Eau potable : plusieurs éléments non conformes identifiés à l’usine de traitement

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Jean-François Grenier, chef de division environnement à la Ville de Sept-Îles, est le principal responsable du dossier. (Photo : Nord-Côtier)

Une firme mandatée de vérifier le fonctionnement de l’usine de traitement de l’eau potable de Sept-Îles conclut que plusieurs travaux correctifs sont requis pour qu’elle respecte les normes.

Depuis 2012, les responsables des installations de production d’eau potable desservant plus de 5 000 personnes sont tenus de produire un audit, tous les cinq ans. Il s’agit d’une analyse portant entre autres sur la performance de désinfection d’une usine de traitement d’eau. C’est de ce document que le Comité de défense de l’air et de l’eau de Sept-Îles disait avoir besoin, en janvier, afin de savoir si l’usine de la municipalité présentait des problèmes.

Le Comité déclarait que l’audit serait un document clé que tous les intervenants devraient avoir en main, en vue de la rencontre portant sur la qualité de l’eau potable à Sept-Îles. Ladite rencontre réunira la Direction de la santé publique de la Côte-Nord (DSP), le ministère de l’Environnement (MDDELCC), la Ville de Sept-Îles et le Comité de défense de l’air et de l’eau. Aucune date n’a encore été fixée.

Problèmes à l’usine

Les évaluations menées lors de l’audit portent essentiellement sur les taux d’élimination des microorganismes et sur l’efficacité des procédés de filtration et désinfection, de 2011 à 2016. Le document rapporte une dizaine de non-conformités.

«On constate que la Ville n’a pas respecté certaines parties de la réglementation, tout simplement», indique Denis Bouchard, porte-parole du Comité de défense.

La firme mandatée pour réaliser l’audit, Tetra Tech, relate des systèmes pour alerter les opérateurs qui sont non-conformes, une mauvaise utilisation du chlore ne permettant pas d’atteindre les objectifs d’élimination et des données erronées au niveau de la turbidité, entre autres.

Plusieurs déficiences font en sorte que les taux d’élimination des virus et parasites ne sont pas toujours atteints.

«Les taux d’élimination cibles présentement utilisés à l’usine ne correspondent pas aux valeurs qui devraient être utilisées selon la réglementation», peut-on lire dans l’audit.

Les constats de Tetra Tech dans le document d’une soixantaine de pages sont clairs. La firme va jusqu’à déclarer que la Ville n’utilise pas les bonnes données.

«Les calculs utilisent des données erronées ou non conformes à la réglementation sur la qualité de l’eau potable. Il n’est donc pas possible de se fier aux résultats des taux d’élimination inscrits dans les rapports [de l’usine]. Par conséquent, des travaux correctifs seront requis», indique-t-elle dans ses recommandations.

Chloration et alarmes

Le chlore doit être en contact pendant un certain temps avec les microorganismes pathogènes (virus et parasites) pour les éliminer. Or, Tetra Tech indique qu’il y a un manque de données à ce niveau.

«Les données, quant au temps de contact, ne sont pas représentatives de la réalité et faussent ainsi les résultats», peut-on lire dans le document.

D’ailleurs, l’alarme qui devrait se déclencher lorsque la chloration est déficiente, est inadéquate. Résultat, un délai significatif peut avoir lieu avant qu’un problème ne soit détecté et corrigé.

Après vérification, Tetra Tech a aussi constaté l’inexistence d’une alarme «générale» qui indiquerait aux opérateurs que l’usine n’arrive pas à respecter les taux d’élimination requis.

«Les corrections devront être apportées rapidement pour que le système devienne conforme», précise la firme.

Qui surveille?

M. Bouchard se demande alors comment avoir confiance en la Ville de Sept-Îles à ce sujet. «La municipalité nous dit qu’elle va apporter les correctifs. Pendant cinq années toutefois, elle a prétendu qu’elle était conforme à la réglementation, ce qui n’était pas le cas», souligne-t-il. «Qui va vérifier la conformité avec le Règlement sur la qualité de l’eau potable pour les cinq prochaines années? À qui on se fit dans cette histoire», questionne-t-il.

L’instance responsable de vérifier la conformité des municipalités avec la réglementation sur l’eau potable est le ministère de l’Environnement. Ce dernier n’a pas retourné nos appels.


La Ville estime que la qualité de l’eau des citoyens n’est pas affectée

La Ville de Sept-Îles est d’avis que les éléments non conformes détectés à son usine d’eau potable n’affectent en rien la qualité de l’eau des citoyens.

«Si on ne tient pas compte de certains dépassements, on produit de l’eau qui respecte la réglementation», déclare Michel Tardif, directeur des travaux publics de la municipalité. Il affirme cependant que l’audit a permis «de trouver des choses qui ne fonctionnent pas et qui peuvent être améliorées».

Pour Jean-François Grenier, chef division environnement de la Ville de Sept-Îles, la plupart des déficiences relevées par Tetra Tech découleraient de problèmes informatiques, de bris et de périodes d’entretien de l’équipement. Ce serait le cas lorsque la firme mentionne que l’usine n’arrive pas à atteindre les taux d’élimination de virus et bactéries.

«On est clairement capable de dire que les données non conformes découlent de ça», confirme-t-il.

Il admet toutefois qu’il fut difficile de trouver et transmettre certaines données à Tetra Tech. Cela était dû, selon M. Tardif, au départ d’un gestionnaire étant le seul qui aurait pu fournir ces informations pour l’audit. «Il y a certaines informations que l’on n’a pas réussi à retrouver», rapporte-t-il.

Pour sa part, M. Grenier indique qu’une partie des données ne sont pas informatisées et qu’elles furent donc plus difficiles à traiter.

«La prochaine fois, ce sera plus facile. On se dotera d’outils pour mieux classer et fournir l’information. Ça évitera les incompréhensions et les zones grises», concède-t-il.

Exceptés les THM et AHA

Jean-François Grenier affirme que l’eau dans le réseau respecte actuellement la réglementation.

«Mis à part les trihalométhanes (THM) et les acides haloacétiques (AHA) par contre. Depuis deux ans, on a de la misère à faire descendre ces deux éléments-là. On ne s’en cache pas, la Direction de la santé publique nous demande d’agir», indique-t-il.

Les travaux à l’usine commenceront en 2019 pour tenter de régler la problématique.

Concernant l’audit, M. Grenier admet que certains aspects des calculs à l’usine devront être revus.

«On va le faire, on va se doter d’un logiciel pour respecter la réglementation. Les règlements ont été rehaussés et les modes d’opérations doivent suivre et être améliorés. On n’a pas le choix de s’adapter», souligne-t-il.

Concernant l’alarme manquante à l’usine, il indique que lorsque les installations ont été faites, en 2002, il n’a pas été jugé pertinent d’en avoir une.

«Il n’y en a toujours pas, mais on reste aux aguets pour respecter les taux d’élimination des virus et bactéries», mentionne-t-il.

En somme, les deux intervenants disent avoir beaucoup de documentation papier qui les rassurent sur certains éléments relevés par l’audit. «Mais il faut réussir à les archiver dans nos logiciels pour qu’ils soient disponibles la prochaine fois», précise M. Grenier.

Nouveau mandat pour Tetra Tech

La Ville a à nouveau mandaté la firme Tetra Tech pour cette fois corriger les points qui ne respectent pas la règlementation. Elle réalisera un document technique permettant à la municipalité d’aller en appel d’offres pour trouver l’entreprise qui modifiera certains instruments de l’usine, afin de répondre aux exigences.

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