Fabrice Labrie, un clown professionnel à découvrir

Par Charlotte Paquet 10:00 AM - 18 janvier 2023
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C’est en Doux que Fabrice Labrie a participé, en septembre dernier, aux activités de Destination Loisirs, de l’Association régionale de loisirs pour personnes handicapées de la Côte-Nord. Photos courtoisie

Fabrice Labrie est probablement l’un des trésors les mieux cachés de Baie-Comeau et même de la Côte-Nord. Intervenant en santé mentale dans la vie de tous les jours, à ses heures, il devient Doux, Super ou encore Fabuleux, les trois clowns de l’Escouade F.U.N.

Toute une histoire que celle de l’homme de 36 ans qui, en octobre 2021, a décidé de plonger dans un univers qui le fascinait depuis ses 4-5 ans, soit depuis une rencontre avec le défunt clown Casimir qui l’avait littéralement chaviré. « L’aura du clown a traversé toute ma vie. Il y a quelque chose qui venait me chercher », raconte-t-il.

Fabrice Labrie avait 12 ans lorsqu’il a vu le film Patch Adams avec Robin Williams. Ça l’a jeté à terre. « J’en ai pleuré. Je me disais que j’aurais tellement aimé ça faire comme lui. » Vingt-quatre ans plus tard, il est allé chercher des outils pour y parvenir et il compte bien se faire ouvrir les portes dans les hôpitaux, tout comme son idole de jeunesse.

Fabrice Labrie, qu’on aperçoit derrière à gauche, a suivi des formations offertes par la Fondation Dr Clown à Montréal (photo) et l’école Brimbalante de Frelishburg en Estrie. Photo Fondation Dr Clown

Depuis l’automne 2021, Fabrice Labrie est officiellement clown professionnel après avoir suivi trois formations offertes par la Fondation Dr Clown à Montréal, qui veut apporter de la joie aux personnes les plus vulnérables de notre société. Le Baie-Comois en a suivi une quatrième avec l’école Brimbalante de Frelighsburg, en Estrie.

Avec son projet Escouade F.U.N., le clown professionnel souhaite développer et rendre accessible l’art clownesque avec une dimension thérapeutique à Baie-Comeau. « Je veux briller sur la Côte-Nord aussi pour décentraliser l’art clownesque à l’extérieur des grands centres », indique celui qui, « aux dernières nouvelles », était le seul clown professionnel dans la région.

Trois clowns, plusieurs clientèles

Fabrice Labrie fait tranquillement son petit bonhomme de chemin dans le domaine. Son premier contrat n’a pas été des plus faciles puisqu’il l’a rempli en virtuel dans le cadre d’un atelier avec des élèves en adaptation scolaire de Sept-Îles et Port-Cartier. « Une merveilleuse expérience, mais dure aussi. »

Il s’est présenté à cette clientèle en Super, un super clown qui vit avec un trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité. « Super, il utilise les symptômes du TDAH comme des super pouvoirs. C’est un personnage qui valorise la différence chez les enfants et les adolescents. Il y a même un enfant qui a dit « ah, il est comme moi » quand je lui ai dit que mon personnage était TDAH. »

En septembre, lors de l’événement Destination Loisirs dans la Manicouagan, c’est Doux qui a été mis à contribution cette fois-ci. Le clown a passé 12 heures à se promener d’une activité à une autre avec son accent d’une langue inventée qui ressemble à celui d’un anglophone cassant son français. « Ça apporte une douceur à ma voix. Doux, je veux l’apporter dans les CHSLD, à l’hôpital », souligne Fabrice Labrie, qui fera bientôt les approches nécessaires.

Avec Doux, l’homme dit vouloir mettre de la lumière et de la douceur dans des situations pas évidentes. Le 18 décembre, c’est dans la peau de Doux qu’il a rempli son troisième contrat lors du party de Noël de l’Association des handicapées adultes de la Côte-Nord. Comme cachet, il a sollicité une « batch » de sauce à spaghetti qu’il est allé porter au Comptoir alimentaire L’Escale.

