La pénurie de main-d’œuvre place des restaurateurs au pied du mur

Par Maxim Villeneuve 11:55 AM - 23 juin 2021
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L’été s’annonce difficile pour les restaurateurs. Ils viennent à peine de retrouver plus de liberté que l’enjeu de la main-d’œuvre les rattrape à l’aube de la saison touristique.

Le Pub St-Marc à Sept-Îles manque de personnel pour la première fois en 10 ans.

L’établissement a toujours eu une équipe stable et complète, ce qui lui permettait d’être ouvert tous les jours. Cette année, les propriétaires ont dû fermer le temps d’une journée, afin d’offrir du repos à leurs employés. Ces derniers travaillent pour plus de 12 heures afin de combler le manque de personnel.

« C’est un travail très exigeant », témoigne l’une des copropriétaires du Pub, Isabelle Ross.

La pénurie de main-d’œuvre n’est pas un enjeu récent dans la région. Le contexte post-pandémique n’aide pas à résoudre cette problématique.

Mme Ross explique que la fermeture des restaurants pendant la pandémie a poussé plusieurs employés hors du domaine de la restauration. Certains ont trouvé de nouveaux emplois alors que d’autres sont retournés aux études.

La pandémie a aussi entraîné des problèmes financiers. Les coûts des matières premières des restaurants ont augmenté. La pénurie de main-d’œuvre exige une hausse du salaire des employés. Cela pourrait éventuellement faire augmenter les prix dans les restaurants, bien malgré les désirs des propriétaires.

Les postes étudiants permettaient aussi un bon fonctionnement, lors de la période estivale. Mme Ross raconte que son restaurant reçoit moins d’applications d’étudiants cette année. C’est entre autres parce que les salaires ne peuvent pas rivaliser avec ceux des grosses industries de la région.

La copropriétaire croit que la région connaîtra une saison touristique aussi effervescente que l’an dernier. Elle a déjà reçu plusieurs demandes de réservation pour les prochains mois. Cette dernière souhaite garder son restaurant ouvert, car elle veut contribuer à rendre la région attirante pour les touristes.

Un enjeu universel

Plusieurs autres restaurateurs de la région connaissent la même problématique.

La propriétaire du Café Chez Sophie, Brigitte Cloutier, affirme que le domaine de la restauration est très précaire et qu’il y a peu de gens déjà formés en cuisine. Cette dernière a toujours eu de difficulté à trouver du personnel. Elle doit même réduire les heures d’opérations de son restaurant.

Pour la saison touristique, le gérant du Bistro 7, Benoît Carrier, a engagé des gens de l’extérieur et des jeunes entre 14 et 16 ans. C’est la solution qui permet d’offrir du repos à ses employés réguliers.

La terrasse du Bistro 7

La propriétaire du Dixie Lee de Port-Cartier, Sylvie Arseneault, a décidé de fermer le restaurant pour deux semaines pendant l’été. Ses employés sont peu nombreux et travaillent énormément. Mme Arseneault explique que c’est la seule solution qui lui permet d’accorder des vacances à ses employés. Si l’un d’eux prend des vacances, ils ne seront plus assez nombreux pour fonctionner.

Mme Arseneault raconte que la pénurie de main-d’œuvre affecte son restaurant depuis longtemps. Elle décrit la situation actuelle comme critique.

« On a beau augmenter les salaires, on ne trouve pas plus de monde », témoigne Mme Arseneault.

Cette dernière déplore le peu d’aide qu’offre le gouvernement aux restaurateurs.

On va mettre la clé sous la porte à un moment donné et on va se trouver une job de 9 à 5

« On va mettre la clé sous la porte à un moment donné et on va se trouver une “job” de 9 à 5 », déclare-t-elle.

Le manque de personnel oblige aussi Mme Arseneault à fermer son bar laitier cet été.

Un dénominateur commun

Selon tous ces restaurateurs, l’argent offert aux citoyens comme mesure d’aide en pandémie contribue à la pénurie de main-d’œuvre. Ils croient que cette mesure d’urgence encourage les gens à rester chez eux sans travailler ou à ne pas vouloir faire beaucoup d’heures.

« C’est un méga problème pour les gérants », exprime M. Carrier.

Les restaurateurs anticipent une saison touristique achalandée comme celle de l’an passé, ce qui pourrait être problématique. S’ils n’ont pas assez de personnel, ils devront réduire leurs heures, en dépit de leur volonté.

La situation est “critique” selon la Chambre de commerce

Le manque de personnel est un enjeu vécu par la majorité de nos entreprises, selon la directrice générale de la Chambre de commerce de Sept-Îles, Jessica Bélisle.

Cette dernière cible la difficulté à trouver des logements et les places restreintes en garderie comme des facteurs qui contribuent à la pénurie de main-d’œuvre. Cela rendrait la région moins accessible pour de nouvelles familles.

Des campagnes d’attractivité sont en processus de création à la municipalité et à la Chambre de commerce.

« On travaille très fort pour combler cette pénurie de main-d’œuvre », affirme Mme Bélisle.

Mme Bélisle indique que cette problématique a été ignorée pendant longtemps, car il y a plusieurs années, trouver des employés n’était pas difficile. Les gros salaires des industries nord-côtières attiraient suffisamment de gens.

Ces industries sont moins touchées par la pénurie pour l’instant. Les postes spécialisés sont toutefois plus difficiles à combler.

Selon Mme Bélisle, la situation est critique, car le manque de personnel empêche les entreprises de se développer davantage. Elle estime que cela pourrait freiner la participation de la Côte-Nord à la relance économique post-pandémie.

Une surenchère des emplois pourrait arriver, si l’enjeu du manque de personnel perdure, craint-elle. La situation pourrait mener à une hausse des prix que doivent payer les consommateurs.

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