Les églises de nos villages en péril

Par Maxim Villeneuve 6:00 AM - 12 août 2021
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Église de Rivière-au-Tonnerre.

Les villages de la Côte-Nord, petits ou grands, ont tous une église et une histoire particulière.

Ce qui les unit malgré les kilomètres est l’attachement des habitants à leurs lieux religieux. Ce n’est pas toujours une question de religion, mais bien de l’héritage du village. Les églises ont été témoin des tempêtes, des personnages et de la construction de la région.

Toutefois, comme ailleurs au Québec, il y a de moins en moins de pratiquants. La fréquentation diminue, alors que la population nord-côtière est peu nombreuse. Plusieurs églises manquent de financement ou de relève.

Le Nord-Côtier vous propose un portrait des églises de plusieurs villages d’ici.

Rivière-au-Tonnerre : des départs coûteux

L’église de Rivière-au-Tonnerre est bien connue pour sa décoration intérieure, peinturée en bleu et blanc. Sa beauté ne l’empêche pas de connaître une diminution de fréquentation elle aussi.

Selon le président de la fabrique de Rivière-au-Tonnerre, Jean-Pierre Lebrun, il y a eu une forte diminution de gens qui vont à l’église dans les dernières années. Auparavant, l’église recevait en moyenne 40 personnes pour les messes du dimanche et une centaine de personnes lors d’événements spéciaux. Maintenant, il n’y a plus qu’une quinzaine de personnes le dimanche.

M. Lebrun remarque que les personnes qui vont encore à l’église sont toutes âgées de plus de 50 ans. Les bénévoles pour s’occuper de l’église sont difficiles à trouver et le manque de jeunes impliqués indique qu’il n’y a pas de relève. La population vieillissante est une menace pour la survie de l’église, selon M. Lebrun.

« S’il n’y a plus de jeunes, on ne peut pas revitaliser le milieu », exprime-t-il.

L’intérieur de l’église de Rivière-au-Tonnerre. Photo Bert Lavoie

Ce dernier raconte qu’environ 30% des maisons du village appartiennent à de nouveaux arrivants qui ne vont pas à l’église. Ces gens n’auraient pas le même attachement à l’église du village que ceux qui sont originaires de Rivière-au-Tonnerre.

M. Lebrun croit que l’église fait partie du patrimoine du village. Toutefois, malgré l’attachement des gens du village pour celle-ci, ils sont peu nombreux à s’impliquer pour l’entretenir.

« Tu peux être fier sans vraiment agir plus », explique M. Lebrun.

Les prêtres sont peu nombreux aussi.

« Les prêtres, c’est comme les autres, ils vieillissent et il n’y a pas de relève », indique M. Lebrun.

Le président de la fabrique indique que la diminution a été a plus remarquable suite au départ des Sœurs, il y a environ cinq ans. Ces dernières ont été rappelées dans leurs maisons mères en raison de leur âge avancé.

Pour M. Lebrun, la présence des religieuses aidait beaucoup à la survie de l’église. Elles encourageaient les gens à y aller. Les Sœurs participaient beaucoup à l’entretien de l’église. Une bonne partie des fonds de la fabrique provenaient du loyer que les religieuses payaient pour rester dans le presbytère.

Le départ du village d’un des grands amoureux de l’église, Yvon Bezeau, a aussi eu des effets négatifs. M. Bezeau effectuait des visites de l’église pour les touristes.

« C’était exceptionnel de le voir aller et surtout de voir à quel point il était passionné. C’était une encyclopédie! », témoigne M. Lebrun.

À son avis, les visiteurs appréciaient grandement les présentations de M. Bezeau, ce qui rapportait beaucoup de dons.

« Il avait une approche qui faisait en sorte que les gens étaient généreux », raconte le président de la fabrique.

Les rentrées d’argent ont grandement diminuées dans les dernières années. Les dépenses annuelles sont autour de 25 000$ alors que les revenus sont d’environ 15 000$.

