Pensionnats indiens: «Fallait qu’on oublie qui on était» – Florent Vollant 

Par Fanny Lévesque 3 juin 2015
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«Fallait qu’on oublie qui on était, c’était ça leur intention». La guitare sous le bras, Florent Vollant a accepté de se confier au Journal, réagissant à la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. L’artiste innu a été pensionnaire de 1965 à 1972.

«Ça été documenté, l’idée c’était de tuer l’Indien dans l’enfant», soulève le chanteur, rencontré dans son studio d’enregistrement de Mani-Utenam. «Mais souvent, ils ont tué l’enfant aussi, il y en a qui ne sont jamais revenus de ça», soupire-t-il, grattant quelques cordes.

Florent Vollant, comme de nombreux autres Innus, a été arraché à ses parents qui ont quitté Labrador City pour Mani-Utenam, où leurs sept enfants ont été confiés au pensionnat Notre-Dame. «Quand tu arrives là à cinq ans, tu ne comprends pas ce qui se passe (…) J’étais avec mes frères et sœurs, mais je ne comprenais pas plus».

«C’était difficile à vivre ce détachement de mon père et ma mère, mais avec le temps, j’ai compris que ce n’était pas juste la famille, mais c’était aussi toute notre identité, nos origines, notre langue… Il n’y avait plus rien de ça», se souvient-il.

«C’était perdre le Nord. C’était ça qui nous arrivait.»

Sauvé par la musique

Pour Florent Vollant, l’héritage des pensionnats, où il a été révélé que des enfants avaient subi des sévices corporels, est lourd à porter encore aujourd’hui. «On a hérité d’une violence extrême et cette violence, souvent on l’a transmise à nos enfants, à toute une génération», explique-t-il.

«Rebâtir la dignité, la fierté, on est encore en train de le faire».

«Revenir à qui ont étaient, certains n’y arriveront pas de leur vie. Certains en sont morts, certains se sont enlevé la vie, certains n’ont pas été capables de revenir de ça parce que c’était trop violent, les abus… C’était monstrueux», relate l’artiste.

Après une pause, il reprend. «Moi, j’ai trouvé une manière d’extérioriser à travers la musique, j’ai eu cette chance de pouvoir retrouver ma fierté d’être ce que je suis en faisant danser, en faisant rêver (…) La musique a fait que j’ai pu rendre du monde fier aussi», poursuit l’Innu, qui n’hésite pas à dire que la musique l’a littéralement sauvé.

Vers une réconciliation? 

Florent Vollant salue le travail de la Commission de vérité et réconciliation, qui a permis à plus de 6 750 personnes de raconter leur histoire. «Le fait d’avoir donné la chance à des survivants de s’exprimer, c’est déjà bien. C’est la vérité pour moi. Pour la réconciliation, je ne sais pas. Il va falloir qu’on se réconcilie avec nous même pour pouvoir penser à se réconcilier avec quelqu’un d’autre».

S’il a un souhait, l’artiste espère que les efforts de la Commission auront des répercussions concrètes au sein des communautés et pour les générations à venir. «Ça va nous mener où, ça je me le demande. Est-ce que ça va finir sur une tablette?», s’interroge-t-il «Reconnaître le tort, c’est fait. Les paroles c’est beau, mais les actions, ça va être quoi maintenant?»


 (Photo : Le Nord-Côtier)

 

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