Les ados : une main-d’œuvre précieuse, mais compliquée

Par Alexandre Caputo 6:00 AM - 24 mars 2023 Initiative de journalisme local
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Les pieuvres à l’œuvre lors d’une formation. Photo Facebook

Pour certains employeurs, la main-d’œuvre adolescente est vue comme un mal nécessaire afin de remédier au manque de personnel. Pour d’autres, ces jeunes employés sont des diamants qui ne demandent qu’à être polis.

Avec la pénurie de main-d’œuvre, les jeunes sont de plus en plus sollicités et en bas âge pour occuper des postes de service. La gestion de ce personnel enfant représente parfois tout un défi.

« Ce n’est pas eux qui se sont forcer pour venir travailler pendant la semaine de relâche, je peux vous le dire », se désole un gérant de commerce septilien, qui préfère cependant garder l’anonymat. « Ils veulent seulement travailler huit heures par semaine. Ça, c’est quand ils se présentent », ajoute-t-il, à propos de la nouvelle garde de travailleurs qui occupent les postes à temps partiel de l’entreprise.

Le gérant déplore le manque d’initiative et de responsabilisation de ses jeunes employés.

Du côté du Carrefour jeunesse-emploi de Duplessis, le son de cloche est complètement différent. Avec le programme « Les pieuvres à l’œuvre » de l’organisme, qui regroupe une dizaine de jeunes âgés de 13 à 17 ans, on constate tout le contraire.

Les ados mettent sur pieds leur entreprise de contrats en tout genre pour la durée de l’été. Selon Cathy Gagnon, coordonnatrice pour le Carrefour jeunesse-emploi de Duplessis, la motivation des jeunes qui participent à ce programme ne peut être remise en doute.

« Ils [les jeunes] prennent ça à cœur, c’est normal, car c’est leur entreprise », note-t-elle. « Ce sont eux qui font la publicité pour aller chercher les contrats. Ils s’assurent de l’exécution de ces contrats, ils gèrent les paies et les horaires, comme des professionnels », explique-t-elle.

Bien entendu, les jeunes ne sont pas totalement laissés à eux-mêmes ; une coordonnatrice chapeaute les opérations pour s’assurer du bon déroulement. Mme Gagnon souligne qu’après quelques semaines, les jeunes font habituellement preuve de beaucoup d’autonomie et que les interventions de la coordonnatrice deviennent de plus en plus rares.

Les parents qui s’en mêlent

Un autre employeur de Sept-Îles, qui a aussi désiré garder l’anonymat, déclare pour sa part avoir été confronté à quelques situations malaisantes impliquant des parents d’employés.

« J’ai déjà eu droit à un parent qui démissionnait à la place de son enfant, ou bien des parents qui me contactaient pour me dire que leur enfant se plaignait du nombre d’heures qu’il faisait », se décourage-t-il. « C’est frustrant, mais en même temps, on manque tellement de personnel », laisse-t-il tomber.

Est-ce que le fait d’être considéré assez mature pour occuper un emploi rémunéré devrait signifier que les parents n’ont plus leur mot à dire ? Selon Caroline Milot, responsable des ressources humaines au Sports Experts/Atmosphère de Sept-Îles, cette façon de penser est révolue.

« On parle d’enfants qui en sont à leur premier travail, c’est normal que les parents veuillent savoir dans quel genre de milieu ils sont et pour qui ils travaillent », note-t-elle. « Le fait que la porte soit ouverte aux parents est sécurisant, tant pour eux que pour les jeunes; nous en [des parents] avons donc moins qui s’ingèrent de façon non désirée », ajoute-t-elle.

Mme Milot se souvient lorsque son garçon a fait son entrée sur le marché du travail, alors qu’il était âgé d’à peine 15 ans. « Son employeur ne voulait pas parler aux parents, il disait « ce n’est pas vous que j’ai engagé, c’est votre gars », raconte-t-elle.

Celle qui est entrée en poste vers les débuts de la pandémie soulève le fait qu’inclure les parents dans le processus et de les renseigner sur l’organisation et les façons de faire a été bénéfique pour attirer des candidatures en pleine pénurie de main-d’œuvre.

« On n’a aucun problème de main-d’œuvre à temps partiel, on doit même refuser des CV.»
Cathy Gagnon, du Carrefour jeunesse-emploi, trouve aussi important d’inclure les parents dans le processus.

« Ça sécurise les parents, premièrement, parce qu’ils savent pour qui et où leur jeune travaillera, mais aussi pour être sûr qu’il s’agit d’un emploi et pas d’un camp de vacances », dit-elle.

Être à l’écoute

Sophie Couture est psychologue à Sept-Îles. Elle travaille avec les jeunes de la ville et avec ceux de la communauté. Elle soutient qu’il est important pour l’adulte de faire preuve de nuances dans ses réflexions et ses interventions concernant ceux qui représentent une figure d’autorité pour leur enfant.

« Tout est une question de perception », commence-t-elle. « Les parents doivent être à l’écoute de leur enfant, mais ils doivent aussi prendre le temps d’aller chercher d’autres informations de l’extérieur pour bien comprendre ce qui se passe ».

Mme Couture soutient qu’en considérant toutes ces informations, le parent sera mieux en mesure de comprendre la réaction de son enfant et les actions posées par les autres personnes impliquées. Il s’agit d’un modèle qu’on offre à l’enfant concernant la résolution de conflits ou de malaises.

« L’enfant va être confronté à des situations inconfortables toute sa vie et se développe continuellement sur le plan social. Le rôle du parent est de l’accompagner et de l’outiller pour faire face à ces situations-là », explique-t-elle.

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