Un an après l’adoption de la loi sur le travail des enfants, quels sont les effets?
Le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, reçoit ici les félicitations de son collègue Jean-Francois Roberge à l'Assemblée nationale. Photo prise le 1er février 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot
Cela fera bientôt un an que la Loi sur l’encadrement du travail des enfants, pilotée par le ministre Jean Boulet, a été adoptée à l’Assemblée nationale. Cette loi a-t-elle atteint ses objectifs?
Oui, répond d’emblée M. Boulet en entrevue avec La Presse Canadienne dans son bureau au parlement. Il constate une diminution marquée des accidents de travail chez les jeunes.
Rappelons que la loi fixe à 14 ans l’âge minimal pour travailler au Québec, sauf exceptions, et interdit aux jeunes de 14 à 16 ans de travailler plus de 17 heures par semaine pendant l’année scolaire, hormis les congés.
Le ministre s’est donné deux objectifs, soit d’assurer la santé et la sécurité des enfants, en plus de permettre la persévérance scolaire et la réussite éducative.
La loi est entrée en vigueur en deux temps: les employeurs qui faisaient travailler un jeune de moins de 14 ans ont eu 30 jours à partir du 1er juin 2023 pour leur transmettre un avis de cessation d’emploi.
Trois mois plus tard, le 1er septembre, les jeunes âgés entre 14 et 16 ans ont vu leurs heures de travail limitées à 17 par semaine (incluant la fin de semaine) pendant l’année scolaire, hormis les congés.
Du lundi au vendredi, c’est un maximum de 10 heures.
Armé d’un bilan préliminaire, le ministre Boulet affirme que la loi a eu un effet positif sur les jeunes. En 2023, les lésions professionnelles chez les mineurs ont chuté de 19 % par rapport à 2022.
Pour les moins de 14 ans, il s’agit d’une baisse de 33,3 %, et pour les 16 ans et moins, de 17 %.
Si l’on regarde de plus près les mois de juin à décembre 2023, soit les mois qui ont suivi l’adoption de la loi, les chiffres sont encore plus parlants: les moins de 14 ans ont connu une baisse des accidents de travail de 41 % par rapport à la même période en 2022, et les 16 ans et moins, une baisse de 17 %.
«Je suis très satisfait, déclare Jean Boulet, souriant. Souvenez-vous ce qui nous avait motivé. De 2017 à 2022, il y avait eu une augmentation de 640 % des lésions professionnelles chez les moins de 14 ans, 80 % chez les 16 ans et moins.
«On peut, comme société, être fiers d’avoir contribué à réduire les enjeux de blessures chez les enfants, renchérit-il. On a freiné cette pente ascendante-là. (…) Il faut continuer d’aller dans la même direction.»
En ce qui a trait à la persévérance scolaire, le ministre dit attendre les données du Réseau québécois pour la réussite éducative, qui seront mises à jour cet automne, avant de dégager des conclusions.
582 inspections de conformité
Pour faire appliquer la loi, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) a effectué 582 inspections de conformité entre juin et décembre 2023.
Dix infractions ont été constatées, dont quatre concernaient l’interdiction de travailler pour un enfant de moins de 14 ans.
Trois étaient en lien avec l’obligation d’obtenir et de conserver le consentement écrit du titulaire de l’autorité parentale pour faire travailler, exceptionnellement, un enfant de moins de 14 ans.
Une infraction a été constatée par rapport au non-respect de l’interdiction de faire travailler un enfant entre 23 h et 6 h; une autre concernait l’obligation d’inscrire au registre la date de naissance d’un travailleur de moins de 18 ans.
Enfin, une dernière infraction a été rapportée, au sujet d’un enfant qui travaillait plus de 17 heures par semaine ou 10 heures du lundi au vendredi.
La loi prévoit des amendes salées pour les employeurs fautifs: 1200 $ pour une première infraction et 12 000 $ en cas de récidive. Sur les 10 infractions, un seul constat a été émis et l’employeur a décidé de le contester.
Le ministre ne s’en cache pas: il y a eu de la «résistance», surtout dans les secteurs de la restauration et du commerce au détail, qui réclamaient plus de flexibilité de la part du gouvernement, notamment afin qu’il permette aux jeunes de moins de 14 ans d’obtenir des dérogations à la pièce.
Toutefois, avec le Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre, un regroupement d’associations syndicales et patronales, «on avait fait un consensus (…) et ça donne (…) un appui pour résister», dit-il.
Enfants, jouez!
Aux parents qui sont en désaccord avec la loi, car ils préféreraient que leur enfant de 12-13 ans travaille au lieu de s’asseoir devant un écran, le ministre répond qu’il faut inciter les enfants à s’épanouir autrement, par le jeu.
«Il y a des camps d’été, de la lecture, des jeux avec les amis, des activités extérieures. On ne peut pas dire: “Si mon enfant ne travaille pas, il va faire de l’écran”, c’est faux. Il faut s’assurer que ton enfant soit bien encadré et ça passe par une multitude d’activités éducatives. Il y en a beaucoup pendant l’été», affirme Jean Boulet.
«C’est aussi une responsabilité des parents de s’assurer que l’enfant fasse des activités qui sont bénéfiques à son développement», insiste-t-il.
Loi perfectible?
Alors, la loi encadrant le travail des enfants est-elle parfaite comme elle est? Toutes les lois sont perfectibles, souligne M. Boulet, qui ne peut exclure certaines «adaptations» dans le futur.
«La loi a eu l’effet escompté. En même temps, est-ce qu’elle est perfectible? On verra au fil des années. (…) On verra à l’adapter le cas échéant. (…) Il va falloir évoluer aussi en tenant compte des changements sociaux.»
Il réfléchit à voix haute à la possibilité que des emplois en intelligence artificielle soient sécuritaires pour les enfants, avant de s’interrompre. «C’est un peu futuriste ce que je dis», lance-t-il.
Lorsque la question lui est posée directement à savoir s’il compte ajouter ou retirer des exceptions, il conclut avec un «non, certainement pas».
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Exceptions prévues dans la loi
On compte huit exceptions dans la loi. Ainsi, un jeune de moins de 14 ans peut continuer de travailler comme:
- créateur/interprète en production artistique;
- livreur de journaux;
- gardien d’enfants;
- tuteur/aide aux devoirs;
- travailleur dans l’entreprise familiale si elle compte moins de 10 salariés;
- aide-animateur dans un camp de jour/organisme social ou communautaire;
- marqueur dans un organisme sportif à but non lucratif;
- s’il a 12 ans et plus, travailleur dans une entreprise agricole qui compte moins de 10 salariés pour prendre soin des animaux, préparer ou entretenir le sol ou récolter des fruits ou des légumes, s’il s’agit de travaux manuels légers.
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