« Quand tu pars, tu sais pas combien de temps ça va durer. » – Denis Tanguay

Par Emy-Jane Déry 4:00 PM - 19 mai 2021
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Denis Tanguay, magasinier chez ArcelorMittal à Port-Cartier.

En 41 ans de service, il a vécu un lock-out, c’est sa deuxième grève et il a négocié cinq conventions collectives. Pour Denis Tanguay, « quand tu pars, tu sais pas combien de temps ça va durer. »

Des heures supplémentaires au nombre de jus fournis dans le lunch, tout y passe dans une négociation de convention collective. Parfois, ça peut être long.

« En 2001, après le lock-out, je me souviens, il y a une nuit on s’est obstiné pour 0,05$/heure pendant 16 heures », raconte le magasinier de 62 ans.

Denis Tanguay amenait son propre manteau de motoneige pour travailler dehors, quand il est arrivé chez Québec Cartier Mining. Les choses ont bien changé depuis.

« Quand on donne un manteau neuf aux jeunes qui arrivent, on leur demande depuis combien de temps ils pensent qu’on a ça », dit-il. « 90% du temps, ils croient qu’on l’a toujours eu. Il faut leur raconter. »

M. Tanguay s’est fait montrer la porte à la « grève du boss », le lock-out décrété par ArcelorMittal il y a 20 ans. Il est aussi sorti avec ses pancartes dans la neige en pleine nuit, durant la grève de 2005.

Le syndicaliste aguerri assure malgré l’expérience qu’on ne peut pas s’habituer à une grève.

« Un conflit, personne n’aime ça », lance-t-il.

Assumer son vote

Il se souvient que l’année du lock-out, la compagnie prévoyait perdre 20M$ et l’année suivante 40M$. Le prix du fer tournait autour de 25$/tonne, loin des prix records actuels qui dépassent les 200$/tonne.

Mais cette fois-ci, comme en 2005, c’est la grève et ce n’est pas le choix de l’employeur. « Là, tu dois prendre la responsabilité de ton vote », nuance-t-il.  

Cette responsabilité vient avec une certaine incertitude financière. Elle peut avoir des impacts sur la famille.

« Quand tu es deux qui travaille, l’autre peut compenser un peu plus, mais s’il y en a juste un, ça peut être plus stressant », explique-t-il. « Admettons que, si tu avais un projet d’achat de vélo en fin de semaine, disons que peut-être tu vas le retarder d’une semaine », illustre M. Tanguay.

Même la communauté ressent de l’insécurité.

« Quand je m’en vais chercher une pinte de lait chez Provigo, j’en ai des questions cette semaine », dit-il.  

« Tu ne dors plus »

Denis Tanguay aime à penser que c’est la règle de trois qui s’applique quant à la durée des conflits de travail. « Trois jours, trois semaines, trois mois ou neuf mois », philosophe-t-il.

Chose certaine, « quand tu arrives au bout du processus, tu ne dors plus », assure-t-il.

En 2017, les travailleurs ont lancé un ultimatum à ArcelorMittal.

« Il faut que ce soit réglé pour lundi midi, sinon, on sort », se souvient Denis Tanguay.

Le vendredi, sur l’heure du souper, toute la table de négociation était réunie dans un hôtel de Montréal. Ça s’est finalement réglé le lundi matin.

« Je peux te dire qu’entre ça, je suis rentré dans ma chambre d’hôtel pour prendre deux, trois douches puis aller me changer, c’est tout. »

Malgré tout, le syndicaliste admet timidement qu’il y a « du bon » dans un conflit de travail.

« Ça oblige tout le monde à s’assoir puis à se dire les vraies affaires une bonne fois pour tout. »

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