Homard et crabe sur la liste rouge du programme Seafood Watch

Par Emelie Bernier 1:23 PM - 21 septembre 2022
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Le homard  et le crabe des neiges de l’Atlantique se retrouvent sur la peu enviable liste rouge du programme Seafood Watch,  une initiative du Monterey Bay Aquarium. Ce palmarès est présenté comme un moyen offert aux consommateurs de faire des choix éclairés en matière de pêcheries durables. L’industrie nord-côtière des pêches fulmine.

Les récentes évaluations du Monteray Bay Aquarium classent le homard et le crabe des neiges pêchés au Canada dans la zone atlantique dans la catégorie « à éviter » parce que des espèces en voie de disparition et menacées risqueraient d’être capturées ou empêtrées dans les engins de pêche utilisés, notamment la baleine noire de l’Atlantique Nord.

«C’est complètement tordu comme affaire, s’indigne Serge Langelier, directeur des pêches à  l’Association Mamu Innu Kaikusseht (AMIK).  Les pêcheurs du Canada font des pieds et des mains pour se conformer aux normes pour la protection des mammifères marins. Nos pêches sont certifiées durables par le Marine Stewardship Council basé en Angleterre. »

Difficile d’évaluer les impacts directs d’un tel classement sur la mise en marché des deux espèces, mais Serge Langelier estime que « tout est relié ».  «Nous, les pêcheurs, on s’occupe de la récolte et on vend aux usines qui elles doivent se dépêtrer avec la commercialisation, mais si les usines ne peuvent pas le vendre parce que le client n’achète pas, elles ne donneront rien aux pêcheurs. Ça vient nous toucher, énormément », avance-t-il.

Serge Langelier ne cache pas frustration. «On se conforme à toutes les normes exigées,  il y en a toujours de nouvelles. Le ministère des Pêches et Océans nous donne des avis le 31 décembre et il faut se conformer pour la saison qui commence en avril comme changer l’identification de nos cordes quand tous nos équipements sont sous la neige et la glace. Se faire dire par une organisation de Californie qu’on ne fait ça comme il faut…C’est blessant! »

Au Regroupement des pêcheurs professionnels de la Haute et moyenne Côte-Nord, Clovis Poirier ne décolère pas. « Cet organisme-là, c’est un organisme américain et ils veulent bloquer nos produits sur le marché américain! Les États-Unis nous demandent de respecter des normes qu’eux-mêmes ne respectent pas! » scande-t-il, visiblement excédé.

Le pêcheur d’expérience ne s’inquiète pas pour les baleines, les noires pas plus que les autres.  « Depuis 1982 que je pêche sur la Côte-Nord. La baleine te voit venir! Avec son système sonar, elle va détecter un banc de poissons  à 40 km. Un bateau qui s’en vient avec deux gros moteurs, ça fait longtemps qu’elle l’a entendu. Le homard, on le pêche pas en eaux si profondes… La baleine va s’échouer avant de s’empêtrer! », affirme-t-il sans ambages. Il déplore surtout le double standard. « Ils nous demandent de respecter des normes qu’ils ne respectent même pas aux États-Unis!»

Serge Langelier abonde dans le même sens. « L’industrie fait énormément d’efforts même si la baleine noire, elle ne vient même dans nos secteurs pendant la période de pêche.»

Quoi qu’il en soit, le positionnement sur la liste rouge ne passe pas. « Ça vient discréditer la quantité d’efforts mis par l’industrie de la capture pour protéger les mammifères marins. Ça ne fait pas longtemps que la baleine rentre à l’intérieur du golf et la réaction de protection du MPO a eu des effets catastrophiques pour la pêche, mais l’industrie a compris l’importance de se plier aux exigences, ne serait-ce que  pour conserver le marché d’exportation aux États-Unis. De se faire rabrouer comme ça, on trouve ça disgracieux! » , conclut Serge Létourneau.

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