La DPJ et Mani-utenam : entrevue avec la mère

Par Sylvie Ambroise 8:57 AM - 28 Décembre 2023 Initiative de journalisme local
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À la suite de l’événement du 20 décembre, où la communauté de Uashat mak Mani-utenam s’est rapidement mobilisée pour empêcher que les enfants d’une jeune mère soient emmenés par la Direction de la Protection de la Jeunesse Côte-Nord (DPJ), la mère raconte sa version.

Dans une entrevue de près d’une heure, c’est cette jeune femme, qui dit avoir subi la violence conjugale psychologique, témoigne afin que les gens comprennent mieux son histoire.

« Ça m’a détruit dans ma tête, ce n’est pas des coups physiques, mais ça fait le même effet. J’ai quitté cette relation toxique depuis deux ans après 8 ans de vie commune. C’est moi qui ai peur de lui. Et c’est moi qui suis étiquetée auprès de la DPJ comme droguée, mais pourtant, j’ai fait plusieurs ressourcements et des thérapies, je suis capable de m’en occuper de mes enfants », raconte-t-elle pour donner un contexte.

Le spectre d’un exil

« J’ai reçu des messages provenant de la communauté de Ekuanitshit. Je ne suis pas toute seule à qui ça arrive se faire enlever ses enfants. Leurs enfants sont emmenés chez les blancs. Ce n’est pas juste Uashat mak Mani-utenam, c’est partout que ça arrive. Il y en a qui n’ont pas le soutien comme moi je l’ai eu. Et ça m’attriste beaucoup pour ces familles. Ce sont nos enfants, c’est notre avenir. Ce qui est arrivé, ce n’est pas pour moi, c’est pour la protection de nos enfants. Je suis en guerre contre la DPJ » dit-elle.

La volonté d’une communauté de refuser que les enfants soient emmenés à l’extérieur de la communauté a évidemment retenu l’attention et a touché la mère de famille qui souhaite taire son identité pour le moment.

« J’étais vraiment reconnaissante. C’est là que j’ai vu que l’on voulait toute la même chose, la sécurité des enfants. Les Innus ne m’ont pas protégé moi. J’ai dit à mes enfants, regardez, ils sont tous là pour vous. On vous aime et on veut vous protéger. La mobilisation était belle. La police disait, on attend le mandat et on va défoncer les portes s’il le faut, mais non, les Innus de ma communauté se tenaient debout et se seraient battus, je le sais. J’ai senti toute la fierté de mon peuple. Il faut se lever parfois », raconte-t-elle.

Relation orageuse avec la DPJ

« Ils se pensent mieux que nous autres. Ça me fait penser à l’histoire des pensionnats avec la police et ma grand-mère. C’est ça que l’on me racontait, on est venu me chercher avec la police, mes grands-parents voulaient me garder. Et d’ailleurs, ils devraient mieux s’occuper de leurs personnes âgées (…). Nos aînés ne meurent pas seuls à l’hôpital. » compare-t-elle

Elle a donc trouvé une place auprès de sa tante qui a accepté de s’en occuper. S’en est suivi une mobilisation communautaire, mercredi soir dernier, chez sa tante pour empêcher que les enfants soient emmenés.

« La DPJ n’était pas d’accord avec cette solution. Eux veulent les placer dans un terrain neutre. Mais un enfant n’est-il pas mieux dans son environnement familial? On ne respecte pas le bien-être de l’enfant dans ces conditions-là », continue la dame.

Les enfants sont demeurés une nuit chez leur tante et ont été retournés, dès le lendemain, dans le milieu où la mère avait dénoncé à maintes reprises des situations anormales auprès de la DPJ.

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