Lancement de «Les Grandes Artères»: Sur les traces de Louis-Jean Cormier

Par Fanny Lévesque 26 mars 2015
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Samedi matin ensoleillé sur Sept-Îles. Le temps sent timidement le printemps. Carmelle et Marcel ouvrent grand la porte de leur bungalow d’une petite rue en fer à cheval. À l’intérieur, une musique un peu jazzée et des murs tapissés de portraits de famille. Au cœur salon, un piano sur lequel se perche un Félix doré. Les rayons du soleil ont fait leur chemin jusqu’à la table de cuisine. Les yeux fiers, le couple maintenant bien attablé est prêt à parler de leur fils, Louis-Jean Cormier.

L’entretien est à peine débuté que Marcel Cormier, le regard rieur, a déjà une anecdote à raconter sur le benjamin d’une famille de trois. «Louis-Jean devait venir au monde le 20 mai 1980, jour de référendum du Québec», se souvient-il. Persuadée que l’option du Oui remporterait le scrutin, sa marraine Laurette suggère que son filleul se prénomme Louis.

«Toujours est-il que c’est le Non qui a passé, alors on a ajouté le nom Jean pour Jean-Baptiste avec l’espoir que le grand patron des Québécois fasse un jour la lumière là-dessus et qu’on soit finalement indépendant», raconte son père avec un brin de philosophie. Louis-Jean (parce que Jean-Louis était trop commun) vient enfin au monde à Sept-Îles, six jours plus tard, le 26 mai.

Carmelle Lebreux et Marcel Cormier

Carmelle Lebreux et Marcel Cormier

Et puis? «Et puis, répète sa mère. Il a pleuré pendant trois mois, tout l’été! C’est pour ça qu’il chante bien aujourd’hui», pouffe de rire Carmelle Lebreux. Marcel revient à la défense de son garçon. «Louis-Jean c’était un petit gars actif, il aimait le sport et la musique aussi». La musique s’est d’ailleurs toujours entremêlée à l’univers familial.

«On a toujours chanté», assure Mme Lebreux, qui joint encore sa voix aux chorales que dirige son mari. Louis-Jean touche au piano dès l’âge de deux ans, mais en débute l’apprentissage deux ans plus tard. «Il m’avait fait venir pour me faire entendre sa première composition», se souvient M. Cormier. «Il avait appelé ça Nuage d’argent», renchérit sa mère. Il avait quatre ans.

Louis-Jean, 2 ans, au piano.

Louis-Jean, 2 ans, au piano.

Louis-Jean, c’était un enfant doué, assurent ses parents. «Il apprenait facilement, par cœur. Sa tante Laurette, qui lui enseignait le piano, se fâchait parce qu’il ne suivait pas son cahier, se rappelle Carmelle. Une fois qu’il avait entendu la mélodie, c’était naturel». C’est à l’adolescence que l’artiste prend la guitare. «Je dis souvent qu’il n’a jamais appris à en jouer, il l’a découvert. Il l’avait tout de suite».

Au secondaire, Louis-Jean manie même la trompette au sein des harmonies étudiantes. Lui et quatre de ses camarades fondent les «5Up» pour s’amuser. «Ils avaient pris ça de 7Up», rigole M. Cormier. En 1995, Kalembourg vient au monde, un groupe dont les Septiliens fredonnent encore les chansons. Louis-Jean en est le guitariste.

Kalembourg a roulé fort notamment sur la Côte-Nord. Avant de performer ailleurs en province, la formation est appelée à jouer souvent dans les bars de Sept-Îles. «Louis-Jean avait environ 15 ans, c’était illégal pour lui d’être là, alors le gérant de l’Inter-zone m’avait appelé pour que je signe une permission», relate le paternel. «Quand il jouait, je veillais et j’allais le chercher. Je ne l’ai jamais vu rentrer chaud, il ne voulait pas gâcher la musique».

Les membres du groupe Kalembourg, qui a enregistré 2 albums.

