La pêche au crabe, une histoire de famille chez les Noël : quand l’eau salée coule dans les veines

Par Marie-Eve Poulin 6:00 AM - 13 avril 2022
Temps de lecture :

La famille Noël : Darry, Judith, Keven, ses deux enfants et Nathalie (sur la tablette). Photo courtoisie

C’est dans la nuit du 4 avril 2022 que le Keven-Nathalie prenait la mer pour sa saison de pêche. Même après 41 ans en tant que pêcheur de crabe, Darry Noël est toujours aussi passionné par son métier.

Pour pêcher le crabe, il faut être passionné. Ce dur métier n’est pas fait pour tout le monde, mais pour Darry Noël et sa famille, il n’y a rien de plus naturel.

Dès son plus jeune âge, Darry Noël était passionné de pêche. En 1981 à Rivière-au-Tonnerre, Jean-Paul Lapierre l’a pris sous son aile en lui faisant totalement confiance. Il a appris le métier « sur le tas » comme on le dit si bien.

En 1987, M. Noël s’est acheté un premier bateau pour pêcher à Rivière-au-Tonnerre. Quand Judith Duguay a fait la rencontre de Darry, il était déjà pêcheur.

« Il allait de soi qu’ils bâtiraient cette entreprise ensemble », raconte leur fille Nathalie.

En 1997, il s’installe à Sept-Îles avec sa femme et ses enfants puis ils y poursuivent leur aventure tous ensemble. En 2003, M. Noël fait l’achat du « Keven-Nathalie », bateau avec lequel il pêche actuellement.

La maman, Judith, s’occupe du volet administratif avec son conjoint tout en s’occupant des enfants.

Une affaire de famille

Keven, l’aîné, s’est graduellement ajouté à l’équipage au fil des ans. Quelques voyages en mer ici et là pendant son adolescence pour finalement avoir lui aussi cette piqûre du métier.

Afin de possiblement reprendre l’entreprise familiale un jour, il a fait ses cours de capitaine et travaille sur le bateau en tant qu’aide pêcheur.

Nathalie, la cadette de la famille, aimerait peut-être prendre la relève de l’entreprise avec son frère. Rien n’écarte le fait qu’un jour, aussi loin soit-il, le vent la mènera au « Keven-Nathalie » qui lui est vraiment très précieux.

L’équipage est aussi constitué de la nièce du capitaine (Karine Boudreau) et le conjoint de celle-ci (Derek Blaney) ainsi que de Réjean Richard. Les petits enfants et autres membres de la famille viennent encourager et supporter les pêcheurs au bateau.

« Qui sait, ils prendront peut-être un jour la relève eux aussi », dit Nathalie Noël, avec espoir de voir l’entreprise vivre au fil des générations. Sans oublier, le frère de Darry qui est aussi pêcheur avec son fils sur un autre bateau. Comme le dit si bien M. Noël, « l’eau salée coule dans les veines de cette famille ».

Le « Keven-Nathalie », le bateau de pêche de la famille Noël. Photo courtoisie

Comme Darry est un passionné, il pousse sa carrière encore plus loin, en devenant actionnaire d’usines de transformations et de poissonneries telles que Les Crabiers du Nord, Groupe Umek et Pêcherie Manicouagan qui l’occupent en dehors de la saison de pêche au crabe.

Celles qui gardent le fort

Judith et sa fille Nathalie voient leur famille prendre le large chaque saison. C’est avec fébrilité et angoisse qu’elles attendent patiemment le retour de leurs proches bien-aimés.

Elles sont très conscientes que c’est un métier qui n’est vraiment pas facile.

« Ils partent la nuit, ils n’ont aucun contrôle sur comment la nature va agir. C’est toujours angoissant de savoir que mon frère, mon père et d’autres membres de ma famille mettent leur vie à risque », explique Nathalie.

« On sait que papa est un très bon capitaine expérimenté et qu’il ne mettrait jamais en danger la vie de sa famille », partage-t-elle.

« Il ne prendra pas de risque et ne poussera pas la machine. Donc, malgré l’angoisse, nous sommes très confiantes que tout se passera bien », raconte Nathalie, visiblement très fière de son père.

Pêcher le crabe en 2022

Darry Noël raconte qu’être pêcheur en 2022 ce n’est plus du tout ce que c’était dans le temps.

À ses tout débuts, les quotas de pêche n’existaient pas, ce qui faisait en sorte qu’il sortait en mer de mars à novembre. Ils passaient des jours en mer sans revenir auprès des leurs.

Aujourd’hui, avec les quotas, ils peuvent sortir moins souvent et choisir les plus belles journées pour le faire. Ils partent quelques heures en mer et reviennent au port tous les jours. « Donc, maintenant on sort environ une dizaine de fois comparativement à environ 200 fois dans le temps, on sortait presque tous les jours », raconte-t-il.

« Quand j’ai commencé, le crabe était à 0,23 $/lb, donc il fallait vraiment être passionné ! », dit-il en riant.

Les dangers sur la mer

Partir en mer pêcher le crabe n’est pas un métier sans risques. Heureusement pour l’équipage du Keven-Nathalie, leurs quelques mésaventures n’ont jamais causé de blessés contrairement à d’autres pêcheurs à qui la chance n’a pas été de leur côté.

Malgré toute la prudence de l’équipage, ils ne sont pas à l’abri d’une tempête qui n’apparaissait pas sur les prévisions météo ou d’un bris d’équipement. Par exemple, lors de grosses tempêtes, des casiers et des meubles peuvent tomber ou quelqu’un pourrait tomber par-dessus bord.

L’équipement que l’on retrouve sur les bateaux est très massif et pourrait causer de graves accidents en cas de bris. Pour vous donner un exemple, une cage vide pèse environ 300 lb et pleine autour de 600-700 lb, ce qui pourrait blesser un employé se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment.

Nathalie raconte avec émotions que, l’année passée, son frère Keven a évité de justesse un grave accident suite à un bris d’équipement.

« Un hauler s’est cassé et est tombé à côté de lui. Si cette pièce lui était tombée dessus, il serait mort ».

Ses enfants étant la prunelle de ses yeux, Darry, visiblement très ému suite à ce récit qui lui rappelle un mauvais souvenir, confirme avec émotion dans la voix qu’ils l’ont échappé belle et que les risques sont toujours présents, malgré toutes les précautions et tous les entretiens faits sur l’équipement.

Darry Noël est très fier de faire de sa passion son métier depuis plus de 40 ans. Photo courtoisie

Partager cet article