La Ville de Sept-Îles procèdera à l’achat de 600 compteurs d’eau intelligents pour les commerces, industries et institutions. La démarche permettra de cibler les gros consommateurs et vise à atteindre les objectifs de diminution de consommation d’eau. La révision du système de tarification aux entreprises est aussi envisagée.

La décision du conseil municipal de payer les compteurs d’eau a fait réagir lors de la séance du 13 août. Ce sont 520 000 $ qui seront déboursés pour fournir 600 compteurs aux édifices gouvernementaux et institutionnels, aux commerces et aux industries. Louise Gagnon, du Regroupement pour la sauvegarde de la Grande baie, expliquait qu’elle s’attend à ce que cette décision engendre une augmentation du compte de taxe pour les citoyens.

«C’est une bonne idée les compteurs, mais pas de faire assumer la facture aux citoyens. L’argument que c’est pour garder le contrôle des compteurs et être efficace est peu plausible, puisque la Ville peut contraindre à acheter du matériel spécifique. C’est une décision politique du conseil de faire payer les citoyens plutôt que les entreprises», a-t-elle fait valoir au micro.

Louiselle Dufour, présidente du Comité de défense de l’air et de l’eau de Sept-Îles, a quant à elle souhaité informer le conseil que d’autres initiatives sont possibles.

«À Rimouski, par exemple, les compteurs d’eau sont achetés par la municipalité, mais elle charge ensuite des frais de location annuels aux industries, commerces et institutions».

Réjean Porlier explique que si la Ville acquiert les compteurs d’eau, c’est pour une raison d’efficacité.

«Même si on indique quoi acheter dans le règlement, on pourrait courir longtemps. L’entreprise pourrait nous dire qu’elle ne l’a pas trouvé ou même acheter autre chose. Là, tout le monde l’aura et n’aura qu’à l’installer.»

Les frais d’installation seront toutefois assumés par l’institution ou l’entreprise et se situeront entre 2000 $ et 5000 $.

Pas question de faire assumer la facture aux citoyens tient à rassurer le maire. Il soutient que c’est en ajustant le prix de l’eau que la Ville couvrira les frais d’achats des compteurs.

«Une analyse sera faite ultérieurement pour déterminer quelle tarification mettre en place pour les institutions, commerces et industries».

Objectif : diminution

Selon les dernières données disponibles dans le rapport annuel des opérations de la municipalité, la consommation d’eau potable à Sept-Îles est 35% plus élevée que la moyenne de l’ensemble des municipalités québécoises. Avec près de 850 litres par personne par jour, elle est loin devant l’objectif de 413 litres que le gouvernement lui a fixé. C’est le même constat pour ce qui est des fuites dans le réseau, qui représentent 25% du volume total d’eau produit par la municipalité.

Il est toutefois impossible de savoir quel secteur (industriel, commercial, institutionnel et résidentiel) ou joueur est le plus gros consommateur. L’installation de compteurs d’eau intelligents viendra pallier à la problématique, selon Réjean Porlier.

«On les installe pour être en mesure de bien évaluer la consommation réelle. On sera ensuite en mesure de dire au gouvernement combien d’eau est dépensée à Sept-Îles et d’interpeller ceux qui ont besoin de réduire leur consommation. Pour l’instant, le résidentiel se retrouve avec des chiffres faramineux, mais c’est parce qu’on n’est pas capable de définir d’où vient la consommation», explique-t-il, donnant l’exemple de la consommation de l’hôpital ou du Cégep, qui se retrouve actuellement noyée dans les données résidentielles.

L’enjeu est de taille. Pour continuer à recevoir les subventions du gouvernement, chaque municipalité doit se conformer à la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable. Celle-ci indique de combien chacune doit réduire sa consommation pour obtenir l’aide financière.

Les gros consommateurs favorisés à Sept-Îles?  

Le système de tarification pourrait bien être l’une des causes de la forte consommation en eau potable à Sept-Îles. La municipalité est l’une des seules au Québec à utiliser une méthode qui favorise les plus gros consommateurs.

Outre le recouvrement des frais d’achat des compteurs, l’objectif prioritaire de la municipalité est de réduire la consommation d’eau sur le territoire pour maintenir ses subventions.

La seule façon d’y arriver est de revoir le système de tarification dans son ensemble, estime Denis Bouchard, porte-parole du Comité de défense de l’air et de l’eau.

«La tarification actuelle appliquée à l’industrie et aux commerces favorise la surconsommation d’eau. Plus un joueur consomme, moins ça lui coûte cher».

La méthode choisie par la municipalité pour charger les services d’eau aux commerces et industries se nomme «tarification par blocs décroissants» (TBD). Avec ce système, le coût diminue en fonction de la consommation.

Un système de tarification plus adéquat

Déjà en 2014, le centre de recherche CIRANO indiquait dans un rapport que seulement 0,5% des municipalités québécoises ont recours à la TBD. Ce système de tarification est en baisse de popularité depuis 1991 parce qu’il encourage la surconsommation, indique-t-on.

«La TBD est certainement l’une des raisons pour laquelle la consommation d’eau potable de Sept-Îles est significativement au-dessus de la moyenne», affirme M. Bouchard.

Pour plus d’efficacité, il suggère la tarification à taux unitaire constant. De cette façon, le prix est fixé d’avance et il est plus représentatif des coûts réels des services d’eau. On incite ainsi à ne pas surconsommer et la municipalité ne crée pas de déficit. Interrogé à ce propos, la direction générale de la municipalité affirme qu’elle réfléchit à aller en ce sens. Ce sera au conseil municipal d’en décider.

Une tarification constante encouragerait les plus gros joueurs à être plus économes selon Denis Bouchard et le CIRANO.  *Source : CIRANO