Michaël Pilote: maire de Baie-Saint-Paul, pour le meilleur et pour le pire
Kariane Bourassa, François Bonnardel, Michaël Pilote et Jonatan Julien constatant les importants dégâts aux abords du pont Leclerc le 2 mai.
Jusqu’au 1er mai, il était le maire quasi anonyme d’une petite ville touristique, mais plutôt tranquille. Le Québec, le Canada et une partie du monde peuvent désormais mettre un visage sur le nom de Michaël Pilote depuis qu’une inondation sans précédent a bouleversé sa ville, Baie-Saint-Paul.
À 29 ans (bientôt 30), Michaël Pilote est un des plus jeunes maires de la province. Infirmier de formation, il a fait le saut en politique lors des dernières élections municipales. Rien n’aurait pu le préparer parfaitement à déclarer l’état d’urgence à 12h05 le 1er mai (et à tout ce qui s’en suivrait). Mais être formé aux situations où le sang-froid doit prévaloir l’a probablement aidé à affronter la crise qui a mis sa communauté sens dessus dessous.
« Être infirmier, c’est être en mesure de travailler dans des situations critiques. C’est le gros bon sens qui doit primer. Dans une situation comme celle-là, il faut garder son calme. Si la personne en haut de la chaîne panique, tout le monde panique », lance l’élu.
Rester calme et « être bien entouré », ajoute-t-il d’emblée, insistant sur la force de son équipe, les Gilles Gagnon, Alain Gravel, Émilien Bouchard, Daniel Desmarteaux, Luce-Ann Tremblay, Philippe Dufour, Steve Bouchard et consorts…. « Il y en a plusieurs qui ne sont pas à la Ville depuis longtemps et tout le monde a assuré. Je suis vraiment fier de ma gang! Personne « punchait » à 4h… Ils ont tout donné. »
Le directeur général Gilles Gagnon, en poste depuis octobre seulement, a été catapulté au poste de coordonnateur de mesures d’urgence, tel qu’inscrit dans le protocole. Philippe Dufour, embauché comme directeur des loisirs l’an dernier, s’est levé lundi matin avec la charge de gérer les sinistrés. Et ainsi de suite.
Lundi, l’évacuation de la garderie du coin a été l’élément déclencheur pour déclarer l’état d’urgence.
«On surveillait ça depuis la fin de semaine, mais quand j’ai su pour la garderie, j’ai dit là, on y va, pas le choix. Ça concernait des enfants, une population vulnérable, en plein périmètre urbain… »
Et tout indiquait que la situation n’était pas en voie de s’améliorer.
Omnipotentis
L’état d’urgence confère de nombreux pouvoirs au maire pour lui permettre d’agir, et vite : ordonner des évacuations, donner des contrats de gré à gré sans appel d’offres, réquisitionner des espaces pour établir comme les écoles des centres d’accueil d’urgence, faire des achats de première nécessité : nourriture, eau potable… «On n’improvise pas, mais en bout de ligne, on a de grosses décisions à prendre, rapidement. La première étape était de sécuriser mon monde, que les gens puissent manger, avoir un toit…» Le centre éducatif Saint-Aubin a été fermé deux jours pour devenir le centre d’hébergement d’urgence. Jeudi, les derniers sinistrés n’ayant aucun autre recours ont été relocalisés à Maison-Mère. Il n’en restait qu’une dizaine en début de semaine.
Michaël Pilote a tenu à visiter les sinistrés de part et d’autre de la rivière du Gouffre au plus fort de l’inondation lundi. Il s’est rendu aux Éboulements à bord d’un hélicoptère. « Je pense que ça les a rassurés, c’était le but en tout cas. »
S’il avait voulu, le maire aurait même pu contraindre des citoyens à prêter main-forte aux sinistrés. Il n’a pas eu à le faire. Baie-Saint-Paul tout entière s’est levée pour soutenir les personnes éprouvées par le coup d’eau dévastateur.
Cette vague de solidarité, métaphore douce-amère s’il en est, a beaucoup touché le maire et l’émeut encore. Pointant le logo de la ville sur son t-shirt, Michaël Pilote laisse poindre l’émotion. «Crime que je suis fier de ma ville! Tout le monde qui met la main à la pâte, les restaurateurs, les entrepreneurs, les plombiers, les électriciens, les employés municipaux, les services d’urgence, Le Festif!…Pis les citoyens! C’est incroyable ce qui s’est passé ici, on a vraiment une communauté exceptionnelle. Ça a fait toute une différence.»
Il a bien évidemment une pensée pour les deux personnes ayant perdu la vie. «Personne ne mérite de partir au boulot et de ne pas revenir… » Mais le pire a été évité selon lui. « On a été chanceux dans notre malchance. Si c’était arrivé la nuit, ça aurait été un carnage…. » Dans ses yeux s’invite la frayeur un court moment.
Vendredi, 186 ménages étaient toujours sinistrés. Qu’adviendra-t-il de tous ces gens dont les maisons ont subi des dommages parfois irrécupérables?
