Permis de homard : colère et bonheur

Par Jacob Buisson 5:00 AM - 4 juin 2024 Initiative de journalisme local
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Photo Robert Nicolas, Pêche impact

Un pêcheur de Havre-Saint-Pierre d’une quarantaine d’années d’expérience peine à mettre du pain sur la table, mais ne reçoit pas de permis de pêche au homard. Pendant ce temps, un crevettier se réjouit de pouvoir éviter la faillite.

Daniel Scherrer dénonce le fait que le ministère des Pêches et des Océans (MPO) ait choisi des critères qu’il qualifie « d’arbitraires » pour la distribution des permis de homard. Le MPO a décidé d’aider les pêcheurs en situation financière précaire, ceux qui récoltent la crevette et le buccin (bourgot). Ces pêches ont des stocks restreints. Toutefois, M. Scherrer soulève que les crabiers, comme lui, sont aussi en difficulté.

À cause du prix du marché en baisse en 2023, les 19 000 livres de crabe des neiges de M. Scherrer se sont vendues pour 45 000 $, « tout juste assez pour mettre du pain sur la table », déplore-t-il. C’est que sur ce montant, presque la moitié va au salaire de ses employés, puis il doit encore payer l’essence, l’entretien du bateau et les équipements. Cette situation est toutefois exceptionnelle, puisque le prix du crabe des neiges est très bas. Il devrait remonter en 2024.

Réaction du ministère

Questionné sur le sujet, le ministère assure avoir consulté le milieu. « Les critères d’admissibilité et de priorisation pour l’attribution des permis exploratoires sont le résultat de recommandations d’un groupe de travail formé de Pêches et Océans Canada ainsi que de représentants de l’industrie de la capture et de Premières Nations de la Haute et Moyenne-Côte-Nord. »

Le MPO affirme que le groupe a favorisé les pêcheurs en difficulté. « La priorité a été accordée aux pêcheurs actifs dans des pêcheries impliquant des ressources en difficulté ou moins rentables soit la crevette, le buccin (bourgot) et le poisson de fond. »

Pour ce qui est des crabiers, « ceux ayant des quotas moins élevés étaient admissibles. Cependant, comme recommandé par le groupe de travail, une priorité moindre leur a été accordée. »

Le groupe a aussi mis le critère de participation à la pêche scientifique pour avoir droit au permis de pêche exploratoire. Daniel Scherrer remplit pourtant ce critère. Il a participé à la pêche scientifique de l’espèce l’an passé, au large de la Côte-Nord. Il n’a malheureusement pas été considéré comme ayant participé, puisqu’il le faisait pour le compte de l’Agence Mamu Innu Kakussesht (AMIK), qui était la détentrice du permis de pêche scientifique. Il se sent floué par le Ministère. 

Selon le pêcheur d’oursin des Escoumins Jacques Morneau, Pêches et Océans Canada « a inventé des critères qui sont injustes ». M. Morneau est un noyau, un pêcheur chef d’entreprise dépendant de la pêche, qui a un bateau immatriculé et des permis qu’il détient depuis longtemps. Normalement, le MPO favorise ces gens. Mais, cette fois-ci, Jacques Morneau n’a pas reçu de permis de homard. Il dit avoir travaillé pendant trois ans pour l’obtenir.

Le bonheur des autres

Les crevettiers septiliens Rémy et Martin Elément sont satisfaits de la distribution des permis de homard. Puisque les crevettes se font plus rares et que les quotas ont été coupés de 94 %, les frères approchaient la faillite. Avec leur nouveau permis, ils sont heureux de pouvoir garder leur entreprise. Le pêcheur de buccin Raynald Thériault, installé à Havre-Saint-Pierre, est aussi heureux de pouvoir éviter les difficultés financières, grâce à son nouveau permis. 

L’entreprise Pêcheries Uapan de Uashat mak Mani-Utenam est aussi contente d’avoir quatre nouveaux permis de homard. Ils permettront à l’entreprise innue d’offrir du travail à plus de personnes de la communauté.

Toutefois, l’entreprise aurait aimé que la communauté soit consultée, de nation à nation. L’augmentation de la pêche peut affecter négativement les stocks de homard pour elle. L’entreprise pêche déjà le crustacé depuis une douzaine d’années. Elle a été consultée par le MPO de la même façon que les autres pêcheurs. 

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