70 ans plus tard…Les pionniers de la voie ferrée

Par Vincent Rioux-Berrouard 5:01 AM - 8 février 2024
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Charles-Aimé Bonenfant a travaillé 35 ans à l’Iron Ore.

Il en a fallu de la sueur et du travail pour arriver à construire la voie ferrée entre Sept-Îles et Schefferville. Derrière cet exploit se trouvent des hommes qui ont affronté des conditions difficiles. Nous en avons rencontré deux qui, malgré le temps passé, ont encore en mémoire cette époque où la région a été transformée.

Du haut de ses 89 ans, Charles-Aimé Bonenfant, est probablement la personne qui connaît le mieux la voie ferrée reliant Sept-Îles à Schefferville. 

« Je l’ai marché ce chemin de fer », confie celui qui a travaillé pendant 35 ans à l’Iron Ore.

C’est au début du mois de février 1954 que ce jeune homme résident de Sainte-Anne-de-la-Pocatière arrive sur la Côte-Nord, pour venir travailler sur ce projet majeur. Ce qui l’amène est avant tout la possibilité de travailler, parce que les emplois dans son coin de pays se font rares.

Le chemin de fer est alors dans les derniers milles de sa construction.

« On construisait environ un mille par jour à ce moment. On avait une équipe d’environ une centaine d’ouvriers et on faisait tout à la mitaine. C’était de l’ouvrage manuel », dit M. Bonenfant.

Les conditions climatiques en hiver n’étaient pas faciles.

« Dans le nord, les tempêtes en hiver, ce n’est pas comparable à ce que l’on a Sept-Îles. C’est bien pire », souligne-t-il. 

Bertrand « Burt » Carrier était présent également pour la construction de la voie ferrée. En 1951, il est dans la réserve militaire à la base de Valcartier, dans la région de Québec. Il entend alors parler d’un « gros chantier » qui se déroulerait dans le coin de Sept-Îles. 

« On ne savait à peu près rien quand on s’est engagé. Tout ce qu’on savait, c’était qu’il y avait un chemin de fer qui se construisait. On s’embarquait dans l’inconnue », affirme M. Carrier, qui habite maintenant aux Bâtisseurs. 

L’attrait d’un salaire plutôt élevé pour l’époque a fait son œuvre et il s’est engagé.

Il a notamment travaillé à la construction du pont qui traverse la rivière Moisie. M. Carrier fut lui aussi confronté aux rigueurs du climat. Il se souvient de soirs où le contremaître annulait les quarts de travail, parce que le thermomètre affichait -40 degrés Celsius.

Après avoir travaillé à la construction de la voie ferrée, étant mécanicien de formation, il a été transféré à l’atelier des locomotives qui venait juste d’être créé. Il y a fait une carrière de 33 ans à l’Iron Ore.

Une famille

La relation spéciale qui existait entre les employés de la compagnie est un fait qui ressort particulièrement, en discutant avec ces pionniers. M. Bonenfant n’hésite pas à dire qu’ils étaient comme une famille. Des relations spéciales se sont créées durant toutes ses années entre les employés, décrit-il.

Des propos qui sont appuyés par son ancien collègue de l’Iron Ore, Burt Carrier. Il se souvient de la diversité de la provenance des travailleurs. Il y avait des gens de partout du Canada, mais aussi d’autres pays, comme la France, l’Allemagne et l’Italie. Malgré tout, il se créait un esprit de camaraderie.

Les deux hommes expliquent avoir conservé des liens avec plusieurs de leurs collègues de travail, même après leur retraite. Toutefois, comme ils le font tristement remarquer, plus les années passent et moins ils sont nombreux.

Des souvenirs impérissables

Dans les années qui ont suivi la construction du chemin de fer, M. Bonenfant a travaillé à la maintenance et à l’inspection de l’infrastructure. Parmi ses plus beaux souvenirs, il identifie une période de six mois passés au mille 244, au camp de Shabo. C’est qu’il a pu être accompagné par sa femme, Yvette, et ses enfants, durant ces quelques mois.

« C’était un coin magnifique. La fin de semaine, on allait à la plage, ou à la pêche. On a passé de beaux moments toute la petite famille », affirme-t-il.

Pour M. Bonenfant, le fait d’avoir participé à la construction du chemin de fer qui soulignera bientôt ses 70 ans est une fierté.

« J’ai eu de bons moments à cause du chemin de fer. Des mésaventures, non. J’ai aimé travailler dessus et il m’a permis d’obtenir une belle carrière, où j’ai eu des promotions », commente-t-il.

La fierté est aussi présente chez M. Carrier.

« C’est le testament qu’on laisse », dit-il avec candeur.

Bertrand « Burt » Carrier a œuvré 33 ans à l’Iron Ore.

Une ville en transformation

Autant M. Bonenfant que M. Carrier ont été témoins de la transformation de Sept-Îles. À cette époque, Sept-Îles est une petite municipalité d’à peine quelques centaines d’âmes. « Quand je suis arrivé à Sept-Îles, il y avait quelques rues éparpillées. Il n’y avait pas grand plans d’urbanisme à l’époque », commente M. Carrier.

Cependant, le fait que tout était à construire et que la ville était en plein développement avait un certain attrait. Les deux hommes résident encore à Sept-Îles, près de 70 ans après l’achèvement du chemin de fer.

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