La Romaine-4: La victime toujours ensevelie, une semaine plus tard

Par Fanny Lévesque 16 Décembre 2016
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Chantier Romaine (Photo : Hydro-Québec)

Ça fait maintenant une semaine que le corps de Luc Arpin, 51 ans des Escoumins, est enseveli sous les décombres depuis qu’un mur de roches s’est effondré sur sa pelle hydraulique, au chantier de La Romaine-4. Hydro-Québec espère «se rapprocher du site» dès aujourd’hui.

Mardi, la société d’État a stabilisé «certaines zones» du roc «pour avoir des endroits stables et sécuritaires» d’où débuter l’opération sauvetage. Hydro-Québec explique «avoir bon espoir» d’être en mesure de se rapprocher des lieux de l’éboulement pour procéder à la récupération de la dépouille du travailleur de l’entreprise EBC d’ici «la fin de la semaine».

«On espère avoir rapidement l’autorisation (de la CNESST) pour débuter les travaux dès que possible», a indiqué le directeur des communications chez Hydro-Québec, Serge Abergel. «Ça doit se faire le plus rapidement possible, mais aussi en toute sécurité». Selon nos informations, tout le branle-bas pour sécuriser la paroi rocheuse et récupérer le corps de M. Arpin pourrait prendre une dizaine de jours.

Une estimation qu’Hydro-Québec n’a pas confirmée. «J’hésiterais à vous donner des barèmes de temps parce que toutes les étapes doivent se faire en toute sécurité», a indiqué le porte-parole. «On s’ajuste au fur et à mesure qu’on avance justement parce qu’on ne veut prendre aucune chance à cet endroit, qui visiblement, a été dangereux».

Reste que les tristes événements sont hors du commun, indique M. Abergel. «Je n’ai pas vu de situation pareille, c’est une situation extrêmement troublante, je comprends que les gens soient préoccupés, on l’est aussi», a-t-il concédé. «On fait tout notre possible ici pour arriver au bout de cette situation-là, dans le respect de la victime et de la famille.»

Une faille à l’origine de l’effondrement?

À la lumière des premières constatations, une faille «imperceptible, invisible à la limite» dans le roc serait à l’origine de l’effondrement de la paroi rocheuse, au portail amont de la galerie de dérivation, qui s’est détachée. «C’était quelque chose de complètement imprévisible», prétend M. Abergel.

«Les gens à qui j’ai parlé m’ont dit, et c’est en partie pourquoi c’est préoccupant, que même si c’était à refaire, on voit mal qu’est-ce qu’on aurait pu faire de différent». Hydro-Québec s’explique d’ailleurs mal son bilan d’accidents mortels, qui s’élève maintenant à quatre depuis le début du chantier de 7,2 milliards $, lancé en 2009.

La société d’État souligne qu’en moyenne, il survient sept fois moins d’accidents sur ses chantiers que sur ceux d’envergure comparable au pays. «D’un côté, on a ça et de l’autre, on a quatre décès à La Romaine. C’est extrêmement préoccupant. C’est inacceptable. Quatre décès, c’est terrible», affirme le directeur.

Les travaux d’excavation à La Romaine-4 demeurent suspendus jusqu’à nouvel ordre, mais les opérations sont maintenues sur tout le reste du chantier de la Côte-Nord, malgré l’arrêt réclamé par la FTQ-Construction, en début de semaine. «On trouve qu’il serait disproportionné d’arrêter le chantier au complet», précise M. Abergel.

«(Pour la Romaine-4) On va reprendre, quand et seulement quand, les lieux seront sécurisés, les pratiques seront vérifiées et que la sécurité de tous sera assurée», a ajouté le porte-parole, rappelant qu’Hydro-Québec s’est conformée à toutes les recommandations émises par la CNESST après chaque accident, ce qu’a aussi confirmé la commission.

Dans la foulée du tragique décès de M. Arpin, le conseil d’administration d’Hydro-Québec a créé un comité spécial chargé d’examiner les pratiques de la société d’État, ce que la FTQ-Construction et le Parti québécois ont jugé insuffisant. Une firme externe doit être mandatée pour «pour amener une meilleure indication» et permettre «d’optimiser ce qui est en place».

L’entreprise EBC réagit

«Il n’y a rien, aucune somme d’argent qui peut équivaloir à la vie d’un homme, c’est sûr que non. Voyons donc», a assuré le vice-président de l’entreprise EBC, Martin Houle. «Il n’y a jamais rien qu’on va faire au détriment de la sécurité des gens qui sont là», poursuit-il.

La firme de L’Ancienne-Lorette a réagi jeudi au décès de son travailleur, Luc Arpin. «Les seuls commentaires qu’on a, ce sont des messages d’empathies pour tous les collègues du travailleur (…) Il y a des gens (de chez EBC) qui sont en communication avec la famille pour leur offrir notre support».

M. Houle réfute par ailleurs les affirmations voulant que les entrepreneurs du chantier La Romaine subissent de la pression de la part d’Hydro-Québec pour aller plus vite ou qu’ils ne soient motivés que par l’obtention de bonus à la livraison des travaux. «Il n’y a rien qu’on va faire pour mettre en danger la sécurité des hommes, ça n’a pas de bon sens».

La question des bonis

Pour sa part, Hydro-Québec confirme l’octroi de «prime» si les travaux liés à un contrat d’au moins 12 mois sont livrés 10 jours plus tôt, au maximum, ce qui veut dire que l’entrepreneur ne touche pas un plus gros montant si le contrat est complété avec un mois d’avance, par exemple. Par contre, si c’est avec 10 jours de retard, il doit payer une pénalité.

«Ce n’est pas démesuré, l’objectif étant de respecter l’échéancier», explique Serge Abergel. Si l’entreprise livre «pile sur la date», il ne paye et ne reçoit rien. «En aucun cas, il ne faut confondre ça et les pratiques de santé et sécurité. Il n’y a aucune flexibilité là-dessus. Ce n’est pas payant pour une entreprise de prendre des raccourcis».

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