#Emilieaussi

Par Emelie Bernier 1:46 PM - 19 janvier 2022
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A 13 ans, âge qu’elle a sur cette photographie, Emilie Foster, députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré au sein de la CAQ, a subi une agression sexuelle. Elle a pour la première fois raconté ce souvenir très marquant en commission parlementaire mardi, ce qui a été relayé par la journaliste du Journal de Québec Geneviève Lajoie. Courtoisie.

Emilie Foster avait 13 ans lorsqu’un homme beaucoup plus âgé qu’elle l’a suivie à son insu dans le sous-sol peu éclairé d’une bibliothèque. Avant qu’elle ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, l’homme s’est emparé d’elle en usant de toute sa force. Il a touché ses seins, ses fesses, tandis qu’elle tentait désespérément de se libérer de son emprise, solide. « Son intention était claire… Il n’y avait aucune ambiguïté. C’était une agression à caractère sexuel. J’ai eu tellement peur», résume celle qui pour la première fois, a rendu publique cette agression le mardi 18 janvier en commission parlementaire. «J’ai décidé d’en parler une minute avant de prendre la parole, après avoir entendu les membres de Collectif jeunesse La voix des jeunes compte » Ce n’était pas prémédité. »

Ce collectif réclame une loi-cadre en matière de dénonciations des actes de violence sexuelle et la mise en place d’un bureau dans chaque école primaire et secondaire pour accueillir les dénonciations d’élèves, des requêtes qui dépassent les visées du projet de loi sur la modernisation du  Protecteur de l’élève qui fait l’objet de ladite commission parlementaire. 

« Je les ai trouvées courageuses et je me suis dit OK, je vais leur parler de mon expérience ». Souvent les élus, on se fait targuer d’être une élite, dans une bulle, comme si on n’avait rien vécu. Je voulais leur dire, on est là, on comprend parfaitement ce que vous nous dites. Continuez votre lutte, les agressions à caractère sexuel sont encore trop banalisées.»

Pourquoi pas avant?

Quand le mouvement #moiaussi (#metoo) s’est mis en marche, en 2017, Emilie Foster a plusieurs fois songé à ajouter sa voix au chœur des victimes.  À l’époque, elle avait pris une pause de la politique pour terminer son doctorat. Chroniqueuse à la radio et au Huffington Post, elle disposait pourtant des tribunes pour s’exprimer.  «Je voyais aller les choses et je me disais « Est-ce que je révèle ce que j’ai vécu? J’ai laissé faire. Je n’ai pas été capable d’en parler. Mardi, ces filles-là, qui sont très jeunes et qui ont le courage de nommer ce qu’elles ont vécu, ont été ma bougie d’allumage.»  

Témoigner de son histoire personnelle n’a pourtant allégé qu’à moitié le poids qu’elle porte sur ses épaules depuis l’adolescence. «Même en 2022, on a peur de ce que les gens vont penser, surtout quand on est une personnalité publique. Est-ce que certains vont penser que j’ai exagéré? Est-ce qu’ils vont banaliser, douter de mon histoire? Ce matin, une partie de moi est soulagée et une partie s’inquiète de ce que les autres vont penser. La crainte de ces réactions-là fait que plein de victimes ne dénoncent pas.»

Des stigmates à long terme

Elle ne se souvient que trop bien de la terreur qu’elle a ressentie ce jour-là, terreur dont elle porte encore les stigmates aujourd’hui.

«Quand c’est arrivé, j’ai finalement réussi à me libérer, je me suis sauvé à l’étage. J’ai tout raconté à la bibliothécaire qui a fait venir un employé. Ils sont allés voir en bas si mon agresseur était toujours là, m’ont rassurée qu’il était parti, mais ce n’est pas allé plus loin. Personne n’a fait venir la police, personne n’a pris ma déposition.  Je pense que dans la mentalité de l’époque, si ce n’était pas un « viol complet », ce n’était pas vraiment grave! Pourtant quand ton intégrité physique est attaquée, quand quelqu’un utilise la force dans l’intention d’aller plus loin, qu’il te tripote les seins, les fesses, ça laisse des marques! »

À 41 ans, elle vit encore avec la peur du noir, qu’elle associe à l’obscurité qui régnait dans les lieux de l’agression.

«Ça m’a marquée à vie. Dans les jours, les semaines qui ont suivi l’agression, je ne pouvais pas rester toute seule. J’ai eu peur qu’il me retrouve dans la ville. Et je n’ai pas vraiment vécu ma jeunesse. Je ne faisais pas confiance aux gars, je partais avec la prémisse que c’était peut-être des violeurs… »

Vous ne croiserez pas Emilie Foster prenant une marche seule après la tombée du jour.

« J’ai encore peur qu’un maniaque sorte de quelque part et me surprenne. J’ai un système d’alarme à la maison… Mon conjoint, à qui j’ai confié seulement récemment  cette histoire, m’a dit « ah! Je comprends mieux maintenant»… Sans me le dire, il trouvait certaines de mes peurs irrationnelles », ajoute-t-elle.

Un accompagnement svp

Emilie Foster n’en veut à personne,  mais elle aurait aimé que quelqu’un lui dise «Emilie, tu as vécu une agression à caractère sexuel ». « Je pense que ça m’aurait aidé à cheminer par la suite. C’est sûr et certain que si on m’avait dit tous les mécanismes de défense que l’agression avait déclenchés dans mon cerveau, j’aurais vécu « l’après » différemment », affirme-t-elle.

Si elle a finalement pris la parole pour raconter son histoire, c’est aussi pour que les victimes dénoncent à leur tour et utilisent l’aide disponible. «D’abord, je leur dirais de ne pas se gêner pour dénoncer, d’appeler la police  et surtout de ne pas penser que ce qu’on vient de vivre est banal. Je souhaite qu’elles soient accueillies, entendues, qu’on les croit. Ensuite, il faut continuer d’en parler, aller consulter.  Il y a des organismes extraordinaires pour les accompagner.  En racontant mon histoire,  je fais un petit pas vers la lumière. J’encourage toutes les victimes à le faire aussi. »

Vous avez été victime d’une agression à caractère sexuel? Contactez le centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Charlevoix, calacscharlevoix.com, 418-665-2999 ou la ligne ressource sans frais 24 heures par jour, 7 jours sur 7 1-888-933-9007.

En cas d’urgence, n’hésitez pas à composer le 911.

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