Ambulancier ou enseignant, pas les deux
Sur les 11 finissants du programme de Soins préhospitaliers d’urgence du Cégep de Baie-Comeau, 8 ont obtenu une promesse d’embauche de Paraxion. Photo Cégep de Baie-Comeau
Ambulancier ou enseignant? C’est un choix que doivent faire à contrecœur les techniciens ambulanciers paramédics de Paraxion à Baie-Comeau. Impossible de conjuguer les deux professions dans les conditions proposées par leur employeur.
Le programme de Soins préhospitaliers d’urgence (SPU), offert depuis trois ans à l’établissement collégial baie-comois, nécessite des professeurs qui s’y consacrent avec dévouement pour former la relève, une solution à la pénurie de main-d’œuvre.
Dans le but de se garder à l’affût de ce qui se fait dans le domaine, les enseignants, qui sont avant tout des paramédics, espéraient pouvoir monter quelques heures par semaine dans une ambulance. Une façon également de supporter du mieux qu’ils peuvent leurs collègues qui sont à bout de souffle.
Paraxion, entreprise ambulancière qui couvre presque tout le territoire de la Côte-Nord, refuse leur aide puisqu’ils ne peuvent pas offrir les conditions demandées, soit quatre jours de 12 heures par période de 15 jours. Les enseignants se sont plutôt portés volontaires pour une journée de 12 heures par semaine.
Ce compromis, qui permettrait aux profs de bien concilier travail et famille, n’a pas trouvé d’écoute au sein de l’entreprise.
Sans surprise
Des démissions découleront de cette décision qui ne surprend pas le président de la Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ), Daniel Chouinard.
« Je sais qu’il se passe des choses particulières souvent avec Paraxion concernant la gestion du personnel. Ce n’est pas quelque chose qui me surprend. C’est très plausible. Paraxion n’est pas la seule. Il y en a d’autres qui agissent comme ça aussi », tranche-t-il.
Le syndicat apporte toutefois comme solution d’accepter toutes les heures qui peuvent être offertes par des paramédics. « Il faut les utiliser ces gens-là qui sont prêts à le faire. Souvent, c’est parce qu’ils ont un autre travail à temps plein et qui sont prêts à venir donner des journées à temps partiel », ajoute le président.
Selon M. Chouinard, « les entreprises qui agissent comme ça se privent d’une main-d’œuvre pour être capables de donner des congés à ceux qui sont là à temps complet et qui en ont grand besoin pour prendre un peu d’air ».
Le président du syndicat de la Haute-Côte-Nord et de Baie-Comeau, Francis Pinard, est au courant de la situation et il a participé aux négociations avec l’employeur. Il dénonce les conséquences qui en résulteront.
« Ça n’a pas de bon sens que Paraxion se prive de travailleurs, qu’elle mette au pied du mur des travailleurs qui font de l’enseignement, qui sont une clé importante pour contrer la pénurie de main-d’œuvre sur la Côte-Nord », commente-t-il.
M. Pinard renchérit d’ailleurs en mentionnant que l’ambulancier, qui est aussi enseignant, peut offrir plus d’heures lors des congés scolaires comme les vacances estivales ou de Noël. « Paraxion se prive d’un employé qui serait rentré selon une disponibilité minimum qu’on demande aux temps partiels », déplore-t-il.
Le syndicat doit toutefois se référer aux articles de la convention collective pour régler ce genre de litige. La convention collective prévoit actuellement une année sans solde aux 5 ans pour enseigner.
Quand ils sont rendus à la croisée des chemins, les employés doivent choisir entre poursuivre comme paramédic ou œuvrer dans son autre profession à temps plein.
Francis Pinard travaille présentement à développer une lettre d’entente pour faciliter l’obtention de congés sans solde pour les enseignants en SPU. « Il y a une certaine ouverture de ce côté-là, mais on commence tout juste les pourparlers pour ça », dévoile-t-il.
Paraxion s’explique
Invitée à éclaircir sa décision, l’entreprise ambulancière Paraxion a répondu aux questions du journal par courriel. Elle affirme que « la demande [des enseignants] n’a pas été refusée, mais est actuellement en analyse. Nous avons d’ailleurs des employés qui travaillent actuellement à temps partiel tout en enseignant au cégep ».
« Nous sommes actuellement en discussions constructives avec les représentants syndicaux afin de trouver une solution qui soit bénéfique pour toutes les parties impliquées. Il est important de rappeler que la responsabilité première de Paraxion est d’assurer les services à la population », poursuit l’entreprise ambulancière.
Paraxion reconnaît que la pénurie de main-d’œuvre est bien présente dans l’industrie. « Nous devons jongler à la fois avec les demandes de tous nos travailleurs (qu’ils enseignent ou non), les exigences de la convention collective et cette pénurie. Toute modification doit se faire dans le cadre des négociations en cours », insiste-t-elle.
Les dirigeants ne nient pas l’importance de collaborer à la formation offerte au Cégep de Baie-Comeau, au contraire. « Former la relève est capital pour Paraxion. C’est pourquoi nous collaborons avec le Cégep de Baie-Comeau depuis l’instauration du DEC en Soins préhospitaliers d’urgence. Notre partenariat dépasse la mise en disponibilité des enseignants », précisent-ils dans le courriel.
Parmi les actions posées, Paraxion dit participer à enrichir l’approche pédagogique puisque les étudiants et des finissants réalisent leurs stages dans ses casernes. Elle fournit également des équipements, dont le don d’un véhicule ambulancier au cégep.
Le 29 avril, Paraxion a organisé, à ses frais, un Bootcamp d’entraînement intensif pour les finissants du DEC en SPU « afin de favoriser leur réussite aux examens du Registre national et, par le fait même, l’obtention de leur droit de pratique ».
« Ces types de collaboration avec l’établissement d’enseignement nous permettent de contribuer à la qualité de la formation offerte aux étudiants et de mieux les préparer à la réalité de la profession », soutient l’entreprise.
De leur côté, les dirigeants de l’établissement scolaire ont refusé de commenter le dossier entre Paraxion et les enseignants.
Une première cohorte finissante
En mai, les 11 étudiants de la première cohorte du programme de Soins hospitaliers d’urgence du Cégep de Baie-Comeau obtiendront leur diplôme. Ils étaient plus nombreux au départ, mais certains ont changé de carrière et d’autres ont effectué leur parcours scolaire sur une plus longue période.
Sur ce nombre de finissants, huit ont obtenu une promesse d’embauche de Paraxion et exerceront donc leur futur métier dans la région. Une bonne nouvelle en soi, mais ce n’est pas suffisant pour combler les départs volontaires, d’après Francis Pinard.
Selon les données du 15 février dévoilées par l’établissement d’enseignement, 54 personnes étudient dans ce programme (première, deuxième et troisième année de formation).
« Nous avons des étudiants de la Côte-Nord, mais un bon nombre provient de l’extérieur de la région. Ce programme est populaire au Québec et est offert dans un nombre limité d’établissements. Les étudiants qui désirent suivre cette formation se déplacent donc pour la suivre », témoigne Nathalie Anne Nadeau, conseillère aux communications au Cégep de Baie-Comeau.
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