Coût de la vie | Des compromis au détriment de la santé sur la Côte-Nord

Par Marie-Eve Poulin 5:00 AM - 14 mai 2024
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Couper des comprimés, sauter des doses, ne pas renouveler une ordonnance, c’est ce que près d’un quart des Canadiens font, parce qu’ils ne peuvent payer leurs médicaments. Photo iStock

Vivre à Sept-Îles coûte plus cher qu’ailleurs au Québec et le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Après avoir payé le loyer et l’épicerie, des gens doivent faire des compromis au détriment de leur santé.

Selon un sondage Léger réalisé pour la Société canadienne du cancer et du Cœur + AVC, près d’un Canadien sur quatre a indiqué avoir coupé des comprimés, sauté des doses, n’a pas renouvelé son ordonnance ou ne s’est pas procuré sa prescription en raison du coût des médicaments. 

De plus, ce sondage rapporte qu’une personne sur dix atteinte d’une maladie chronique aboutit à l’urgence lorsque son état de santé se détériore, car elle n’était pas en mesure de payer ses médicaments. 

Sept-Îles ne fait pas exception.

Urgence médicaments

Transit Sept-Îles, qui accompagne et héberge des gens qui n’ont plus d’endroit où aller, offre le service Urgence médicaments, grâce à Centraide. Les gens doivent tout d’abord se rendre au CISSS, pour être référés au Transit par un intervenant.

Valérie Santerre, directrice de Transit Sept-Îles, dit que l’organisme vient en aide à énormément de personnes.

« On a 8 000 $ par année et je te dirais que cette année, on l’a vraiment dépassé », dit-elle. « Il y a des personnes qui font des demandes deux ou trois fois, exemple au montant de 200 $, mais malheureusement, on ne peut pas les aider. On doit aider des personnes différentes » poursuit-elle. 

Lorsqu’elle n’est pas en mesure d’aider, Mme Santerre réfère au Fonds Irène Gauthier, qui est géré par l’organisme CRIC de Port-Cartier, mais financé par Centraide. Cette aide peut être utilisée lorsque la personne accompagnée de son intervenant a épuisé toute autre forme d’aide et/ou ressource disponible sur le territoire.

Mohamed Madi, pharmacien à Port-Cartier mentionne qu’il n’a pas vu des gens quitter la pharmacie sans médication et c’est en partie grâce aux programmes d’aide comme celui du Transit. Toutefois, il arrive très fréquemment que pour des raisons monétaires, le pharmacien suggère un médicament à moindre coût, qui est couvert par les assurances. « Des fois, le médecin prescrit un médicament qui a moins d’effets secondaires, moins de risques d’accoutumance, mais il n’est pas couvert. Par exemple, un médicament pour dormir, le patient doit payer environ 70 $, versus un autre qui est couvert qui coûtera 15 $ », dit-il. « Donc oui, des fois, je vais faire la suggestion. Je demande s’il est d’accord qu’on vérifie avec le médecin. Malheureusement, oui, ça arrive. »

Sylvie Dion, pharmacienne co-propriétaire chez Brunet, à Baie-Comeau, affirme « que ça peut arriver » que des gens doivent se priver ou faire des compromis. « Il n’y a pas tant de solutions », dit-elle. « On essaie de diminuer un peu les quantités, ou offrir quelque chose de moins dispendieux. On ne peut pas offrir de crédit. » 

Le Centre d’action bénévole de Sept-Îles ne voit pas souvent ce type de difficulté, mais en a tout de même déjà été témoin. Par exemple, un usager expulsé de son logement a admis ne pas avoir assez d’argent pour payer ses médicaments, donc il consommait ceux expirés, qu’il avait en sa possession. 

Alimentation et logement

Le directeur de la santé publique Richard Facheoun affirme que le revenu est un déterminant important de la santé. Une personne ayant un faible revenu aura de la difficulté à bien s’alimenter et à trouver un bon logement. 

Il rapporte que les gens en situation d’insécurité alimentaire ont une moins bonne santé physique et mentale.

« Ils vont vivre des troubles du sommeil, de l’anxiété, dépression, diabète de type 2, des maladies cardio-vasculaires et avoir une haute pression », dit-il. 

Les enjeux liés au logement ont aussi beaucoup de conséquences sur la santé.

« Par exemple, si dans mon logement j’ai des moisissures, trop d’humidité, des acariens, des insectes, ça va augmenter le risque de maladies respiratoires, de maladie de la peau et me créer une fatigue chronique », dit-il. « Le logement est beaucoup associé aux enjeux de santé mentale. »

Il croit donc qu’il est essentiel de frapper aux portes des organismes qui peuvent aider en matière de logement et d’alimentation. En allégeant ces dépenses, les personnes seront plus en mesure de garder du revenu pour acheter des médicaments.

Coûts

« Si on ne peut pas prendre ses médicaments, ça va générer une augmentation des visites à l’urgence et des hospitalisations », dit le directeur de la santé publique Côte-Nord. Cela augmente le coût de la prise en charge. « L’occupation des lits de soins actifs et l’utilisation des ressources qui auraient pu être dédiées à d’autres usagers », ajoute Jean-Christophe Beaulieu, porte-parole du CISSS. 

Richard Facheoun mentionne que pour la personne, c’est une dégradation de son état. « Donc, sa qualité de vie pourrait être altérée. »

C’est pour cette raison qu’une personne qui n’est pas en mesure de se procurer de la médication devrait en parler, pour être orientée vers les organismes qui pourront lui venir en aide.

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