Eau potable non conforme à Clarke City

Par Jean-Christophe Beaulieu 12 février 2018
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Ann-Sophie Bettez

Ann-Sophie Bettez, entourée de Simon Després et Anthony Beauvillier.

La semaine dernière, la Ville de Sept-Îles a fait parvenir des documents aux résidents de Clarke City pour les informer que leur eau potable contient des trihalométhanes (THM), un agent potentiellement cancérigène, à des niveaux supérieurs à ceux recommandés pour la protection de la santé.

Les citoyens de Clarke City ont reçu récemment une lettre de la direction générale de la Ville, ainsi qu’un dépliant de l’Institut national de santé publique (INSPQ). Le tout pour les aviser de prendre des mesures pour prévenir les impacts sur leur santé, suite à une exposition à des taux élevés de THM dans l’eau potable. «La municipalité étudie les différentes alternatives pour rétablir à un niveau recommandé le réseau d’eau potable», indique dans la lettre, Patrick Gwilliam, directeur général de la municipalité.

On y indique aussi de communiquer avec Info-Santé pour plus de renseignements. Selon les chiffres les plus récents du ministère de l’Environnement, le nombre de réseaux d’aqueducs présentant des dépassements de la norme de THM au Québec est de 34, les 849 autres étant conformes. Cela représenterait 125 262 personnes dans la province à être touchées par la problématique, soit 2% de la population.

Agent cancérigène

Les THM, qui se développent suite à la réaction entre des matières organiques et le chlore, sont des agents potentiellement cancérigènes selon l’INSPQ. On s’expose aux THM en buvant de l’eau, par contact avec la peau, ou en respirant les vapeurs lors d’une douche. Dans le dépliant remis aux citoyens, on conseille de faire bouillir l’eau, la garder au réfrigérateur dans un pichet afin qu’une partie des THM puissent s’évaporer et de bien aérer la salle de bain lors de la douche. La consommation d’eau embouteillée peut aussi constituer une alternative, peut-on y lire.

Selon Santé Canada, le risque cancérigène des THM est probant suite à une exposition à long terme, soit de plusieurs années. Or, la problématique des THM est présente depuis une vingtaine d’années à Sept-Îles, avec dépassements fréquents de la norme. Dans le Portrait de l’eau de la Côte-Nord réalisé par le ministère de l’Environnement, on apprend que le réseau fait l’objet d’une surveillance accrue des instances provinciales en santé et en environnement depuis quelques années. En janvier 1999, la Direction de la santé publique avait d’ailleurs diffusé un communiqué de presse, afin d’informer la population septilienne de la situation.

«Ce n’est pas démontré encore à 100% les effets cancérigènes. Mais la municipalité doit bel et bien faire en sorte que l’eau transmise aux citoyens respecte les normes en vigueur. Il y a des problématiques, mais on nous informe qu’ils sont en train de régler ça», affirme Éric Gauthier, conseiller en santé environnementale au CISSS Côte-Nord.

Il indique que le CISSS reçoit les données de la municipalité depuis 2000 et que les dépassements de THM sont effectivement réguliers. Concernant les mesures à court terme proposées par le dépliant, M. Gauthier précise que les gens plus vulnérables (jeunes enfants, personnes âgées, femmes enceintes) devraient les adopter plus sérieusement.

Pour sa part, le porte-parole du Comité de défense de l’air et de l’eau, Denis Bouchard, soutient qu’il ne faut pas sous-estimer le potentiel cancérigène des sous-produits de la chloration, et ce, par mesure de précaution.

Réactions à Clarke City

Charles Crawford, résident de longue date, se dit inquiet. «C’est quelque chose qui m’interpelle. On en parle dans le voisinage et on se demande ce qui se passe vraiment. Qu’est-ce que la Ville envisage», demande-t-il.

Charles Crawford, de Clarke City, a fait parvenir au Nord-Côtier les documents reçus par les résidents du secteur. (Photo : courtoisie)

Gabrielle Pruneau demeure dans le secteur avec sa famille et déplore aussi la façon de gérer la situation. «On a reçu ça le 2 février, mais en toute logique, on aurait dû nous informer dès les premiers dépassements. C’est d’ailleurs ça que j’ai mentionné à la municipalité en leur écrivant. Les gens sont intelligents et on doit prendre le temps de leur dire les vraies choses», dit-elle.

Étant donné que les données datent de 2017, la jeune mère de quatre enfants ne trouve pas normal de ne pas avoir été informée plus tôt. «On paie pour cette eau non potable, c’est aberrant de l’apprendre un an plus tard», dénonce-t-elle.

Le conseiller responsable du district de Clarke, Gervais Gagné, soutient que des résidents l’ont bien contacté.

«Oui, j’ai des gens inquiets, mais je peux vous dire que je travaille présentement avec la Ville, le département environnement particulièrement. Je n’en dirai pas trop pour ne pas faire avorter le dossier, mais je vous confirme que ce sera un sujet principal de la rencontre citoyenne de Clarke, le 20 février prochain», lance-t-il.

Selon le conseiller, régler «pour de bon» la problématique pourrait engendrer des sommes importantes pour la Ville. «Moi, j’exige que le problème soit réglé dans les prochains 24 mois. C’est trop tard pour cette année, le budget est déjà adopté, et pour solutionner le tout, c’est onéreux.»

La Ville de Sept-Îles fait état de sa problématique de THM depuis plusieurs années dans ses bilans annuels sur l’eau potable.

Dans celui de 2016, elle indique procéder à des purges pour en faire baisser les taux dans le réseau et propose que l’usine de traitement soit modifiée dès 2017 pour permettre un retour aux normes.

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