Logement à Sept-Îles : «On pourrait faire partie de la solution», dit Devcore

Par Emy-Jane Déry 12:00 PM - 9 mars 2023
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Jean-Pierre Poulin, PDG de Devcore. Photo Radio-Canada Côte-Nord

Le promoteur immobilier gatinois qui a investi près de 50M$ à Sept-Îles dans la dernière année est amer de son expérience, mais se dit ouvert à faire partie de la solution pour régler la problématique de logement.

Le président et fondateur de Devcore, Jean-Pierre Poulin, est venu passer quelque temps à Sept-Îles, la semaine dernière. Il voulait soutenir son équipe de franchisés en place.

Devcore s’est porté acquéreur de 20% du parc immobilier de Sept-Îles en 2022, en achetant 555 unités, notamment à travers les Jardins de Chambord et les Joies de Vivre.

« J’ai perdu deux employés. Il y en a une qui s’est mise en congé préventif tellement elle n’était plus capable des commentaires qu’on reçoit à Sept-Îles », souffle le PDG. « On se fait juste garrocher des roches », déplore l’homme d’affaires, marqué entre autres par un commentaire Facebook surnommant sa compagnie «Devilcore».

« Les gens ne réalisent pas ce qu’on fait et tout ce qu’on amène de bien. Ce n’est pas grave, un jour, ils vont le réaliser. »

Pour rénover une seule unité, il peut en coûter près de 60 000$, tel que déjà affirmé par le promoteur. Le manque de main-d’œuvre oblige Devcore à faire venir des travailleurs de l’extérieur par avion, pour effectuer les travaux.

« Ça me coûte des dizaines de milliers de dollars par mois en logements vides, parce que je n’ai personne pour les rénover », affirme-t-il.

Dans une vidéo fournie par l’entrepreneur, on peut voir une de ses unités avant rénovation. Elle est embourbée de vaisselle et d’objets abandonnés, les planchers sont usés, les meubles brisés, la peinture sur les murs est défraîchie.

La version « après » est méconnaissable. On y voit des électroménagers en inox, de nouveaux meubles, des planchers neufs, de la peinture fraîche, en plus d’un réaménagement de l’espace avec aire ouverte.
« Je crois que les gens de Sept-Îles méritent des unités avec des standards 2023 », affirme le promoteur.

Mais tout cela à un coût. Les unités maintenant à 1 800$ étaient autrefois louées entre 900$ et 1 200$. Le prix a donc doublé, dans certains cas. Jean-Pierre Poulin possède 3 000 logements à travers le Québec, l’Ontario et l’Ouest canadien. Il est catégorique : ceux de Sept-Îles sont les moins chers. Ses prix en ont pourtant fait sursauter plusieurs.

« Nous en avons loué six cette semaine à ces prix qui sont en dessous de ce que nous louons ailleurs au Québec pour un produit comparable », dit M. Poulin. « Je crois que beaucoup de travailleurs ont les moyens de payer pour un logis neuf », ajoute-t-il.

Les annonces pour la location de ses logements parlent de rénovations faites avec des matériaux « haut de gamme ». M. Poulin est d’accord pour dire qu’il « ne met pas du marbre là-dedans », mais il souligne par exemple avoir investi 1,4M$ pour transformer le chauffage à l’huile des Jardins de Chambord en un chauffage électrique moderne.

Évictions

Depuis son arrivée, Devcore a bien procédé à l’éviction d’une douzaine de personnes via le Tribunal administratif du logement. Ces évictions ont été faites dans les règles et concernent des locataires qui ne payaient pas leur loyer, en plus de parfois être dérangeants pour l’environnement des autres.

« J’ai une petite madame qui m’a remercié, hier, à Sept-Îles, parce que maintenant, son petit gars peut jouer dehors, tandis qu’avant, elle avait peur avec les gens qui étaient là », illustre-t-il.

Malgré les évictions, il y a encore des locataires de longue date dans les immeubles connus autrefois pour leur vocation à prix davantage abordables, assure-t-il. Il y a toujours des logements à moins de 800$ dans ses unités et ils le resteront.

« Je ne peux pas changer ça, je ne le changerai pas. On suit les règles de la régie (…) Je n’en aurais pas 3 000 si on était illégal », dit-il.

Par ailleurs, le président de Devcore se fait réaliste et souligne que les « logements vont continuer à monter comme l’épicerie, les taxes, les assurances et les voitures ».

« C’est la dure réalité, mais certainement pas la faute de Devcore », fait-il valoir.

Construisez

Des logements sociaux, il faudrait des projets pour en construire à Sept-Îles, estime Jean-Pierre Poulin.
« Il y en a des multimillionnaires dans la ville, qu’on s’en fasse donc des logements sociaux. Ailleurs, j’en ai fait 535 cette année », lance-t-il. « Il n’y a pas personne qui m’a approché pour ça. J’ai même demandé à la Ville de me donner un terrain », s’exclame le promoteur immobilier.

Il admet ne pas avoir fait de relance à ce propos, depuis juin dernier. Il avait alors affirmé en conférence de presse vouloir « participer à l’effort collectif ». Dans le contexte de l’accueil peu favorable de son projet, son envie d’en démarrer de nouveaux à Sept-Îles est présentement plutôt absente, mais il ne ferme pas complètement la porte pour l’avenir.

Il dit même avoir songé à l’idée pour les terrains laissés vacants devant l’Hôpital de Sept-Îles, à la suite de l’incendie de deux immeubles à logements.

« La vérité, c’est que ça en prend plus de logements. Pourquoi personne n’en construit ? Parce que tu ne peux pas construire et les louer en bas de 800$ », dit-il. « Pour que les projets soient viables, il faudra passer par différents programmes d’aide gouvernementaux », explique-t-il.

Devcore pourrait faire partie de la solution, estime son PDG.

« Il faut que tout le monde travaille en semble. Que la Ville veule, que les organismes le veulent. Qu’on fasse ça de concert. Pas juste la Ville ou Devcore tout seul », dit M. Poulin. « Tout le monde à son expertise, et moi, pour les construire, les financer, faire affaire avec la SCHL et trouver une structure qui peut se faire rapidement pour Sept-Îles, je serais le joueur pour ça, parce que c’est ça qu’on fait dans la vie et on est bon.»

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