M. Lebrun voit alors un avenir incertain pour l’église. Pour assurer sa survie, la solution de M. Lebrun serait de travailler de concert avec la municipalité. La fabrique servirait à administrer les affaires religieuses et la municipalité pourrait assurer l’entretien et la gestion des fonds. Pour l’instant, M. Lebrun assure que la fabrique travaille à essayer d’obtenir le financement nécessaire.

Magpie : en décrépitude

L’église de Magpie, quant à elle, a besoin de beaucoup de tendresse, selon Lola Lebrasseur, membre des Amis de l’église Saint-Octave de Magpie. Cette dernière affirme que l’église est en décrépitude.

« Il y a des besoins urgents », déclare Mme Lebrasseur. « Le toit coule comme une passoire! »

L’amie de l’église souligne que les fenêtres et le parvis sont aussi à refaire.

Il y a très peu d’argent pour effectuer les rénovations nécessaires. Les derniers travaux majeurs ont été réalisés il y a quelques années.

Église de Magpie.

Le comité des Amis de l’église organise quelques activités de financement annuelles. Une vente de garage est effectuée chaque année depuis 2012. Le comité a aussi créé le festival « Magpie en couleur et en musique » en 2019.

Une boutique d’artisanat est installée dans l’ancien presbytère de juin à septembre. C’est de l’art de Nord-Côtiers qui y ait vendu. La boutique est un élément essentiel pour le village selon Mme Lebrasseur, car elle crée un emploi.

Les fonds amassés sont envoyés à la fabrique de l’église. Mme Lebrasseur avance que ces activités rapportent environ 5000$ par année.

Cette dernière juge que ce n’est toutefois pas assez et le manque de fonds l’inquiète.  Mme Lebrasseur estime qu’il faudrait entre 40 000$ et 50 000$ pour réaliser les travaux nécessaires.

La transformation de l’église en un lieu communautaire est une solution qui a été discutée pour la sauver. Ce n’est pas encore une option que les gens de Magpie veulent utiliser. Ils tiennent à la préservation de l’église, selon Mme Lebrasseur.

Les curés sont rares au village. Il n’y a donc pas de services religieux hebdomadaires. La paroisse ouvre au besoin, comme pour des mariages ou des enterrements.

Port-Menier : une église musée

La petite municipalité de Port-Menier a jugé l’église trop grande pour la population qu’elle accueillait. Le bâtiment de 40 places ne reçoit que quatre à huit personnes pour les messes du dimanche, selon la sœur Jeanne Veilleux.

La municipalité a donc transformé la moitié de l’église en un musée.

Mme Veilleux explique que la population plus âgée fréquentait davantage l’église. Toutefois, la majorité d’entre eux ne sont plus au village. La population actuelle n’est pas très pratiquante.

« Ce ne sont pas des gens qui veulent vraiment prier », raconte Mme Veilleux.

Les Anticostiens tiennent quand même à leur église. Mme Veilleux assure que des travaux d’entretien ont été faits récemment.

Clarke : un avenir incertain

L’avenir de l’église de Clarke City est incertain, selon la sœur Madeleine Leblond.

Cette dernière explique que la majorité des pratiquants sont plus âgés. Ils sont nombreux à avoir déménagé pour obtenir des soins. Les nouveaux résidents du village sont des familles plus jeunes qui ne vont pas à l’église. Il y n’a pas de relève pour s’occuper de la paroisse.

Si les gens ça ne leur dit plus rien, il n’y a rien à faire

– Soeur Madeleine Leblond

Avant la pandémie, la paroisse organisait des activités de financement, comme des brunchs. Avec les mesures sanitaires, ce n’est plus possible. L’argent provient donc des dons des Chevaliers de Colomb et de la population.

« On a compté sur la bonne volonté des gens et de leur générosité », explique Mme Leblond.

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