Une Septilienne dans la rue depuis 10 ans raconte…

Par Marie-Eve Poulin 1:00 PM - 25 octobre 2022
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Julie se considère chanceuse de ne pas avoir vécu un hiver dans la rue. Mais pour être au chaud, il faut être prête à tout. Photo Pixabay

La Septilienne Julie (nom fictif) est sans domicile fixe (SDF) depuis 10 ans. Elle alterne entre vivre dans la rue et trouver domicile ici et là. Drogue, prostitution et violence font partie de son quotidien. Malgré tout, c’est là, tristement, qu’elle dit y retrouver le plus d’amour et de réconfort. Elle souhaiterait une société plus humaine.

C’est à l’âge de 18 ans que Julie a fait le choix de quitter le nid familial à Sept-Îles pour déménager à Québec.

Après avoir enchaîné les petits boulots et les faibles revenus, l’idée de devenir masseuse érotique et escorte lui est apparue comme une solution logique. De fil en aiguille, elle s’est retrouvée à quêter dans la rue et finalement à devenir prostituée, ce qu’elle appelle « une pute de rue ».Elle dit avoir fait ces choix en pleine connaissance de cause et elle assure qu’elle désirait le faire.

Julie a décidé d’habiter dans la rue l’été, plutôt que de vivre dans les logements infestés de punaises de lit et de moisissures qu’elle pouvait se payer dans les grands centres. De retour dans la région, puisque l’hiver approche, elle habite actuellement un logement insalubre, mais se compte chanceuse d’avoir un toit.

Elle croit qu’il est plus facile pour une fille d’être SDF. Sans demander, elle se fait offrir un toit.

« Il faut être prête à faire n’importe quoi si tu veux que ce soit vraiment facile, sinon, ça se peut que tu te fasses jeter dehors, te fasse sacrer une volée, ou violer », dit-elle.

Cette vie lui a fait prendre conscience d’apprécier certains petits moments tout simples, mais qui apportent beaucoup de bonheur, comme prendre un bon bain, ou manger de bons repas.

« Une fois, après ma journée d’escorte, je me suis assise avec ma gang de quêteux et j’avais hyper faim. Je n’avais rien mangé de la journée. Je n’ai rien demandé et une dame est arrivée avec une tomate fraîche de son jardin. Là j’étais comme : wow, c’est un ange ! Voir que des gens sont généreux comme ça dans la vie ! », raconte-t-elle, encore sous l’émotion incommensurable qu’elle a ressentie à ce moment pour une simple tomate.

Une vie parfois « trash »

C’est le terme « trash » qu’elle utilise pour raconter des moments marquants de son expérience. Certaines rencontres et événements lui font réaliser le danger de cette vie et la chance qu’elle a d’avoir une famille où elle peut revenir.

J’ai rencontré un gars de 19 ans, qui à 9 ans, sa mère lui avait planté l’aiguille dans le bras. Il était sur la “junk”. Il essayait de s’en sortir avec la méthadone, mais il en arrachait », raconte-t-elle, visiblement peinée et impuissante.

« Tout ce que tu peux voir dans la rue c’est vraiment épouvantable. Mais tu te rends compte que ces jeunes-là ont un désir de vivre qui est tellement fort, tellement puissant et c’est souvent ceux-là qui s’en sortent le mieux », dit-elle.

Toutefois, elle rapporte avec tristesse avoir perdu beaucoup d’amis qui ont succombé à des « overdoses » ou qui ont été tués pour des dettes de drogue.

Manque de ressources

Suite à son expérience dans plusieurs régions, elle constate un manque de ressources à Sept-Îles. Elle dit qu’il est possible de se faire une épicerie facilement dans les grandes villes et de trouver de l’aide psychologique, ou du support pour effectuer diverses démarches pour s’en sortir.

Dans la société au quotidien, Julie trouve que les gens sont froids, individualistes et qu’ils jugent au premier regard. Elle dit que dans la rue, personne ne juge les autres, chacun y a sa place.

Elle aimerait que les gens comprennent, « qu’il est facile de dire “lève ton cul pis travaille”, mais que plusieurs ont des blessures profondes à panser avant de pouvoir se relever, ou ont des troubles psychologiques qu’ils doivent traiter ». Elle souhaite que les gens aident au lieu de juger

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