Protection des enfants autochtones: la Cour suprême tranchera aujourd’hui le litige

Par Pierre Saint-Arnaud 9:10 AM - 9 février 2024 La Presse Canadienne
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La Cour suprême du Canada est photographiée à Ottawa le vendredi 3 mars 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick

C’est ce vendredi que la Cour suprême tranchera un litige de juridiction entre Ottawa et Québec, mais ce sont les Premières Nations, Inuits et Métis qui seront touchés par la décision du plus haut tribunal.

Au cœur de l’affrontement se trouve la dispensation de soins à l’enfance par les communautés autochtones. Il s’agit là d’une question délicate puisqu’il y a clairement chevauchement de compétences, la protection de l’enfance relevant du Québec, mais le bien-être des Autochtones relevant d’Ottawa.

En juin 2019, le gouvernement Trudeau adoptait le projet de loi C-92, devenu la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Avec cette loi, Ottawa se trouvait à accorder la pleine autonomie aux Premiers Peuples en matière de protection de l’enfance, une décision applaudie par les Premières Nations à travers le pays.

Renvoi à la Cour d’appel

Quelques mois plus tard toutefois, au grand dam de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Québec demandait à la Cour d’appel de se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi, y voyant un empiétement du gouvernement fédéral sur sa juridiction exclusive en matière de protection de l’enfance.

La Cour d’appel avait débouté le gouvernement provincial, affirmant que la loi fédérale était constitutionnelle, mais avait tout de même conclu que deux articles de la loi ne l’étaient pas.

Le banc de cinq juges du tribunal québécois soulignait que le caractère véritable de la loi est d’assurer le bien-être des enfants autochtones, surreprésentés dans les réseaux provinciaux de protection de l’enfance, et de favoriser des services culturellement adaptés.

La Cour notait que «le gouvernement fédéral est investi par la Constitution de la responsabilité principale de garantir le bien-être des peuples autochtones du Canada». D’après elle, «les principes nationaux formulés par la Loi (…) sont compatibles avec la législation québécoise sur la protection de l’enfance».

Pas de préséance des lois autochtones

Par contre, la Cour d’appel estimait que la manière dont Ottawa fixait le cadre du droit ancestral des Autochtones à l’autonomie gouvernementale dans l’article 21 de sa loi conférait à un texte législatif autochtone la même prépondérance qu’une loi fédérale. «Ce faisant, il modifie de façon significative l’architecture constitutionnelle canadienne. Ce procédé ne saurait être entériné.»

La Cour d’appel rendait également inopérant le paragraphe 22 (3) de la loi, qui indique que les textes législatifs autochtones en matière de protection de l’enfance «l’emportent sur les dispositions incompatibles relatives aux services à l’enfance et à la famille de toute loi provinciale». Selon les cinq juges, «bien que le Parlement (fédéral) ait compétence (en vertu de la constitution de 1867) pour réglementer un droit ancestral reconnu (…), cette compétence ne comprend pas celle de conférer une priorité absolue à ce droit».

En d’autres termes, la division des compétences prévue à la constitution ne permet pas à Ottawa de placer des lois autochtones au-dessus des lois provinciales.

Les Peuples autochtones du Québec avaient fustigé le gouvernement de François Legault pour sa décision de demander une révision de la loi à la Cour d’appel. Bien que Québec ait argumenté que sa Loi sur la protection de la jeunesse contient déjà des provisions pour déléguer des pouvoirs en telle matière aux communautés autochtones, celles-ci estiment qu’elles n’ont pas à quémander ou négocier des pouvoirs que leur droit ancestral à l’autonomie leur confère déjà.

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