Les réformes sans humanité sont vouées à l’échec?

Par Réjean Porlier 8:37 AM - 21 mai 2022
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Photo Pixabay

D’abord, je tenais à remercier Karine et le journal Nord-Côtier de m’offrir cette tribune. Je considère comme un privilège le fait de pouvoir m’adresser à vous et peut-être faire une différence dans vos propres réflexions sur des sujets d’actualité. Mes huit années à la mairie de Sept-Îles, auront certainement permis de voir plusieurs de ces sujets sous un autre angle, baignant dans les sphères décisionnelles tout en étant confronté aux humeurs de la population. Le pouvoir peut être grisant, mais il vient avec de grandes responsabilités. En politique, l’information est le nerf de la guerre. Donner l’heure juste, au bon moment. Faire preuve de transparence, éviter la langue de bois et ultimement, prendre les meilleures décisions, celles qui feront la différence dans la vie des gens. La limite à nos grandes ambitions de politicien est principalement pécuniaire et mène régulièrement à des choix déchirants. Ce nouveau défi, je le vois sans contrainte, tout en transparence et toujours avec l’idée d’influencer positivement le cours des choses. J’espère que vous prendrez plaisir à me lire…et…à me challenger. Maintenant que le masque est tombé, parlons santé et de la réforme qui l’a chamboulée.  Bonne lecture!

Je pense qu’on devrait s’ennuyer des années pré-réforme Barrette, où les établissements de santé avaient leur propre conseil d’administration. Ces CA, essentiellement composer de gens du milieu, devaient rendre des comptes à la fois au ministère et à la population, mais surtout, devait constamment faire preuve d’ingéniosité pour boucler le budget et attirer l’ensemble des ressources nécessaires au bon fonctionnement du système de santé.

S’il y avait dans cette réforme Barrette une volonté sans doute sincère, d’optimiser l’utilisation des ressources financières et matérielles, réflexe tout à fait normal et responsable, on aurait tout de même dû mieux réfléchir à la question des ressources humaines et ne pas prendre pour acquis que tout ce beau monde allait simplement s’ajuster parce que l’humain sait s’adapter. Une méga structure où tout le monde est appelé à suivre la parade et les directives du commandant en chef, ça ne se retourne pas sur un 10 ¢. La pandémie, si elle aura poussé le système à ses limites dans toutes ses facettes, aura certainement démontré la grande inefficacité de sa ligne de commandement et la vulnérabilité d’un système où tout est centralisé.

En fait, ce que le ministre de l’Époque a oublié, ce sont les humains qui tiennent à bout de bras ce système. Cette réforme a démobilisé les forces vives du milieu en les déresponsabilisant et en noyant l’imputabilité dans les méandres d’une organisation lourde et sans agilité. L’imposition de conditions a rarement été une source de motivation et de fierté dans quelque organisation que ce soit. Les humains ont besoin de valorisation et ils la trouvent dans la reconnaissance de leur implication, de leur contribution, de leur expertise. Le succès organisationnel passe par l’équilibre entre la tâche et les humains. Plus l’organisation est grande, plus c’est complexe, d’où l’importance de mettre un accent particulier sur la culture organisationnelle.

Pour ma part, l’ex-Ministre Barrette a échoué! Non pas parce ce qu’il avait tort de vouloir réformer cet énorme système qu’est celui de la santé et le rendre plus efficace, mais les potentiels gains financiers ont été, à mon avis, complètement effacés par les coûts de la lourdeur administrative et la démobilisation des différents acteurs.

Le recours aux agences privées et les coûts substantiels engendrés, le fameux temps supplémentaire obligatoire et ses impacts dévastateurs sur la main-d’œuvre, le temps d’attente dans les urgences et la difficulté encore en 2022 pour des milliers de québécois d’avoir accès à un médecin de famille sont autant d’exemples quant à l’incapacité du système à se réformer intelligemment. Une réforme ne doit pas être le résultat d’une réponse à une crise, mais l’aboutissement d’une large réflexion avec les experts et les gens qui œuvrent sur le terrain, ceux et celles qui vivent les effets du système au jour le jour. Qu’il s’agisse de santé, d’éducation ou même d’aviation, il est tout à fait normal de questionner et requestionner nos façons de faire, mais un exercice en profondeur, s’il demande temps et énergie, doit s’inscrire dans une démarche apolitique et requiert de la part de nos décideurs, une bonne dose d’humilité. Nous en conviendrons, l’ex-Ministre Barrette, malgré ses grandes connaissances et son indéniable expertise, n’était pas du genre à se remettre en question.

À quand le retour de ses grands chantiers structurants pour le Québec? Souhaitons-nous qu’un jour pas trop lointain, ces grandes réformes se mettent sérieusement en branle et qu’elles dépassent le cadre de la partisannerie, car après tout, le Québec a déjà su le faire!

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