Cimetière innu en péril: Roberto Wapistan est le gardien des ancêtres

Par Émélie Bernier 5:59 AM - 23 janvier 2024 Initiative de journalisme local
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À la faveur des éléments, les ossements sont dégagés du sable. C’est là qu’intervient le « cueilleur » Roberto Wapistan. Photo courtoisie

Roberto Wapistan est coordonnateur des négociations pour la communauté innue de Nutashkuan. « Je m’occupe entre autres du dossier du cimetière de la Pointe-du-Vieux-poste. L’ancien cimetière fait partie du patrimoine innu », indique M. Wapistan. 

La nature de son mandat est assez particulière. C’est à lui qu’incombe la tâche délicate de récupérer les ossements exhumés par les éléments. 

Les dépouilles sont enterrées dans cette dune. Photo courtoisie Archéo-Mamu

« C’est un travail très concret. Il y a tout le temps des sorties d’ossements et on ne sait pas combien il y en a là-dedans alors je dois y retourner régulièrement », explique-t-il.

Le cimetière se trouve du côté est de la rivière. Jadis, un bureau de traite était installé du côté ouest. C’est vraisemblablement pour cette raison que des dépouilles allochtones se trouvent enterrées dans le vieux cimetière, malmené par les éléments. Ses rondes de « cueillette » ont lieu toute l’année. « Pour le moment, la rivière n’est pas sécuritaire donc je ne peux pas y aller, mais dès que la glace sera prise, j’y retourne », dit-il.

Chaque os est récupéré avec soin et acheminé aux locaux d’Archéo-Mamu, à Baie-Comeau. « On les ramasse. Après avoir tout ramassé, on va trouver un autre endroit pour les enterrer de nouveau et faire une cérémonie. C’est la communauté qui va décider. On n’a aucun nom, on sait pas du tout qui est enterré là. Il a de tout petits enfants… La communauté tient toutefois à rendre hommage aux personnes enterrées dans cette imposante dune de sable.  “On n’en a pas parlé encore officiellement, mais les gens s’informent.” 

S’il n’a laissé aucune trace dans les livres d’histoire, le cimetière n’était pas inconnu des Innus de la communauté voisine. 

“Ça fait 500 ans, mais mon père était assez vieux et il me disait qu’il y en avait un, cimetière. C’était transmis dans la tradition orale chez nous”, explique Roberto Wapistan.

Malgré la nature singulière de ce travail,  Roberto Wapistan l’accomplit avec rigueur. “Il faut avoir l’œil pour distinguer les petits os humains de ceux des animaux… J’ai eu une formation comme policier. J’ai étudié l’anatomie pour bien faire la tâche. Et je garde la tête froide. Ce sont mes ancêtres et il faut que je les conserve. Il y une grosse notion de respect dans cette démarche-là. Chaque corps a son histoire.”

En attendant d’offrir une nouvelle sépulture aux défunts du cimetière de la pointe du vieux poste, la cueillette des ossements se poursuit. Un jour, tous les corps qui s’y trouvent seront exhumés, croit Roberto Wapistan.

Quoi qu’il en soit, sa communauté souhaite préserver le site le plus possible. “Selon notre négociation du traité, ça doit devenir un territoire innu”, souhaite Roberto Wapistan. 

Le sable de la dune laisse peut-être s’échapper les os des ancêtres, mais on ne saurait laisser l’histoire s’éroder…

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