Le projet Énergie Saguenay revient sur la sellette, au grand dam des opposants

Par Émélie Bernier 2:34 PM - 1 septembre 2022 Initiative de journalisme local
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L’impact du transport maritime sur les populations de mammifères marins, fer de lance du tourisme en Haute Côte-Nord, est un des arguments évoqués par les écologistes opposés au projet et par le Bureau d’audiences publiques en environnement. Photo courtoisie GREMM

Bien qu’il n’ait pas reçu l’aval du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et que le premier ministre François Legault l’ait voué à une mort certaine, le projet de complexe industriel de liquéfaction de gaz naturel de GNL Québec projeté au Port de Saguenay semble renaître de ses cendres, à la faveur de la campagne électorale en cours.

Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon ne fermerait pas la porte à une nouvelle mouture du projet et des discussions auraient lieu avec le gouvernement fédéral à cet effet, selon Radio-Canada.

En conférence de presse au Saguenay, le chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime s’est prononcé sans équivoque en faveur du projet. Son parti considère comme « une erreur monumentale, un manque de vision flagrant » le fait d’avoir laissé tomber le projet  il y a un an. Le chef est allé encore plus loin. «(…) Le 3 octobre, nous on considère que ça va être un référendum. La question de l’urne, c’est de savoir est-ce que vous êtes pour ou contre le projet GNL. Dans la région du Saguenay Lac Saint Jean, un vote pour le Parti conservateur du Québec ça va être un vote pour le projet GNL et un vote pour la CAQ est un vote contre  le projet GNL» a martelé le chef.

Pourtant, le rapport du BAPE remis au gouvernement québécois en mars 2021 concluait que « les effets environnementaux négatifs importants que le projet est susceptible d’entraîner [n’étaient pas] justifiables dans les circonstances ». La CAQ avait mis la hache dans le projet quelques mois plus tard, une nouvelle accueillie avec soulagement par les opposants du projet, dont le Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec et le Comité citoyen littoralement inacceptable.

Ces mêmes opposants n’hésiteront pas à reprendre le flambeau. «Outre les impacts environnementaux désastreux, il faut se rappeler que le tourisme est le cœur de l’économie de la Côte Nord et de la région Charlevoix. Ce projet n’est pas compatible avec cette vocation», commente Marie Saint-Arnaud du Comité citoyen littoralement inacceptable. Le comité, en veilleuse depuis l’annonce de l’abandon du projet, n’est pas dissout pour autant. “S’il faut remonter aux barricades, on va le faire. Ça demeure tout aussi inacceptable qu’il y a un an», ajoute-t-elle.

Le Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec tire à boulets rouges sur le projet depuis le jour 1.

« Il faut se rendre compte que le gaz naturel est composé majoritairement de méthane, de CH4, qui contient du carbone. Quand c’est brûlé, ça se transforme en C02, le gaz à effet de serre qu’on connaît le mieux. Le méthane est un gaz à effet de serre plus qui réchauffe le climat encore plus que le C02», résume le conférencier et membre du Collectif Marc Brullemans. Une perte de 2 ou 3 % dans le processus doublerait l’effet de la combustion du gaz naturel.  Son usage est donc incompatible avec les objectifs nationaux et internationaux de décarbonisation. «On doit se décarboner de 50% d’ici 2030 et complètement d’ici 2050. Ce serait un peu hérétique de faire une usine qui va sortir de terre vers 2030 et être en production pendant 20-30-40 ans d’un gaz qui sera liquéfié et regazéifié dans un contexte de réchauffement planétaire! »

L’argument de la guerre en Ukraine soulevé par le chef Duhaime pour justifier la remise sur les rails d’Énergie Saguenay ne tient pas la route, selon les opposants au projet.  « Oui, on éprouve  beaucoup de peine et de solidarité à l’égard des Européens et des Ukrainiens, mais avec GNL,  ce n’est pas demain qu’on va pouvoir leur fournir de l’énergie», conclut Marie Saint-Arnaud.

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