La vie reprend ses droits

Par Emy-Jane Déry 12:23 PM - 16 juin 2021
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« S’il n’y avait pas eu mes filles, je ne sais pas ce que je serais devenue. Je ne suis pas suicidaire, mais probablement que je serais devenue une itinérante quelque part », me confie Nathalie Coulombe.

C’est la maman d’Émile Cormier. Ça va faire un an, le 28 juin, qu’il est décédé dans un accident de six roues. Il passait un superbe week-end dans le bois, au camp d’un ami.

Comme parent, ces mots-là ne peuvent que venir nous chercher. On la comprend tous.  On a tous envie de lui faire le plus gros câlin du monde et de boire une sangria en sa compagnie pour qu’elle nous raconte son fils.

Quel parent n’a jamais eu un instant ce questionnement : qu’est-ce que je ferais si je perdais un de mes enfants ?

C’est horrible l’impression que ça fait, seulement d’y penser. Ça fait mal et il n’est rien arrivé.

Treize années, c’est trop court. Mais il n’en aura pas fallu davantage à l’être « particulier » qu’était Émile pour laisser sa trace.

La mère d’un de ses bons amis a écrit à Nathalie pour lui dire que son fils avait « ramené des étoiles dans les yeux de son garçon. »

Il vivait de l’intimidation, puis Émile est devenu son ami.

Il ne laissait personne à part, Émile. Il était comme ça.

Il a passé tout son primaire à l’école Jacques-Cartier. Au secrétariat, l’adjointe a encore un petit mot de lui, accroché sur l’armoire de son bureau. Elle l’a bien connu. Sa gorge se noue quand elle en parle.

Le 8 juin dernier, l’établissement a remis le premier prix hommage Émile Cormier. On le décernera chaque année à un élève qui représente bien quatre valeurs dont il était lui-même porteur : écologie, pacifique, solidaire et démocratique.

C’est une initiative des professeurs. Pour ses parents, la création de ce prix, le fait que des enseignants qui ont croisé sa route souhaitent lui rendre hommage c’est extrêmement significatif.

« Quand on perd un enfant, nous, les parents, on ne l’oublie jamais…je pense que c’est le fait de le garder vivant longtemps, juste qu’il ne soit pas oublié », explique sa mère.

Nathalie prévoit retourner sur le site de l’accident, à 4 heures de Sept-Îles. Il faudra louer un hélicoptère, mais elle veut boucler la boucle. Aller mettre une croix là où ça s’est produit. Puis il faut aussi enterrer ses cendres qu’elle a tenu à garder avec elle durant la dernière année.

Il faut continuer.

« Dans un deuil, tu as toujours peur un peu de perdre ta santé mentale. Mais non, on continue. Mes filles sont là. Et l’amour d’Émile est tellement présent, qu’on a juste le goût d’être heureux d’avoir eu le privilège de l’avoir dans notre vie. »

C’est sur ce principe qu’elle s’est appuyée pour réussir à reprendre la finalisation de son BAC en travail social, moins de deux mois après le drame.

Nathalie a aussi la chance d’être extrêmement bien entourée.

Ses collègues du BAC sont débarqués chez elle pour lui dire qu’ils s’étaient cotisés, afin de payer les frais de sa session d’automne.

À travers le quotidien, quand les vagues de peine se présentent, Nathalie les prend de front.

 J’aurais eu envie de partager ma vie entière avec mon garçon, mais il n’est plus là. Il faut la vivre cette peine, et juste, ne pas la fuir.

 « J’aurais eu envie de partager ma vie entière avec mon garçon, mais il n’est plus là. Il faut la vivre cette peine et juste, ne pas la fuir », dit-elle. « Je veux être épanouie, je ne veux pas vivre dans la souffrance intense jusqu’à la fin de mes jours. De toute manière, ce n’est pas ce que Émile voudrait. »

On survit, dit Nathalie. La vie reprend ses droits.

Parlant de boucler la boucle, elle terminera sa dernière session d’université…le 28 juin.

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