Les policiers piqués au vif par le conseiller Denis Miousse

Par Alexandre Caputo 4:00 PM - 22 mars 2023 Initiative de journalisme local
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Le conseiller Denis Miousse a remis en question la présence policière à Sept-Îles en raison de la baisse du nombre de constats d’infraction donnés dans la dernière année, ce qui a suscité une forte réaction chez les policiers de la Sûreté du Québec.  

En 2015, 3 290 constats ont été émis par la Sûreté du Québec à Sept-Îles. En 2022, ce chiffre a chuté à 1 956, selon les statistiques divulguées par M. Miousse, lors de la dernière séance du conseil municipal.  

Aux dires du conseiller, qui est également président du Comité de la sécurité publique de la MRC, ces statistiques pourraient indiquer qu’il y a « sûrement moins de policiers » et confirmer du même coup les craintes des citoyens par rapport à leur « présence » et à leur offre de « services » amoindris sur le territoire. 

Cette sortie a mené des policiers de la Côte-Nord à interpeler le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ), Jacques Painchaud, qui note que le travail policier évolue avec la société dans laquelle nous nous trouvons. 

« Le nombre d’interventions en lien avec la santé mentale est en explosion depuis les dernières années, ces interventions sont souvent longues et laborieuses », défend-t-il. « Les procédures légales sont également plus lourdes qu’elles étaient, ce qui augmente le temps de rédaction de rapports et empêche les policiers d’être sur la route », ajoute-t-il.  

En revanche, on confirme que les effectifs au niveau de la patrouille, pour la période soulignée par M. Miousse, n’ont pas augmenté et qu’au contraire, des discussions sont entamées pour prochainement éliminer un poste de patrouilleur à Sept-Îles.  

En 2022, le gouvernement du Québec a accordé 250M$ à la ville de Montréal, dans le but de pallier le manque de personnel policier et de lutter contre l’ascension de la violence armée.  

« Il y aurait matière, pour les municipalités, à demander à la Sûreté d’augmenter ses effectifs », confirme M. Painchaud. « Si c’est bon pour Montréal, pourquoi ça ne le serait pas pour les régions ? Nos policiers se font imposer beaucoup de temps supplémentaires et la fatigue est installée », déplore-t-il.  

Facilité  

Selon M. Painchaud, le fait d’établir une corrélation directe entre le nombre de constats d’infraction émis et la visibilité des policiers sur la MRC signifie de « tomber dans la facilité ». 

« Bien sûr, le nombre de constats [d’infraction] est un indicateur d’impact qui est facile à calculer », concède-t-il. « Cependant, le mandat de la police ne s’arrête pas à la répression sur les routes, il y a beaucoup d’autres aspects du travail qui peuvent être quantifiables, comme le nombre d’appels logés par des citoyens ou le nombre de dossiers opérationnels ouverts », explique le président de l’APPQ.  

Les statistiques qui concernent le nombre, la nature et la durée des interventions policières sont divulguées lors des rencontres du comité de la sécurité publique de la MRC. M. Miousse avoue cependant ne pas avoir pris connaissance de ces données, pour tenter de comprendre la diminution du nombre de contraventions émises. Est-ce que ces chiffres auraient dû être pris en considération pour permettre une meilleure analyse globale ? 

« Peut-être », répond le conseiller, amené à préciser sa pensée en entrevue. « Mais je ne vois pas ce que ça aurait pu changer, parce que même si un ou deux policiers sont pris sur une intervention, il y en a quand même d’autres qui sont sur le chemin qui peuvent s’occuper de la sécurité routière », ajoute-t-il.  

Rappelons qu’en 2020, 2021 et 2022, la pandémie faisait rage, forçant les gouvernements à imposer des couvre-feux et les entreprises à se tourner vers le télétravail. Ce contexte a possiblement pu affecter les données, ce qui n’a pas été considérer par le conseiller avant sa sortie, admet-il.  

Le maire surpris 

Rejoint par téléphone, le maire de Sept-Îles, Steeve Beaupré, s’est dit surpris de savoir que son conseiller n’avait pas toutes les données en main avant de sortir publiquement à ce sujet. Il confirme toutefois avoir lui-même rencontré des citoyens qui se plaignaient, entre autres, du non-respect des limites de vitesse et des réglementations dans les zones scolaires.  

Lors de sa sortie, M. Miousse dénonçait, également, ne pas avoir eu de retour du corps policier plusieurs semaines à la suite de lettres envoyées pour adresser la situation. Les demandes de mise au point par la Ville à la Sûreté du Québec auront finalement été entendues; une rencontre entre les parties aura lieu au mois d’avril.  

L’APPQ tente présentement de négocier un nouveau contrat de travail pour ses membres. M. Painchaud affirme toutefois que la diminution du nombre de constats d’infraction émis ne représente en aucun cas un moyen d’appliquer de la pression sur la partie patronale. 

La réalité des régions 

Le poste de la Sûreté du Québec à Sept-Îles sert également de pôle de détention pour les autres postes du district, de Port-Cartier à La Romaine. Concrètement, cela signifie que le poste est désigné pour détenir les individus arrêtés et qui doivent comparaître devant les tribunaux ou être reconduits dans un établissement de détention (prison ou pénitencier).  

Il est donc monnaie courante, pour les policiers de Sept-Îles, de devoir faire le vol aller-retour jusqu’à La Romaine, afin de récupérer un individu détenu. Le scénario est identique lorsque les ambulanciers demandent une assistance pour une personne en crise qui doit être transférée à l’Hôpital de Sept-Îles.  

Les agents de sécurité de Garda World avaient, jusqu’à tout récemment, le contrat de surveiller les détenus, une fois que ceux-ci étaient en cellule au poste de Sept-Îles. Cependant, dans la dernière année, ce contrat a été rompu, faute de personnel. La responsabilité de garder un œil sur les personnes incarcérées revient maintenant aux patrouilleurs. 

De 19h00 à 7h00, la convention collective interdit les policiers de patrouiller en solitaire. Donc, si un individu doit être détenu la nuit, ce sont deux policiers qui seront monopolisés pour le surveiller.