Il y a 40 ans, c’était le dépôt du projet de loi 37 qui a mené à la fusion forcée de Hauterive et Baie-Comeau

Par Colombe Jourdain 2:00 PM - 30 novembre 2021
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Les manifestations n’ont pas manqué en 1981, en marge du projet de loi qui a entraîné la fusion entre Baie-Comeau et Hauterive. Photo Journal Le Soleil

Le 30 novembre 1981, le ministre des Affaires municipales Jacques Léonard avec le concours du député-ministre du comté de Saguenay, Lucien Lessard, fait déposer un projet de loi qui allait sceller en juin 1982 la fusion imposée des deux villes voisines, Baie-Comeau et Hauterive, par le gouvernement de René Lévesque.

Il faut remonter jusqu’à la fondation de la ville de Hauterive, en 1950, pour voir les premiers balbutiements de la rivalité entre les deux municipalités. À l’époque, Mgr Napoléon-Alexandre Labrie, évêque de Baie-Comeau, avait approché la Quebec North Shore Paper (QNSP), à l’origine de la fondation de la ville voisine, pour obtenir des terrains pour y construire son évêché. La QNSP lui aurait proposé des terrains sur le mont Sec, que Mgr Labrie aurait refusé, pour ensuite aller s’établir aux limites de la ville de Baie-Comeau et ainsi, fonder la nouvelle ville de Hauterive.

Au milieu des années soixante, le sujet de la fusion fait surface pour la première fois. On se demande si les villes jumelles, séparées d’à peine huit kilomètres, ne devraient pas se réunir sous une seule entité histoire de faire des économies et de ne pas dédoubler les services offerts dans les deux municipalités.

Des géographes de la région auraient effectué en novembre 1968 un sondage auprès de 200 personnes de chaque municipalité et à ce moment, « 60 % des personnes interrogées ont répondu qu’elles favorisaient une fusion immédiate des deux villes », indiquait Le Soleil du 9 mars 1970. De ce sondage découle un rapport qui a été présenté en février 1970 par un comité interassociation qui regroupait les Chambres de commerce des deux villes, la Jeune Chambre de Baie-Comeau-Hauterive, la CSN, la FTQ et le Conseil du développement régional de la Côte-Nord.

Ce n’est ensuite qu’en 1976 que le sujet ressort vraiment avec la publication du rapport Major et Martin, l’un des multiples rapports sur le sujet et probablement le plus important. Ce rapport recommandait « que la fusion des deux villes s’effectue dans les plus brefs délais, car il s’agit d’une condition essentielle au développement de la région ».

Fait intéressant, ce rapport comportait d’autres recommandations avant-gardistes pour l’époque, « que des garderies soient créées afin d’accroître le nombre de femmes sur le marché du travail, qu’un dossier étoffé soit dressé sur les diverses possibilités de relier la Côte-Nord au reste de la province par un chemin de fer est-ouest, qu’une étude plus poussée sur la rentabilité socio-économique d’un pont sur le Saguenay soit conduite ». Comme quoi les préoccupations de l’époque ressemblent à celles d’aujourd’hui.

Ouvert à la discussion

Au départ, le maire de Baie-Comeau, Henry Leonard semblait pourtant ouvert à la discussion sur la fusion en faisant parvenir, en mars 1977, une lettre conjointe avec son collègue de Hauterive, Maurice Boutin adressée à Lucien Lessard rappelant leur rencontre concernant « le dossier fusion ». La lettre fait mention de « respecter fidèlement la cédule, afin que nous puissions disposer de ce fameux dossier… ».

En mai 1977, on décide de prendre le pouls de la population de la ville de Baie-Comeau. Le 22 mai se tient une consultation populaire, et non un référendum il faut le spécifier, sur le sujet de la fusion. « Appelés à se prononcer par une consultation populaire dimanche, les citoyens ont massivement dit NON en rejetant la fusion dans une proportion de 90,8 pour cent des votes exprimés », nous apprenait le quotidien Le Soleil le 25 mai 1981. Le taux de participation à cette consultation fut de 48 %.

« Le maire de l’autre ville, M. Maurice Boutin, de Hauterive, s’est montré profondément déçu de ces résultats et il a affirmé qu’il devenait inutile de dresser des dossiers et de conduire des études s’il n’y a pas de volonté populaire d’œuvrer régionalement », indique le journaliste, Gilles Ouellet, dans le même article du Soleil.

Les trois acteurs principaux dans le dossier, soit les maires Maurice Boutin et Henry Leonard ainsi que Lucien Lessard, le député de Saguenay, la circonscription de l’époque, ont chacun tenu des assemblées publiques avant ladite consultation populaire. Le maire Leonard, auparavant ouvert à la discussion sur le sujet, défend maintenant sa position contre la fusion argumentant « qu’il en coûterait 2 M$ aux contribuables de Baie-Comeau », écrit encore M. Ouellet, quelques jours avant la consultation populaire.

De fait, la ville de Hauterive avait une dette plus élevée que sa voisine dû aux changements dans le système de taxation des installations hydroélectriques de 1972, « le Québec a exclu du champ d’imposition municipale les barrages hydro-électriques », rappelait Jean Didier Fessou, journaliste du Soleil, le 1er décembre 1981. La ville de Hauterive perdait donc une grande part de ses revenus tandis que sa jumelle gardait les revenus de taxation des trois grosses entreprises sur son territoire, la QNS, l’aluminerie Reynolds et la céréalière Cargill.

Le dossier de la fusion des deux hôpitaux de la région et leur changement de vocation, qui s’est concrétisé en 1980, a sans aucun doute rajouté de l’huile sur le feu et restait frais à la mémoire des citoyens de Baie-Comeau qui ont eu l’impression de perdre des services au profit de Hauterive. L’emplacement du parc industriel fut un autre objet de discorde entre les deux municipalités.

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