De la confiance naissent l’espoir et… l’économie

Par Réjean Porlier 7:00 AM - 12 août 2023
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Nous arrivons Chantal et moi d’un voyage à Terre-Neuve/Labrador. Un voyage dont nous parlions depuis plusieurs années et qu’enfin nous avons réalisé. Les voyages sont formateurs, ils élargissent nos horizons et nous aident à mettre les choses en perspective.

Bon, Terre-Neuve, ce n’est pas les Philippines me direz-vous, mais lorsque vous entrez dans un restaurant, il y a de fortes chances pour que vous soyez servis par un travailleur étranger et vraisemblablement des liens privilégiés se sont tissés avec ce pays d’Asie. Grand bien leur fasse, car les problèmes de main-d’œuvre ressemblent aux nôtres et les Philippiens sont des gens courtois, souriants dont plusieurs employeurs ne se passeraient plus.

Ce qui m’a particulièrement frappé à Terre-Neuve, outre le chaleureux accueil d’une population calme et résiliente, les splendides paysages côtiers et les routes en piètre état, ce sont les similitudes avec notre basse côte nord-côtière. Il ne faut peut-être pas s’en étonner puisqu’après tout, les deux endroits se voisinent par leurs frontières et le partage du golfe Saint-Laurent, mais il y a plus.

Tous ces petits villages de pêcheurs où la morue a longtemps été la principale ressource exploitée et conséquemment la principale source de revenus, jusqu’au moratoire fédéral de juillet 1992, ont et continuent de traverser une mutation difficile de leurs activités commerciales. S’il est un phénomène qui inquiète davantage, c’est l’exode des jeunes qui mène tantôt lentement, tantôt abruptement à la chute des populations, au point de mettre à risque la survie de certains villages. Tout ça nous ressemble beaucoup!

À peine sortis d’un village, nous entrions dans un autre et ce qui sautait aux yeux, c’était à quel point nous avions l’impression de passer d’une époque à une autre. Dans certains villages, on aurait dit que le temps s’était arrêté et que les vestiges de cette période de pêche à la morue s’entêtaient à donner la mesure, alors qu’étaient renversées de vieilles chaloupes aux abords de quais chambranlants devenus inutilisables. Quelques maisons à l’abandon dont on avait peine à imaginer que jadis, elles étaient pleines de vie. Sentiment de tristesse, d’abandon, témoignage de promesses brisées où l’espoir peine à trouver son nid. C’est la hauteur du défi qui sans doute décourage la relève. À quelques kilomètres de là, nous frappaient de plein fouet la modernisation, les maisons fraîchement rénovées et la construction de nouvelles, une micro-brasserie, des kiosques pour le tourisme, de nouveaux quais d’où on part pour approcher les icebergs et immortaliser le moment. On vous offre même d’apporter un morceau de cette glace plus pure que pure qui changera le goût de vos boissons.

Qu’est-ce qu’il y a entre ces deux villages, outre ces quelques kilomètres? Un mélange de résilience, d’entrepreneuriat et une population qui a décidé que tout ne s’arrêtera pas là, bien au contraire.

Ce serait faux de penser que certains mois d’hiver ne sont pas difficiles à traverser pour quelques projets menés à bout de bras, même dans ces villages qui se relèvent, mais la volonté dégage une odeur d’espoir et d’enthousiasme contagieuse et tout part de là!

Une usine de poisson qui ferme dans un village, c’est du concret et ça fait mal, mais le dernier retranchement de l’économie, c’est dans nos têtes qu’elle se trouve et du moment qu’on cesse d’y croire, elle s’éteint comme ces villages. Une population qui se regroupe et décide de se relever échoue rarement, mais la première chose à laquelle elle est confrontée, c’est le discours pessimiste en son propre sein. L’économie de la petite à la plus grande tient d’abord et avant tout à la confiance. Croire en nos moyens, c’est donner aux autres le goût d’y croire…et d’investir.

Le rôle d’une population est d’encourager ceux et celles qui portent les projets, c’est le carburant de tout entrepreneur. On ne doit pas attendre des gouvernements qu’ils réfléchissent aux solutions à notre place, mais simplement qu’ils nous accompagnent parce qu’ils ont les programmes et les ressources. Et généralement c’est ce qu’ils font lorsqu’ils sentent que les populations se mobilisent. La Côte-Nord a encore beaucoup à faire pour renverser la tendance démographique, mais elle a tout ce qu’il faut, y compris une population aux mille et un talent et un territoire au fort potentiel, alors travaillons notre confiance et soyons ambitieux!

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