Quand la violence s’invite au hockey mineur

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 24 novembre 2022
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La violence au hockey mineur est une problématique qui existe depuis longtemps, mais des parents de la Haute-Côte-Nord souhaitent des sanctions plus sévères afin de décourager les jeunes à commettre des gestes illégaux. Photo : Facebook

Nancy Dugas était bien assise sur son banc à l’aréna des Escoumins le 12 novembre. Comme à l’habitude, elle regardait ses garçons jouer à leur sport préféré, le hockey. Le souffle lui a coupé quand un de ses protégés est tombé sur la patinoire, après une mise en échec illégale, et qu’il a quitté la glace en ambulance, inconscient.

C’est un exemple parmi tant d’autres des gestes de violence qui sont en hausse chez les jeunes hockeyeurs de la catégorie M18 sur la Côte-Nord.

Commotion cérébrale, déchirure au niveau de l’épaule et six semaines sans pratiquer son sport, ce sont les conséquences que subit le fils de la Longue-Rivoise.

Le joueur en faute, quant à lui, a obtenu quatre matchs de suspension et il devra passer devant le comité de discipline.
Trop peu, trop tard pour Nancy Dugas, encore sous le choc de ce qui est arrivé à son garçon lors de notre entretien téléphonique.

« La problématique existe depuis longtemps. On doit trouver des solutions pour faire diminuer les gestes illégaux qui mettent nos jeunes en danger à chaque partie jouée. Il faut trouver des moyens plus drastiques, imposer des conséquences plus importantes afin que les joueurs soient découragés de poser de telles actions », confie la mère de jumeaux.

Celle-ci aurait aimé une sentence exemplaire pour celui qui a blessé son adolescent de 16 ans. « Au départ, il avait obtenu huit matchs de suspension, mais après transmission de la vidéo à Hockey Québec, il a été recommandé de diminuer à quatre matchs », se désole-t-elle.

De son avis, le message envoyé par Hockey Québec n’est pas le bon. « Ça dit aux jeunes faites n’importe quoi, la conséquence ne sera pas si grande. Le joueur des Prédateurs qui a défendu mon fils a eu quatre parties de suspension, le même nombre que celui qui a intentionnellement blessé un joueur pour un minimum de six semaines. »

Conscient que les minutes de pénalité grimpent en flèche chez les joueurs de la région, le conseil d’administration d’Hockey Côte-Nord a réfléchi à des moyens de contrer le problème.

La décision d’autoriser les contacts physiques a été prise et « bien implantée » au début de la saison 2022-2023, selon Mme Dugas.

« Les jeunes ont reçu une formation de 60 minutes lors d’une pratique pour bien comprendre cette approche et ils ont aussi dû visionner une vidéo d’une heure et demie sur le sujet, et ce, avant le 15 novembre. On voit qu’il y a un désir d’amélioration, mais ce n’est pas suffisant », commente-t-elle.

Il faut dire que la troisième partie de l’année aura été marquante pour la maman de deux adolescents. Même si tous les hockeyeurs devaient avoir suivi les formations exigées, un geste de violence intentionnel a tout de même été posé en plein centre de la patinoire, aux yeux de tous les parents présents. Rien de rassurant.

Ce n’est pas la première fois que ce genre de situation se produit.

« C’est rare qu’un jeune reparte en ambulance, mais ça arrive souvent qu’en tant que spectateurs on se serre les fesses. Des coups de hockey dans le dos, ça arrive fréquemment », témoigne la résidente de Longue-Rive qui a écrit une lettre au président de l’Association de hockey mineur de la Haute-Côte-Nord, Dave Foster, pour dénoncer la problématique et surtout « trouver des solutions ».

Commencer plus tôt

Pour Suzie Tremblay, une autre maman d’un hockeyeur M18 de la Haute-Côte-Nord, les formations devraient commencer plus tôt afin de sensibiliser les joueurs plus jeunes aux dangers des contacts physiques non réglementaires.

« On ne veut pas que ça arrive à n’importe quel joueur, peu importe l’équipe », déclare-t-elle pour appuyer sa consœur Nancy Dugas.

L’avis de Luc Lapointe, papa qui sillonne les arénas avec ses deux fils depuis plusieurs années, va dans le même sens. « C’est quand même une technique compliquée. Il faudrait commencer beaucoup plus jeune à la montrer pour que les jeunes aient une meilleure compréhension », pense-t-il.

