«C’est par amour pour ce quartier ouvrier, avec qui je partage la passion de fabriquer» – Johanne Roussy

Par Jean-Christophe Beaulieu 28 septembre 2018
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Johanne Roussy à l’œuvre sur sa tonnelle.

Johanne Roussy, artiste multidisciplinaire, vit sa passion depuis près de 30 ans déjà. Le Journal a profité de l’inauguration de la tonnelle qu’elle a offerte au Jardin communautaire Ruisseau Bois-Joli pour s’entretenir avec elle et comprendre ce qui l’alimente.

Artiste et citoyenne engagée dans son milieu, Johanne Roussy touche à toutes les formes de création artistique. Littérature, scène, poésie, elle dit tenter de faire de «l’art total».

«Mais ce qui m’intéresse vraiment, au final, c’est de travailler avec les gens. Je suis une artiste sociale et mes œuvres ont une portée sociale en ce sens. Ce qui me guide, c’est comment le spectateur va se sentir par rapport à ce que j’ai créé et j’inclus toujours son corps dans mes œuvres. Bref elles sont ergonomiques, faites pour avoir des gens qui y vivent», explique-t-elle.

Une arche empreinte d’histoire

Le Jardin communautaire Ruisseau Bois-Joli l’avait approchée il y a deux ans pour qu’elle crée une œuvre personnalisée sur place. Ce sera ainsi une tonnelle, soit une arche, qui ornera l’entrée secteur «jardin des sens». Elle dit avoir accepté par amour pour le parc Ferland.

«Ma tonnelle est là pour l’amour de ce quartier ouvrier, avec qui je partage la passion de fabriquer. En tant que sculpteure, je respecte les ouvriers. Travaillant manuellement, j’ai le même intérêt, la même fascination pour les matériaux qu’eux», souligne-t-elle.

Pour réaliser cette œuvre particulière, elle a réuni des objets qu’elle a ramassés au cours du temps, principalement des découpes industrielles. L’artiste souhaite attirer l’attention des futurs passants sur ce qui porte la tonnelle, les fondations l’arche.

«Les premières maisons de la rue Arnaud avaient presque toutes le même type de clôture en fer forgé. C’est ce qui soutient l’œuvre. J’ai réussi à obtenir quelques pièces originales de l’époque, qui proviennent de la famille Giovanni. Comme les Stea, les Giovanni sont venus d’Italie pour construire le chemin de fer et ils sont finalement restés».

Cages de crabes, clôtures des premières maisons de la rue Arnaud, on retrouve même une côte de baleine trônant au sommet de l’arche. Elle exprime qu’elle ne s’y trouve pas pour rien.

«Quand on met tous les objets de l’industrie, de la pêche et de l’occupation du territoire, mettre en haut de tout ça un morceau de baleine, ça vient marquer la fragilité de la vie. Ça nous montre en même temps comment on doit la glorifier», illustre-t-elle.

30 ans de création

Artiste professionnelle depuis 30 ans, on peut retrouver Johanne Roussy près de la «8ème île», son atelier situé à Moisie.

«La 8ème île ce n’est pas une compagnie, c’est un concept. Ça se situe dans le contexte de la Côte-Nord, où on crée dans un endroit éloigné où il y a de l’espace pour penser et réfléchir», spécifie-t-elle. «C’est là que je crée, mais aussi où je reçois des artistes en résidence. Il y a des gens, des créateurs, qui ont besoin parfois de venir réfléchir à leurs œuvres, de prendre un peu de recul ou tout simplement de quitter la ville et de venir se promener dans la nature. Ça fait du bien».

Elle convient que choisir d’être artiste, c’est un peu faire vœu de pauvreté. Surtout lorsqu’on est engagé socialement.

«Oui, je suis pénalisée parce que je prends position. Mais je suis en paix avec ça. En vivant à Sept-Îles, il a fallu que je choisisse ma totale autonomie économique en tant qu’artiste, pour ne pas dépendre d’entreprises qui pourraient mettre le financement de mes projets en danger advenant que je prenne position sur la place publique», confie Johanne Roussy.

 

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