Petits budgets dans les cuisines des CPE de la Côte-Nord

Par Marie-Eve Poulin 6:00 AM - 16 février 2023
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Sébastien L’écuyer, responsable de l’alimentation du CPE Picassou, souhaite un changement au niveau des transporteurs et une meilleure formation des équipes en alimentation dans les institutions gouvernementales. Photo: courtoisie

Le montant alloué pour nourrir les enfants en Centre de la petite enfance (CPE) est le même partout au Québec. Ce montant ne tient pas compte de la différence du coût des aliments selon les régions. Les responsables en alimentation des CPE de la Côte-Nord doivent jongler pour arriver à respecter le budget.

Les légumineuses en conserve sont troquées pour des versions sèches.

La consommation de viande rouge est réduite. Celle du tofu et des œufs est favorisée.

« Nous luttons aussi contre le gaspillage alimentaire et nous avons acquis un outil de standardisation des recettes qui permet de cuisiner pour le nombre d’enfants présents. Ainsi, si 30 enfants sont présents, nous cuisinons pour 30 et non pour 75 », explique Nadia Ziat, directrice générale du CPE Picassou, à Havre-Saint-Pierre.

Du côté du CPE les p’tits bécots de Baie-Comeau, la situation est similaire et ils optent aussi pour des repas végétariens.

Dans ce contexte, les cuisiniers qui utilisent des produits non transformés pour respecter le budget doivent mettre plus de temps derrière les chaudrons.

« Le nombre d’heures possibles de rémunérer à partir des subventions est 1664,70, mais la réalité est plutôt de 1 820 heures », rapporte Mme Ziat.

Un autre point soulevé par Sébastien L’Écuyer, responsable en alimentation au CPE Picassou, est le voyagement des produits locaux. Ils partent de la région, vont se faire transformer dans les grandes villes, pour ensuite revenir dans la région.

« Même le poisson!», lance-t-il. « C’est extrêmement difficile de s’approvisionner de produits locaux, parce qu’ils sont pêchés ici, sont achetés en très gros volume par les distributeurs et les poissonneries qui se trouvent à être dans les grands centres, à Montréal ou à Québec », explique M. L’Écuyer.

Il trouve que ça ne fait aucun sens d’acheter une morue pêchée à Havre-Saint-Pierre, qui est allée se faire transformer à des centaines de kilomètres, pour finalement revenir ici.

Statut de région éloignée

Peu avant les fêtes, le Regroupement des centres de la petite enfance de la Côte-Nord (RCPECN) avait soulevé l’idée de faire une demande de statut de région éloignée pour les CPE de la Côte-Nord.

Le responsable en alimentation croit que ça pourrait donner un coup de main aux CPE, mais souligne que la hausse du prix des aliments touche tout le monde.

« Oui, ça peut aider, mais je pense qu’il faudrait voir un plan pour aider l’ensemble des régions éloignées, l’ensemble des approvisionnements alimentaires qui se trouvent ici », dit-il.

Une hausse de budget permettrait aussi d’acheter davantage de produits frais et locaux, souligne-t-il.

Manque de formation

Sébastien L’Écuyer déplore le manque de formation concernant la gestion du temps et l’optimisation des denrées alimentaires qui sont fournies.

Plus on achète des légumes qui sont déjà lavés, coupés, blanchis, congelés, prêts à l’utilisation, plus ça va être cher. Même chose pour les conserves de poissons, qui vont coûter beaucoup plus cher que si on l’achète et le prépare soi-même.

« C’est sûr que c’est plus de travail, mais c’est ça la cuisine », dit-il.

Il juge aussi important de revoir les stratégies pour remplacer les protéines animales.

« C’est sûr qu’il y a un côté formation, où il faut peut-être serrer la vis, mieux montrer aux intervenants et responsables alimentaires comment mieux gérer les budgets. Même chose pour les hôpitaux, les écoles, les institutions gouvernementales. »

M. L’Écuyer espère une aide du gouvernement pour essayer de contribuer ou pallier au problème du coût exorbitant des produits alimentaires.

Transporteurs pointés du doigt

« Ça prend un compétiteur chevronné qui va jusqu’en Minganie et non jusqu’à Sept-Îles. Il faut que ça compétitionne contre Express Havre St-Pierre, qui lui, détient le monopole et garde ses prix extraordinairement élevés, tandis que le service est inexistant », déplore Sébastien L’Écuyer.

Il croit aussi que la nouvelle application Colinor, conçue pour faciliter le transport de marchandise, n’est pas ce qui réglera le problème des transporteurs.

De son côté, le transporteur Express Havre St-Pierre explique que l’alimentation a augmenté partout, et pas seulement sur la Côte-Nord. Il réfute aussi d’avoir le «monopole».

Contactée par téléphone, une personne responsable de l’entreprise a brièvement mentionné que les transporteurs n’avaient pas de lien avec la problématique et qu’il était normal que les frais de transport soient plus élevés en régions éloignées, étant donné les plus grandes distances à parcourir.

L’entreprise a refusé d’accorder une entrevue au Journal.

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