Été pourri pour l’astronomie

Par Émélie Bernier 12:00 PM - 22 août 2023 Initiative de journalisme local
Temps de lecture :

La nébuleuse du Lagon, une des beautés que Benoît De Mulder se plaît à photographier.

Les amateurs d’astronomie sont au nombre de ceux pour qui l’été 2023 aura été une suite de déceptions. Fumée des feux de forêt, nuages et précipitations ont plus souvent qu’autrement compliqué les rendez-vous avec les étoiles, planètes et autres constellations.

Durant la pandémie, et à la faveur du télétravail, Benoît De Mulder a choisi de déménager ses pénates dans la petite bourgade de Sheldrake, sur la Côte-Nord, notamment en raison de la quasi-absence de pollution lumineuse !

Cet été est carrément « désastreux » pour le passionné d’astronomie et d’astrophotographie.

La galaxie du Moulinet. Courtoisie Benoît De Mulder.

« On a eu quatre jours d’observation acceptables en juillet. On a pu observer Vénus, très visible, mais par contre, pour photographier la Voie lactée et profiter des objets qui sont dedans, c’était une autre histoire… »

Août n’a guère été plus propice. « En août, il y a eu seulement trois jours jusqu’à maintenant (ndlr: en date du 15 août) où il y a eu des nuits dégagées, dont deux avec la pleine lune. Pour un amateur d’astronomie, c’est comme s’il y avait un gros projecteur dans le ciel ou comme si on était au milieu de l’ile de Montréal », rigole M. De Mulder.

Le spectacle des Perséides est aussi tombé… à l’eau. « J’avais un projet de faire des photographies du ciel, toute la nuit, espacées de quelques secondes pour avoir les tracés des météores… mais ici, on n’a vu que des nuages », se désole-t-il.

Guère mieux à Sept-Îles

Stephen Bourgoin, qui souhaite fonder un Club d’astronomie à Sept-Îles, convient lui aussi que l’été astronomique n’a pas été des plus impressionnants.

« Cette année, d’abord, les planètes ne sont pas au rendez-vous, et ensuite, la température est plutôt maussade », résume-t-il.

Son intérêt pour l’astronomie n’en pâtit pas pour autant et il continue d’espérer que la Ville de Sept-Îles fasse une place à ceux qui, comme lui, aiment plonger leur regard dans les confins du ciel. 

« C’est une passion qui est plutôt solitaire et marginale, si on compare à la chasse, la pêche, ou le caravaning. Mais il y a des gens qui sont curieux, intéressés ! On sent aussi l’intérêt de la jeunesse », estime M. Bourgoin.

Il pratique lui-même l’astronomie depuis une dizaine d’années.

« J’ai 35 000 $ d’équipement ! Il y a de l’ouvrage derrière ça, mais c’est accessible pour le commun des mortels. Les gens ne se doutent pas de ce qu’on peut voir d’extraordinaire ! Quand on monte l’équipement et qu’ils voient Saturne et/ou Jupiter pour la première fois de leur vie, c’est toute une expérience ! Et moi, ça m’a complètement accroché », résume-t-il. 

Benoît De Mulder. Courtoisie

Il aimerait que la Ville de Sept-Îles consente à offrir un lieu pour l’observation.

« Avoir un espace fixe, un observatoire, ou un endroit où il y a une plaque de ciment avec des branchements électriques, ce serait une avancée. Ça manque à Sept-Îles et oui, il y a des amateurs qui seraient très contents ! » estime-t-il.

L’été 2023 n’a pas rempli ses promesses, mais Stephen Bourgoin considère que la situation n’est pas nouvelle.

« On dirait que depuis 3 ans, c’est de plus en plus difficile d’avoir une séquence de deux à trois jours consécutifs de ciel dégagé. »

Benoît De Mulder abonde dans le même sens. 

« Côté météo, c’est beaucoup plus difficile à prévoir qu’auparavant. Quand j’ai commencé, ado, jeune adulte, on savait qu’en juillet et août, on aurait de belles nuits… Aujourd’hui, on n’a plus cette certitude », analyse-t-il. 

La présence des satellites, de plus en plus nombreux, est aussi un léger irritant. « Ils sont en augmentation constante, ça fait des traînées sur les photos… », dit M. De Mulder.

Avec les ambitions d’Elon Musk de lancer jusqu’à 14 000 satellites Starlink, il faudra prévoir beaucoup de temps de correction d’images, constate celui qui s’adonne à l’astrophotographie.

Mais l’intérêt demeure vif et quelques belles observations peuvent toutefois être faites ces temps-ci, notamment la planète Saturne.

« C’est un des meilleurs moments pour l’observer, avec de bonnes jumelles ! On doit surtout avoir un bon support, un pied photo, pour que les jumelles restent immobiles, et on ne doit pas y toucher pour ne pas amener de vibration », conseille Benoît De Mulder.

Ne reste plus qu’à espérer des ciels libres de nuages et de fumée !

La mode des “super lunes”

Cet été plus que jamais, les « super lunes » ont fait la manchette. Sont-elles plus « super » qu’à l’habitude? Nous avons demandé au spécialiste Frédéric Bénichou de répondre à cette question « spatiale »!

Harvest moon. July 2018

« C’est un peu du sensationnalisme! La lune tourne autour de la terre selon une orbite légèrement elliptique, pas parfaitement égale, et à certains moments, elle est un peu plus proche de la Terre.  À l’œil nu, la lune, c’est le diamètre de votre pouce. Quand c’est une super lune, ça va légèrement dépasser le pouce, mais c’est subtil… »

Il attribue tout le bruit autour des super lunes à un « effet de mode ». « C’est une mode astronomique et c’est tant mieux! La lune qui se lève sur le fleuve, c’est beau! Sur la Côte-Nord, on a de la chance, c’est vraiment impressionnant! »

La lune, pourtant, n’est pas la favorite des astronomes amateurs. « Quand on fait de l’astronomie, une pleine lune est comme un soleil au zénith! On ne voit plus rien. Mais c’est le moment où les gens lèvent les yeux vers le ciel. La lune fascine! Toute l’histoire de l’humanité a été modifiée par la lune, toutes les civilisations ont des légendes avec elle! »

Super ou pas!

Le buzz astro de 2024

Frédéric Bénichou, comme des milliers d’astronomes de sa trempe, a marqué d’une croix la date du 8 avril 2024. L’enseignant a d’ailleurs depuis près de 2 ans indiqué à son employeur qu’il prendrait 2 jours de congé à ce moment. La raison? Une rare éclipse totale de soleil, un phénomène bonbon pour les amateurs d’astronomie!

« Une éclipse totale de soleil, vous n’en avez jamais vu… La prochaine sera dans des centaines d’années. J’en ai vu une en Europe en 1999 et j’ai encore la chair de poule… La luminosité est exceptionnelle, c’est comme si le soleil ne brûlait plus! Comme si on mettait une ampoule de 20 watts au lieu d’une 100 watts! Les étoiles sortent en plein jour, on voit un disque noir dans le ciel entouré de blanc… », s’emballe M. Bénichou.

Le silence risque d’étonner. « Il n’y a plus un son, les animaux sont partis dormir, les oiseaux ne chantent plus… ça dure quelques minutes, mais c’est impressionnant! »

Sur la Côte-Nord, environ 95% du soleil sera bouché, assez pour faire frémir d’excitation les Frédéric Bénichou de ce monde!

Partager cet article