L’abolition du privé en santé passe par la bonification des conditions dans le réseau public

Par Charlotte Paquet 11:58 AM - 20 mars 2023
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La CSN martèle que le retour des employés d’agences privées dans le réseau de la santé sur la Côte-Nord passe par la bonification des conditions de travail. On reconnaît Guillaume Tremblay, Ian Morel, Daniella Thorn et Steeve Heppel, respectivement président du Conseil central Côte-Nord-CSN et représentants de différents syndicats de la santé.

Deux semaines après une sortie de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec voulant que 95 % des employés refuseraient de réintégrer le réseau de la santé sur la Côte-Nord advenant l’abolition des agences, le Conseil central de la Côte-Nord-CSN réagit en soulignant que la solution à l’épineux problème du privé passera par une véritable bonification des conditions de travail.

Faut-il rappeler que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a déposé le projet de loi 10 sur l’abolition des agences de santé au Québec d’ici 2026.

Le président de la CSN dans la région, Guillaume Tremblay se questionne sur la méthodologie du sondage de l’association. Devant les médias lundi, il a d’ailleurs comparé le résultat à ce qu’il appelle le “syndrome de la tarte aux pommes”, en ce sens qui si on effectuait un sondage sur qui aime la tarte aux pommes, probablement que la plupart des répondants répondraient par l’affirmative.

M. Tremblay a insisté sur les disparités de traitement entre les employés d’agences et ceux du réseau public. “Il faut mettre en place les conditions gagnantes pour ramener les gens”, a-t-il lancé.

Ces conditions différentes ne sont pas sans créer parfois des climats de travail toxiques et principalement dans les sites où le personnel du privé est majoritaire, parfois même jusqu’à 85 % des effectifs en place, selon la CNS.

“Ils arrivent ici avec des salaires plus élevés, des conditions de travail qui sont mieux que nous dans le réseau, alors qu’on le tient à bout de bras ce réseau-là. Les gens se sentent comme dévalorisés. Ils trouvent que justement c’est plus gagnant d’être dans les agences”, a soupiré Daniella Thorn, présidente des employés de la catégorie 2, représentant notamment les préposés aux bénéficiaires et le personnel à l’entretien ménager. 

Selon Mme Thorn, en plus, les membres écopent souvent d’une surcharge de travail en devant former les employés d’agences qui arrivent. “Ils ne savent pas c’est quoi un lève-patient. (…) Tu leur demandes d’aller faire un bain, ils ne sont pas trop sûrs de vouloir y aller tout seuls”, a-t-elle donné en exemple.

Porte entrouverte

La CSN espère que le projet de loi 10 sur l’abolition des agences de santé du ministre Christian Dubé ne laissera pas une porte entrouverte au privé, car il est évident que des gens la franchiront. 

Guillaume Tremblay considère qu’il n’y a aucune raison qui devrait justifier la présence du privé. “Aussitôt qu’on laisse cette porte-là entrouverte, c’est pour ça que ça n’arrête pas de grossir, à cause de cette disparité de traitement là, tout le monde qui peuvent la prendre la prennent.”

Daniella Thorn a saisi la balle au bond en répétant que tout passe par de meilleures conditions de travail pour les employés du réseau et qu’un coup de barre est nécessaire. Selon elle, il faut arrêter d’en donner aux agences privées pour en accorder plutôt au personnel du public. “Est-ce que c’est possible d’avoir des garderies pour eux autres? C’est-tu possible de travailler pour des horaires pour nos gens qui sont là?”

Elle ne se fait pas d’idée. Si rien n’est fait pour revaloriser le secteur public, ce sera difficile de renverser la vapeur. Par contre, avec des salaires similaires entre le privé et le public, elle croit que des employés d’agences pourraient y penser à deux fois, notamment en raison du fonds de pension offert au public. “C’est sûr que dans les conditions qu’on a là présentement, c’est sûr qu’ils ne sont pas fous, ils ne reviendront pas dans le réseau”, a-t-elle laissé tomber.

Dépenser ailleurs

En plus des coûts exorbitants de la main-d’oeuvre indépendante sur la Côte-Nord, autour de 100 M$ en 2022, le recours aux agences de placement a des effets pernicieux sur la vitalité de la région puisque les travailleurs “partent avec leur paye et s’en vont la dépenser ou l’investir ailleurs que dans notre région”, a déploré Guillaume Tremblay.

Selon ce dernier, ces employés de l’extérieur pourraient expliquer le faible taux d’inoccupation des logements puisque la population, elle, est plutôt à la baisse.

Enfin, M. Tremblay a répété à quelques reprises que la CSN ne veut aucunement blâmer le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord dans le dossier. “C’est un système qui est là et c’est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui va devoir changer ça.”

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