L’apatite, un minerai convoité

Par Emelie Bernier 5:59 AM - 12 mars 2024
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Le gisement du Lac-à-Paul est extrêmement prometteur selon Arianne Phosphate qui y mise ses billes. Courtoisie.

Les contextes géopolitique et économique actuels sont favorables à l’exploitation des gisements d’apatite. Reste à savoir si le projet de Mine Arnaud attirera l’investisseur clé qui lui permettra de renaître de ses cendres. Pendant que cette question demeure en suspens, d’autres joueurs foncent. 

En janvier, le gouvernement québécois ajoutait l’apatite à la liste des minéraux critiques et stratégiques, un avantage indéniable pour Arianne Phosphate. Cette entreprise mise sur le « plus grand gisement de phosphate indépendant au monde », celui du Lac à Paul, au Saguenay-Lac Saint-Jean, pour faire sa place sur le marché international de la roche phosphatée. 

« On parle d’une production de 300 millions de tonnes annuellement dans le monde. Au Québec, il n’y a aucun producteur, ni au Canada. Le Canada est dépendant des importations à 100 % », explique Raphaël Gaudreault, chef des opérations chez Arianne Phosphate. 

Esquisse numérique des futures installations de la mine d’apatite du Lac-à-Paul. Courtoisie Arianne Phosphate Inc.

Le Canada s’approvisionne principalement aux États-Unis. Ce pays est producteur d’apatite, mais dépend également des importations internationales, notamment en provenance de la Russie et de la Chine.

« Le marché du phosphate a connu un cycle baissier de 2012 à 2019. Ce n’était pas un environnement favorable aux investissements, mais il y a eu des changements dans la dynamique de l’offre et de la demande. Dans les années à venir, on voit une demande accrue au niveau de l’acide phosphorique purifié et des prix qui sont très bons », relate M. Gaudreault. 

La guerre avec l’Ukraine et le protectionnisme des pays producteurs n’y sont pas étrangers.

« Au niveau de l’indépendance par rapport au marché, le Canada est à risque. Le jour où les États-Unis disent ”on a besoin de notre apatite pour nos cultures” et ferment le marché des exportations, on est mal pris. »

Raphaël Gaudreault, ing., chef des opérations chez Arianne Phosphate Inc. Courtoisie Arianne Phosphate Inc.

La production annuelle du gisement du Lac a Paul est estimée à 3 millions de tonnes par année de concentré phosphaté, soit à peu près l’équivalent des besoins du Canada en la matière. « Même si on produit la quantité qui est utilisée au Canada, on est positionné pour exporter en Europe ou aux États-Unis facilement. Dans la dynamique de marché, je ne peux pas dire si ça va rester ici. C’est peut-être plus facile pour l’ouest de s’approvisionner aux États-Unis, par exemple. »

Le projet Lac à Paul d’Arianne détient les autorisations nécessaires pour sa construction et sa mise en opération. La qualité du gisement permettra de produire un concentré de phosphate de très haute pureté et à faible teneur en contaminants, évaluent ses promoteurs.  

« On a nos permis, on a franchi l’étape du BAPE. Un décret ministériel a également été signé. Investissement Québec est partenaire à la hauteur de 6 %. On est en discussion avec des partenaires potentiels. Le contexte est favorable et il y a clairement un intérêt qui est présent », conclut Raphaël Gaudreault.

L’apatite, à quoi ça sert ?

La demande pour l’apatite, ou roche phosphatée, est en hausse constante sur le marché des batteries et des engrais agricoles. Lorsqu’extraite, avant d’être prête à l’emploi, l’apatite doit être transformée en concentré de phosphate.

“ C’est à partir de ce concentré qu’est produit l’acide phosphorique purifié (APP) destiné aux batteries et un acide phosphorique dit régulier, destiné au marché des fertilisants, explique Raphaël Gaudreault, chef des opérations chez Arianne Phosphate. 

Des carottes extraites du gisement de la mine du Lac-à-Paul. Courtoisie Arianne Phosphate Inc.

L’APP est une composante essentielle à la production de batteries lithium-fer-phosphate, d’où l’intérêt de plus en plus marqué des marchés. 

Le phosphore est un des trois ingrédients fondamentaux des engrais agricoles.

” C’est une matière première qu’on utilise pour faire un engrais phosphaté. Le 20-20-20 ? Le phosphate, c’est le 20 du milieu ! Les autres, c’est l’azote et le potassium ”, explique M. Gaudreault. 

Les trois éléments sont complémentaires, mais indépendants, explique l’ingénieur.

“ Ils n’auront pas les mêmes fonctions, mais les trois sont essentiels. Tout le potassium de la Saskatchewan, qui en a d’énormes réserves, ne pourra remplacer le phosphate. ”

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