L’ex-juge Jacques Delisle est déclaré coupable d’homicide involontaire

Par Thomas Laberge 2:33 PM - 14 mars 2024 La Presse Canadienne
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L’ancien juge de la Cour d’appel du Québec, Jacques Delisle (à droite), se rend dans la salle d’audience du Palais de justice de Québec, le jeudi 14 mars 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

La saga de Jacques Delisle est finalement terminée: l’ex-juge a plaidé coupable jeudi matin à un chef d’homicide involontaire au palais de justice de Québec. Par conséquent, il devra passer une dernière journée en détention.

Delisle est arrivé dans la salle de cour en marchant d’un pas lent, vêtu d’un complet cravate et portant un masque lui recouvrant la moitié du visage. 

Le juge Étienne Parent a lu l’acte d’accusation à Jacques Delisle, maintenant âgé de 88 ans. Il lui a ensuite demandé ce qu’il plaidait. «Coupable», a répondu l’ancien juge.

La Couronne et la défense étaient toutes les deux d’accord que Delisle plaide coupable à l’accusation d’homicide involontaire. Toutefois, les deux parties ne s’entendent toujours pas sur les événements entourant la mort de sa femme, Nicole Rainville, en 2009. La Couronne maintient que Jacques Delisle a joué un «rôle actif» dans le décès, alors que la défense soutient que l’ex-juge aurait seulement donné l’arme à sa femme tout en sachant qu’elle voulait se suicider.

«Des parties peuvent ne pas s’entendre sur une trame factuelle, mais arriver à la même conclusion juridique», a expliqué l’avocat de la Couronne, Me François Godin, en point de presse devant les journalistes.

Il s’est dit confiant qu’un deuxième procès aurait de nouveau reconnu  Delisle coupable de meurtre au premier degré. «Ce qui nous a amenés à faire un compromis (…) c’est que ça fait 15 ans que le dossier continue. M. Delisle a 88 ans. Il voulait plaider coupable à un homicide involontaire. Les perspectives de terminer un deuxième procès nous apparaissaient utopiques», a-t-il ajouté. 

«Le chef logique, selon moi, aurait été aide à un suicide (…) mais comme le résultat est le même, c’est-à-dire une journée de détention, je n’ai pas fait une bataille là-dessus», a pour sa part affirmé l’avocat de Jacques Delisle, Me Jacques Larochelle. L’avocat a toutefois maintenu que selon lui, il y avait bel et bien eu une erreur judiciaire en 2012. 

Les deux avocats ont proposé une peine commune de 8 ans et 311 jours, soit une journée de plus que ce qui a déjà été purgé par Delisle à la suite de son premier procès. Proposition que le juge a acceptée quelques minutes après. On a expliqué que cette journée de détention symbolique était nécessaire, car le juge ne pouvait pas ne pas rendre de peine.

Le juge a proposé à Jacques Delisle de s’exprimer devant la cour, mais ce dernier a préféré se taire. À la suite du prononcé de sa sentence, il a pris le chemin de la détention pour quelques heures, menottes aux poings, après avoir quelque peu rechigné. 

Une saga judiciaire de 15 ans 

Jacques Delisle, un ancien juge à la Cour d’appel du Québec, avait été déclaré coupable de meurtre prémédité de sa conjointe par un jury le 14 juin 2012, alors qu’il avait toujours soutenu qu’elle s’était suicidée. 

Le verdict reposait en bonne partie sur le témoignage d’un pathologiste selon qui la trajectoire de la balle dans le cerveau de la victime rendait difficilement soutenable la thèse du suicide.

Il avait été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

L’ex-magistrat s’était rendu jusqu’en Cour suprême pour tenter d’en appeler de ce verdict, mais le plus haut tribunal lui avait opposé une fin de non-recevoir en décembre 2013.

Jacques Delisle n’avait pas lâché prise pour autant, demandant en 2015 une révision au ministre de la Justice qui confiait alors le dossier au Groupe de la révision des condamnations criminelles. 

Le rapport de ce dernier, basé sur les analyses de cinq pathologistes et de quatre experts en balistique, concluait que le rapport d’autopsie présenté en preuve était déficient et critiquait sévèrement la perte de preuve parce que le cerveau de la victime, les coupes et la documentation photographique n’avaient pas été conservés.

Ce n’est qu’en avril 2021 que le ministre fédéral de la Justice de l’époque, David Lametti, après avoir examiné des preuves qui n’avaient pas été soumises en cour au moment du procès ou de l’appel, avait ordonné la tenue d’un nouveau procès. 

Le ministre avait alors conclu qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite dans cette affaire.

Par la suite, en Cour supérieure, les avocats de Jacques Delisle avaient fait valoir, avec succès, qu’un nouveau procès serait impossible parce qu’un expert de la Couronne avait commis de graves erreurs dans un rapport de pathologie. Ils avaient également plaidé qu’il y avait eu des retards déraisonnables dans toute cette affaire.

Mais en septembre 2023, la Cour d’appel avait renversé l’arrêt des procédures prononcé en avril et retourné le dossier en Cour supérieure pour qu’il suive son cours.

Il était donc prévu que Jacque Delisle subisse un nouveau procès et les avocats de l’accusé espéraient convaincre la Cour suprême que l’arrêt des procédures était la bonne décision.

La Cour suprême avait récemment annoncé qu’elle devait se prononcer sur la demande d’autorisation de Jacques Delisle le jeudi 14 mars. Considérant le dernier revirement de cette histoire, elle n’aura plus à le faire. 

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