En peu de temps, six interventions pour des conducteurs qui ne respectaient pas la limite de vitesse ou qui ont passé au feu rouge. 

Frédéric Gagnon va aussi loin dans ses propos en disant que c’était le « summum des imbéciles » pour les actions de certains qui maintenaient leur vitesse de croisière.  

Par ailleurs, lors de mes deux heures en compagnie des signaleurs, seulement deux seuls cyclistes ont défilé dans le secteur. Ils ont respecté à la lettre les directives. 

Je me suis dit que ça devait être le cas pour l’ensemble d’entre eux puisque les travaux permettront d’avoir des accotements de 3 mètres au lieu de 0,87 mètre dans chacune des directions.

La recommandation de Vélo Québec est de 1,5 mètre pour assurer un passage sécuritaire des cyclistes. Tous devraient être heureux face à ce qui s’en vient, mais non.

« Il y a des cyclistes frus », me lance Frédéric Dupont. Ils se voient couper leur erre d’aller.  

Même si en quatre ans de service Frédéric Gagnon note aucun accident, il déplore particulièrement le non-respect du corridor de sécurité lors de l’installation de l’équipement et des sentiers alors que les gyrophares des véhicules sont activés.

« Des incidents oui, des conducteurs qui entrent dans les cônes. J’ai déjà passé proche de me faire entrer dedans aussi », mentionne-t-il. 

Le propriétaire de Remorquage FG soulève que certains conducteurs ne ralentissent pas, mettant en danger la vie des signaleurs, mais aussi celle des travailleurs sur les chantiers.

Bref, si vous trouvez déjà que ça fait mal au portefeuille une contravention, dites-vous que sur un chantier routier le montant de l’amende est doublé. 

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