Suicide: Le rôle clé des intervenantes de Uauitshitun

Par Fanny Lévesque 17 juin 2016
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Une partie de l’équipe d’intervention de Uauitshitun.

Les intervenantes des services communautaires de Uauitshitun sont peut-être discrètes, mais elles sont bien présentes, en marge des travaux de l’enquête publique du coroner pour faire la lumière sur la vague de suicides qui a secoué Uashat mak Mani-Utenam en 2015.

Revenir sur le suicide d’un des leurs pour les besoins de l’enquête publique a signifié pour certains, de rouvrir des plaies à peine refermées. Depuis le début des travaux, elles sont là, les travailleuses de Uauitshitun. Tantôt, elles étreignent un proche avant son témoignage, tantôt, elles l’accompagnent jusque dans le box des témoins. Souvent, un regard, une caresse suffisent.

«C’est d’être présent, soutenant», résume la coordonnatrice, Carynne Guillemette. Son équipe est d’ailleurs en lien avec les proches touchés depuis mai. Si la préparation et la coordination de l’exercice ont été grandes, c’est davantage lorsque l’enquête s’est ouverte que le besoin de support s’est fait ressentir, explique-t-elle.

«Il fallait être à l’affût, que ç’a allait peut-être réveiller les émotions», continue Mme Guillemette. Entre une et trois intervenantes pouvaient être «affectées» par famille, c’était selon la demande. Une ainée, aidante naturelle, a aussi assisté à l’ensemble des travaux et était disponible par exemple pour les recueillements spirituels.

L’enquête a donné lieu à plusieurs moments émouvants. Des proches ont eu à sortir de la salle d’audience, étouffés par les sanglots, mais les intervenantes n’étaient jamais bien loin derrière. Certains membres assignés ont préféré annulé leur témoignage, d’autres l’ont fait avec une grande nervosité. Une autre tenait bien fort son chapelet, pendant.

«Ça nous touche énormément de les voir, confie la coordonnatrice. On les a vus dans la souffrance et maintenant, de les voir revivre les événements et être extrêmement généreux. Ce sont des forces de la nature. On sent qu’ils veulent réellement que les choses changent», affirme Mme Guillemette.

Plus de ressources

Carynne Guillemette a eu à coordonner le déploiement du protocole d’intervention en situation de crise lorsque le corps inanimé de Céline Rock Michel, 30 ans, a été découvert dans la cour arrière d’une résidence, tôt le 13 août 2015. Lors de son témoignage devant le coroner jeudi, elle a déploré le manque de ressources humaines à Uauitshitun.

«J’avais 12 intervenants ce jour-là et la moitié seulement pouvait travailler au protocole. Deux notamment étaient directement touchés par le suicide de Mme Rock Michel», a raconté Mme Guillemette, qui a relaté que les gens étaient en crise dans la rue, près du drame. «Les ressources manquent, nous ne sommes pas assez nombreux».

Vers 11h, ce jour-là, déjà une liste de 40 noms de personnes «vulnérables» avait été dressée par le service, qui a effectué un suivi auprès de tous ces gens, dans les heures. À la fermeture du protocole, qui dure un mois, une dizaine nécessitait toujours un accompagnement, a indiqué la coordonnatrice.

Il faut mentionner que les événements survenaient un peu plus d’un mois après les suicides de Marie-Marthe Grégoire, 46 ans, et Alicia Grace Sandy, 21 ans, dont les corps ont été découverts le même jour, le 22 juin. «L’année 2015 a été particulièrement difficile», n’hésite pas à dire Mme Guillemette.

Carynne Guillemette sera réentendue en deuxième partie des travaux, du 27 au 30 juin, axés sur le volet recommandations du milieu en lien avec la problématique du suicide. Entre-temps, les services communautaires de Uauitshitun, qui compte 25 employés, ont déjà prévu assurer un suivi auprès des familles qui ont livré leur récit.

Poursuite des travaux

Au quatrième jour des travaux, la mort de Céline Rock Michel, 30 ans, a été examinée par le coroner Me Bernard Lefrançois. Il a été raconté par ses proches que Mme Rock Michel vivait une situation difficile après une dispute avec son ex-conjoint. Elle craignait aussi de perdre la garde de deux de ses quatre garçons au moment du drame.

Céline Rock Michel abusait d’alcool et de drogue, ont confirmé les témoins. Elle aurait cherché de l’aide à plusieurs reprises, sans toutefois «aller jusqu’au bout» du processus, a confié une amie, qui a suggéré la création d’une ligne téléphonique d’urgence en langue innue. Un service que «sa meilleure amie» aurait sans aucun doute utilisé, selon elle.

Quelques jours avant de commettre l’acte, Céline Rock Michel a fait une demande pour suivre une thérapie, a-t-on appris. La première partie des travaux de l’enquête publique du coroner prend fin vendredi avec un retour sur la cause de Nadeige Guanish, 18 ans.

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