Les membres du groupe Kalembourg, qui a enregistré 2 albums.

Son diplôme en poche, Louis-Jean quitte Sept-Îles en 1997 pour étudier la musique au Cégep Saint-Laurent. Malgré une belle percée dans la grande métropole, Kalembourg ne survit pas aux aléas de la vie. Karkwa est créé l’année d’après. On connaît la suite…

Fidèle à ses racines
Malgré l’immense succès que connaît leur fils, Louis-Jean Cormier n’a jamais eu la grosse tête, témoignent ses parents. «Il reste lui-même, il ne fait pas le hautain», soutient son père. La fulgurante montée de sa carrière solo ne lui a pas non plus fait oublier ses racines. «Il gagnait beaucoup de Félix. On se disait : ‘’Mon Dieu, le vedettariat l’a pris’’, mais il ne s’est jamais assis sur ça».

Il demeure par ailleurs «attaché» à son coin de pays, où il revient de temps à autre. Lors d’un récent spectacle à Sept-Îles, Louis-Jean confiait à son public avoir pleuré «comme un bébé» devant la grandeur de la baie. «C’est vrai qu’il a dit ça», se souvient sa mère. Avec son cœur de maman, Carmelle l’avait même questionné. «J’avais peur qu’il ait des petits tracas, mais non, il était juste ému de voir la mer».

Quand il revient chez lui, souvent avec sa marmaille, Louis-Jean séjourne dans la maison familiale. «Il est bien ici, il relaxe (…) Sept-Îles pour lui, c’est le lieu de sa naissance, de ses premiers amours et ses souvenirs de jeunesse».

Né d’une véritable histoire d’amour
Les parents de Louis-Jean Cormier n’ont pas un parcours comme les autres. Son père Marcel était prêtre lorsqu’il est tombé pour sa douce, Carmelle, qui chantait dans la chorale qu’il dirigeait. M. Cormier a été laïcisé en 1973 pour unir sa destinée à celle qui devait postuler pour être sœur!

«Nous étions en amour, j’ai quitté pour me marier et je n’ai jamais regretté mon choix qui nous a donné trois beaux enfants», confie-t-il sous le regard complice de sa belle, qui chante toujours dans sa chorale. Pas étonnant que l’amour soit aussi présent dans l’œuvre de leur fils…

À l'été 1995, sous la tente du Vieux-Quai.

À l’été 1995, sous la tente du Vieux-Quai.

Sa marraine, sa première enseignante
Celle qui a donné les premières leçons de musique à Louis-Jean Cormier, c’est sa marraine, sœur Laurette Lebreux. Au bout du fil, la religieuse de 85 ans s’anime lorsqu’il s’agit de son filleul. «C’était un enfant doué, mais quand même qui savait ce qu’il voulait! Expressif, un peu sentimental, sensible, qui aime la vie».

Pendant huit ans, elle lui a enseigné le piano. «Il avait presque l’oreille absolue», lance-t-elle avec aplomb. «Pratiquer, on ne peut pas dire qu’il en faisait une maladie. Il s’en allait au piano et composait ses mélodies, il se laissait aller (…) C’était émouvant de le voir faire quand il était petit. Il avait une facilité d’apprendre des pièces difficiles».

Au fil du temps, son protégé choisit la guitare. «Je ne pouvais plus continuer (le piano) parce qu’il avait les ongles trop longs», s’exclame en riant sa tante, qui suit attentivement la carrière professionnelle de son neveu, elle qui vit maintenant à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie.

«Cet enfant-là – c’est encore un enfant pour moi – il a une capacité extraordinaire pour son âge de sentir les mots en français, de les exprimer avec finesse et émotions. Il est de toutes les générations, il a une étendue de sensibilité qui va à tout le monde», louage sœur Lebreux. «Je pourrais en parler jusqu’à la fin de la soirée!»

(Photos: courtoisie de la famille)

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