Pour le moment, Fabuleux n’est pas encore entré en action. Il est toujours en construction. Fabrice Labrie le réserve pour alléger des sujets plus sociaux, comme le consentement, le viol ou encore la violence faite aux enfants et aux femmes. « Fabuleux, c’est un tannant, un tabarnouche. Ce personnage-là, je le réserve pour justement qu’il y ait une progression de changement. »

« Dans l’avenir, je ne veux pas être tout seul »

« Dans l’avenir, je ne veux pas être tout seul. Je veux inspirer des gens à venir faire partie de l’Escouade F.U.N. avec moi. J’espère aussi que je vais avoir donné l’envie aux gens d’apporter de la légèreté dans leurs difficultés au quotidien. »

C’est ce que Fabrice Labrie souhaite réaliser dans un horizon de 5 ou 10 ans.

Celui qui devient parfois Doux, d’autres fois Super et bientôt Fabuleux espère que l’art clownesque ait des assises solides et que la relève soit présente.

Le clown Casimir, personnifié par Guy Leduc, a marqué Fabrice Labrie dans les années 80 et 90 à Baie-Comeau.

Tout en faisant référence à Casimir, son clown fétiche des années 80 et 90, et ses comparses de la défunte troupe Les clowns en liberté de Baie-Comeau, Fabrice Labrie souhaite que cette fois-ci, ça ne prenne pas 30 ans pour avoir de la relève.

Son Escouade F.U.N., il la compare d’ailleurs un peu à la troupe de clowns du passé.
Pour en revenir à cette légèreté ou cette lumière à mettre dans l’obscurité lors des moments plus difficiles, le Baie-Comois rappelle que de s’apitoyer sur soi lors des coups durs de la vie ne règle rien, bien au contraire. En clown, il espère parvenir à apporter un peu de luminosité.

En émergence pour répondre à des besoins

Bien qu’ils soient surtout concentrés dans la région de Montréal et de Québec, les clowns sont en émergence dans la province et principalement pour leur approche thérapeutique, observe celui qui est vraisemblablement le seul clown professionnel de la Côte-Nord, Fabrice Labrie.

Fabrice Labrie, qui travaille au quotidien auprès d’une clientèle en santé mentale, voit de belles opportunités pour l’approche thérapeutique des clowns.

« Tu vois la Caravane Philanthrope. Ils font du clown humanitaire, du clown relationnel. En Estrie, t’as l’école Brimbalante qui est née (au printemps 2022) », cite en exemple le Baie-Comois. Quant à la Fondation Dr Clown, elle existe depuis 2002 dans le but d’apporter de la joie aux personnes vulnérables.

Fabrice Labrie croit que la présence plus soutenue de clowns permet de répondre à des besoins. « Je pense qu’il y a un besoin de s’ouvrir, de passer des moments le fun, de juste évacuer tout le négatif qu’on a eu pendant la pandémie et qu’on retrouve encore. Un besoin de se retrouver et de se regarder et je pense que l’art clownesque peut permettre de recommencer à se regarder », souligne l’homme, en parlant d’une manière thérapeutique « de te rencontrer toi ».

C’est tout un art de réussir à toucher les gens tout en faisant rire. Le clown exprime des émotions, comme la colère ou la honte, mais dans intensité qui peut varier énormément sur une échelle de 10. « C’est très difficile d’obtenir une compassion, une vulnérabilité, tout en faisant rire », raconte Fabrice Labrie, pour qui le nez de clown, le plus petit masque du monde, précise-t-il, vient avec une grande responsabilité.

Il se souvient de témoignages très intimes reçus d’enfants. « Il y a quelque chose qui amène de la confiance. C’est une responsabilité, c’est une grande responsabilité et il faut être prêt à la prendre », conclut-il.