Ayant déjà été impliqué dans le hockey mineur et en suivant ses fils à travers les matchs et les tournois, M. Lapointe en a vu souvent des « coups salauds » sur la glace.

« Il y en a toujours eu, admet-il. Le hockey est un sport rapide et il y a un risque de blessures accidentelles, c’est certain. Mais, des gestes intentionnels comme celui qui a été fait aux Escoumins, c’est inadmissible. »

Le vice-président opérations hockey pour les Prédateurs de la Haute-Côte-Nord, Fred Gagnon, n’a pas aimé ce qu’il a vu sur la patinoire le 12 novembre.

« Ce n’est pas quelque chose que tu veux voir, c’était un geste dangereux », commente-t-il. Pour lui, il est clair que parmi les solutions pour diminuer la violence au hockey mineur, les suspensions et les conséquences devraient être revues à la hausse.

« Des sanctions plus sévères démontreraient aux autres joueurs qu’un seul geste violent peut faire perdre leur année de jeu », soutient M. Gagnon précisant que l’Association a bien reçu la lettre de Mme Dugas et qu’elle a été transmise à Hockey Côte-Nord.

Hockey Côte-Nord, conscient de la problématique

Hockey Côte-Nord est conscient que le nombre de gestes violents était en augmentation au cours des dernières saisons. Les réflexions avec les différentes associations du territoire ont permis d’en venir à la conclusion que des mesures devaient être prises, la sécurité des joueurs figurant au cœur des priorités.

La solution retenue mise d’abord et avant tout sur la prévention. Il s’agit d’autoriser les contacts physiques dans la catégorie M18.

« On est très conscients qu’on n’arrivera pas à enrayer tous ces coups-là demain matin parce qu’on autorise le contact physique. Mais le fait que les joueurs et les parents ont une formation théorique à faire à la maison en ligne, il y a un volet éthique qui est présenté, ce qui est très intéressant », estime le coordonnateur d’Hockey Côte-Nord, Jean-Philippe Simard.

Toutefois, les mises en échec ne sont pas autorisées comme dans les catégories M15 AA et M18 AA, par exemple.

« Il y a vraiment une différence entre le contact physique et la mise en échec. Le contact physique, il ne faut pas qu’il y ait de projection vers le corps de l’adversaire pour le projeter sur la bande dans un objectif de le frapper. C’est seulement le long des bandes que le contact physique est toléré et c’est toujours dans un objectif de récupérer la rondelle », explique M. Simard.

Les assauts, mises en échec par derrière et coups à la tête sont les trois types de pénalité que veut éliminer le plus possible l’organisation régionale. « C’est puni sévèrement, commente le coordonnateur. Les arbitres sont au courant qu’il n’y a aucun passe-droit pour ces gestes. »

« On ne minimise rien »

Hockey Côte-Nord « ne minimise rien » quand on parle de gestes violents intentionnels qui causent des accidents évitables sur la patinoire.

« On ne veut pas voir de geste comme ça. On est contre ça. Soyez assurés qu’on prend ça très au sérieux. Les situations sont analysées. Il y a des sanctions. Il y a un comité de discipline. J’ai renvoyé cette semaine un avis à tous les présidents d’association pour revenir sur les détails techniques du contact physique », insiste Jean-Philippe Simard.

Selon M. Simard, le joueur fautif aux Escoumins en novembre devra prouver qu’il comprend la portée de son geste en y ajoutant un passage devant le comité de discipline. « Il devra expliquer son geste afin que le comité s’assure qu’il comprend toutes les conséquences de ce qu’il a fait », fait-il savoir.

Jean-Philippe Simard ne pense pas « frapper pour mille » en autorisant les contacts physiques. Toutefois, les chiffres se veulent déjà rassurants depuis le début de la saison.

« Sans nécessairement donner de statistiques, on peut observer une diminution des pénalités comparativement à pareille date l’an passé. On voit déjà un impact », affirme le formateur pour le secteur ouest de la région.

Si la permission des contacts physiques dans le M18 est nouvelle sur la Côte-Nord, ce n’est pas le cas pour toutes les régions. Certaines avaient déjà emboîté le pas, même pour le M15, à la suite de la recommandation d’Hockey Québec.

« Hockey Québec fait des suggestions et les régions, qui jouent seulement sur leur territoire, sont libres de décider si elles les intègrent », de préciser M. Simard.

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