Il est utopique d’imaginer que tous les sinistrés pourront réintégrer leur maison, concède le maire. «Mais la question à se poser, c’est « est-ce que tout le monde veut réintégrer? » Non.»
Pas le temps de compter
Oui, les cordons de la bourse ont été déliés. «Ce n’était pas le temps de compter nos cennes, il fallait que nos citoyens soient en sécurité », dit le maire. La facture, on le sait, sera salée. Très salée. Mais Michaël Pilote est convaincu que cette énorme jambette ne compromettra pas le développement de « sa » ville.
« Il faut se laisser le temps, mais Baie-Saint-Paul est une ville dynamique, une communauté tissée serrée. Il y a plein de projets de développement en cours, ça se peut même que ça donne un coup de fouet à tout le monde. L’économie va se relever. Je n’ai aucune crainte pour Baie-Saint-Paul. »
Les prochaines décisions seront « de grosses décisions», admet-il. « J’ai surtout hâte qu’on soit fixé sur la suite des choses. Les citoyens me demandent « qu’est-ce que je vais faire avec ma maison? C’est un quartier où il y a beaucoup d’aînés, de jeunes familles. Saint-Joseph est une des plus vieilles et des plus belles rues de Charlevoix…»
Le statu quo n’est pas une option. « Mais on n’est pas rendu à faire un parc en lieu et place de Ménard et Saint-Joseph, même si on entend cette rumeur», glisse-t-il avec un sourire.
Toutes les options seront évaluées. « Le service d’urbanisme a donné son 400% pendant la crise, ils vont être là pour la phase de rétablissement. Chaque portion de rue sinistrée va être évaluée. Normalement, à moins d’un décret ministériel, tu ne peux pas reconstruire en zone inondable su tu as 50% de dommages et plus. Il y a des pertes totales. Oui, des gens vont être déçus, mais les choix qu’on va faire vont être responsables. Il faut sortir de l’émotif. C’est pour le futur qu’on décide et avec le changement climatique, on va en voir de plus en plus, des épisodes comme celui-là. »
Tout le monde connaît Michaël Pilote
Profitant d’une rare accalmie alors que le soleil éblouissait le hall de l’hôtel de ville désert dimanche après-midi, Michaël concédait une certaine fatigue. Depuis le 1er mai, l’endroit n’a pas dérougi, jour et nuit. Des membres de son équipe ont dormi quelques heures par-ci par-là, jusque sur le divan où nous sommes assis. Il a lui-même dormi, mangé, vécu sur place, pour être aux premières loges. « Je suis retourné essayer de me reposer chez nous quelques heures…Mais disons que je ne dormais pas très bien. »
Tout près de lui se trouve encore la table d’où il a animé des points de presse quotidiens auxquels tous les médias québécois d’importance ont assisté quasi religieusement, relayant son visage, et son flegme, aux quatre coins du pays et au-delà. Tous ont vanté son attitude et sa maîtrise de la situation. Les échos sont tout aussi positifs dans la rue que dans les alcôves du pouvoir.
François Legault, François Bonnardel, Geneviève Guilbeault et tutti quanti : ses nouveaux « amis » de la classe politique seront sollicités. « Jusqu’à maintenant, ils ont été très réactifs. Karianne Bourrassa a été A1, elle était sur le terrain pour nous aider. On a eu le PM, les ministres de la Capitale-Nationale, de la Sécurité publique, des Transports… Oui, je suis content, très content qu’ils soient venus, mais pour la suite, c’est là que je vais avoir besoin de leur aide. On va avoir besoin d’argent. Il faut rebâtir notre ville. »
Michaël Pilote n’est pas du genre à s’envoyer des fleurs, mais lorsqu’on lui pose la question, il admet timidement qu’il croit avoir su garder le cap dans la tempête. «C’était tout un baptême du feu, mais j’ai eu la chance de ne pas être sinistré. J’ai pu me dédier plus qu’entièrement. Je pense qu’on a tous assuré. C’est pas des situations l’fun à gérer, mais il faut les gérer. On est là pour la population qui nous a mis en place pour diriger la ville autant dans les bons que les moins bons moments. Disons qu’il ne faudrait pas que ce soit juste des moments comme ça. Mais ma job de maire, je l’adore.»
Le post mortem permettra d’améliorer encore le travail des équipes.
«Est-ce qu’on a fait une bonne gestion de crise? Oui. Est-ce qu’elle était parfaite? Non. Il y a toujours de la place l’amélioration.»
Sa reconnaissance envers ses collègues, les équipes qui sont venues en renfort et les citoyens qui n’ont pas hésité une seconde à prêter main-forte aux sinistrés est infinie. « Je veux dire un immense merci à tout le monde. Je suis tellement fier de tous nos gens qui ont travaillé en synergie. C’est surtout de mon BSP dont je suis fier. »
Et le tout Baie-Saint-Paul est visiblement fier de son maire.
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