Le Musée régional de la Côte-Nord fermera en janvier et février

Par Fanny Lévesque 15 octobre 2014
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Devant un déficit budgétaire de 100 000 dollars, le Musée régional de la Côte-Nord n’a d’autres choix que de mettre la clé dans la porte de son établissement pendant les mois de janvier et février, les moins achalandés de l’année, pour se sortir du gouffre financier. Avec un budget quasi jamais indexé en 25 ans, le Musée entretient d’ailleurs peu d’espoir que Québec intervienne, surtout avec son plan d’austérité.

L’institution régionale jongle avec un manque à gagner annuel oscillant autour de 60 000$. Au fil de bonnes et moins bonnes années, le déficit s’est creusé pour atteindre les six chiffres. «On le sentait pas trop avant parce qu’on avait beaucoup projets avec nos partenaires, des projets qui amenaient de l’argent au musée», explique son directeur général, Christian Marcotte.

Sauf qu’à l’heure où Québec sabre un peu partout dans l’appareil gouvernemental, il devient encore plus difficile de financer des projets socio-culturels, selon M. Marcotte. Les compressions en éducation ont aussi eu un impact sur le nombre de visites scolaires. «On est réaliste, on regarde le contexte et on n’attend pas de miracles», lance le directeur, dont l’établissement vient de mettre sur pied un plan de redressement.

Plan de redressement
L’institution s’est résignée à réduire le nombre de ses expositions annuelles de 6 à 4, en plus de ne pas rouvrir un poste de conservateur aux arts visuels et responsable des expositions. «Pour l’instant, on essaie de réduire la pression sur notre budget», explique-t-il. Le musée fermera aussi en janvier et février. «C’est pour, on espère, un an ou deux, le temps de se sortir la tête de l’eau.»

Les employés de l’établissement de Sept-Îles ont également mis l’épaule à la roue en acceptant un gel salarial d’un an, à la signature de leur contrat de travail au début du mois. La décision a été prise dans un «but commun» celui de «maintenir un musée vivant dans leur milieu», avaient fait savoir les parties, au terme des négociations.

Le Musée régional de la Côte-Nord s’alliera également avec le milieu économique pour trouver de nouvelles avenues pour augmenter ses «revenus autonomes», comme le nombre d’entrées et les bénéfices de sa boutique. L’établissement misera de plus, sur l’augmentation de son membership et la redynamisation de sa fondation.

L’achalandage se maintient
Tout n’est pas noir au musée, qui n’est d’ailleurs pas moins populaire qu’avant. L’accueil de croisières internationales et ses passagers assure une constance dans l’achalandage. «Les bateaux, c’est extraordinaire pour nous», affirme le directeur. Dix navires ont accosté à Sept-Îles en 2014. «Ça nous sauve par exemple d’un été où il fait très beau et où les visiteurs sont moins au rendez-vous.»

Le Musée régional de la Côte-Nord attire bon an, mal an quelque 12 000 visiteurs. Près de 70% de budget de 360 000$ est financé par Québec. La Ville de Sept-Îles lui apporte une aide en services et l’exempte de taxes. L’établissement embauche cinq employés à temps plein et autant à temps partiel.

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Shaputuan: Composer avec des ressources financières limitées

En tant que directeur général du Musée Shaputuan, Lauréat Moreau, doit composer avec un budget limité pour maintenir en vie ce lieu de diffusion de la culture autochtone. Une situation le forçant à avoir recours à un personnel réduit et qui nuit grandement à la réalisation de certains projets dans ses murs.

Le Musée Shaputuan

Le Musée Shaputuan

Sans être surpris par les difficultés financières rencontrées par le Musée régional de la Côte-Nord, Lauréat Moreau, soutient qu’il arrive à maintenir le Musée Shaputuan en place grâce au soutien du Conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam qui assume son léger déficit d’opération année après année. Lors de l’entretien, le directeur général n’a pas voulu s’avancer sur le montant manquant dans ses coffres.

«Notre situation n’est pas comparable. Contrairement au Musée régional de la Côte-Nord, on fonctionne avec très peu d’employés. Ça nous évite de faire face à de gros déficits. On n’est que trois employés permanents. Ça diminue les frais d’opération. Ça exige toutefois d’être polyvalent, car il y a plusieurs tâches à effectuer», soulève M. Moreau.

Pour assurer ses opérations, le Musée Shaputuan ne compte pas sur l’appui financier de l’un des deux paliers gouvernementaux, ni sur le nombre de visiteurs qui est constamment en fluctuation.

«On est un organisme à but non lucratif. Nous ne sommes pas là pour faire des profits. Il est vrai qu’on aimerait pouvoir en faire pour réinvestir dans nos activités, explique-t-il. Je ne cacherai pas que les subventions ont parfois été plus abondantes. Cependant, on comprend très bien que la province ait d’autres priorités.»

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Une situation pas unique à la Côte-Nord

La précarité financière du Musée régional de la Côte-Nord n’est pas unique selon la Société des musées du Québec (SMQ) qui est d’avis que tout le réseau muséal de la province est en crise. L’organisation réclame une intervention claire du ministère de la Culture et des Communications, sans quoi la situation n’ira qu’en se dégradant, soutient la SMQ.

«Ce n’est pas exagéré de parler de crise, lance le directeur général, Michel Perron. La situation est extrêmement troublante», ajoute-t-il. Pour l’heure, quelque 120 institutions de la province se partagent les 17 millions $ de l’enveloppe de l’aide au fonctionnement des musées, un montant qui n’a pas été indexé depuis plusieurs années, mais épargné lors du dernier budget Leitao.

Le programme d’aide au fonctionnement, «le nerf de la guerre», comme l’indique la SMQ devrait être bonifié de 21 millions $ selon les estimations de l’organisme, en plus d’augmenter le nombre d’établissements admissibles. «C’est d’autant plus cruel que le rapport Corbo [Groupe de travail sur l’avenir du réseau muséal québécois] reconnait le sous-financement du réseau muséal», souligne-t-il.

Le rapport Corbo est d’ailleurs toujours sous analyse, confirme le ministère de la Culture et des Communications.

Les petits musées, plus fragiles
Selon la SMQ, tant des musées situés dans les grands centres, comme Montréal ou Québec, que des établissements en région peinent à joindre les bouts. «La fragilité est davantage liée à la taille des institutions qu’à leur localisation», soutient Michel Perron. La Société des musées du Québec représente 300 institutions et 600 membres individuels du réseau muséal québécois.

Avec Éric Martin

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