Lorraine Richard : de la parole aux actes au nom de ses convictions

Par Emy-Jane Déry 9 mai 2018
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La députée de Duplessis Lorraine Richard célèbre 15 ans de carrière en 2018. Le Nord-Côtier l’a attrapée dans son tourbillon des crédits budgétaires pour faire un retour plus intime sur sa carrière. Par une journée pluvieuse, autour d’un bon chocolat chaud à La Trésorie, nous avons échangé avec Lorraine Richard la politicienne, mais aussi avec la femme, la mère et la fille qu’elle a d’abord été.

Lorraine Richard est nul doute une combattante dans l’âme. C’est la petite fille de 6e année qui organise une grève avec ses collègues de classe parce qu’elle n’est pas satisfaite de la manière de fonctionner du professeur. C’est la mère de deux adolescents qui s’est d’abord fâchée de l’arrêt du transport scolaire le midi et qui de fil en aiguille, s’est retrouvée présidente de la Commission scolaire. C’est la Cayenne qui tenant aux services offerts dans sa communauté s’est indignée, un bon samedi soir en famille autour du comptoir de cuisine, du fait que l’on voulait fermer le deuxième étage du foyer pour aînés.

Après trois ans de bataille, cette cause s’est finalement transformée en prémisse de sa carrière politique.

Le départ

Début des années 2000, ce petit bout de femme déterminée commence à faire jaser. Elle est d’abord approchée par l’ADQ qui était à l’époque en pleine ascension. Elle se rend à Québec rencontrer le parti, mais l’aventure s’arrête là.

«Je ne pensais d’abord même pas à faire de la politique, alors encore moins à défendre quelque chose en lequel je ne croyais pas. Ça s’est terminé là», raconte-t-elle.

Pendant ce temps, le bruit court que le député du comté de l’époque, le péquiste Normand Duguay, ne se représentera pas de nouveau. Ayant travaillé de pair avec lui pour le dossier du foyer, Lorraine Richard apparaît comme l’une de ceux qui pourraient prendre le relais.

«Je n’avais rien à perdre, je ne connaissais rien à tout ça. J’avais une certaine insouciance, comme une enfant qui traverse la rue sans regarder. Et puis je me suis dit : tout à coup que j’aurais la possibilité de, il faut que j’aille au bout», dit Mme Richard.

Trois autres personnes, trois hommes de Sept-Îles avaient aussi eu cette même idée que de succéder à M. Duguay. Rien n’était gagné d’avance.

Fonçant tête première, Lorraine Richard sollicite une rencontre avec la vice-première ministre de l’époque, Pauline Marois. Elle revient en suite gonflée à bloc vendre près de 1 800 cartes en trois semaines en vue de l’investiture péquiste dans Duplessis.

Lorraine Richard en compagnie de Bernard Landry lors de son assermentation en 2003. (Photo : courtoisie) 

Elle était la seule femme candidate, la seule dans la course qui n’était pas de Sept-Îles.

«L’atmosphère était lourde, il y a eu des attaques personnelles entre plusieurs clans. Et finalement, quelqu’un est sorti du dépouillement en criant qu’on les avait eus.»

Déchirements

Après une investiture qui ne fut pas de tout repos, Lorraine Richard continue son avancement dans le monde politique et mène sa première campagne. Son mari prend un sans solde pour la supporter et le couple fait ses valises pour aller vivre chez son frère à Sept-Îles, le temps de la campagne.

Des gens d’Havre-Saint-Pierre lui reprochent alors de ne plus être assez présente. Le milieu de Sept-Îles avance l’inverse lorsqu’elle se rend là-bas. La politicienne se sent constamment entre deux, dans ce grand territoire qu’est le comté de Duplessis.

«Il y a à peine quelques années que je sens que je fais partie de la communauté de Sept-Îles. Et ça, c’est à cause de monsieur madame Tout-le-monde, c’est eux qui ont réussi à me le faire ressentir», confie Lorraine Richard.

«Ça a été extrêmement difficile de la part de certaines personnes d’accepter que ce ne soit pas quelqu’un de Sept-Îles et que ce soit une femme qui soit députée. Les gens étaient méfiants», poursuit-elle.

À travers chaque dossier gagné pour les différentes communautés, elle espère faire ses preuves et convaincre qu’elle se préoccupe de tous.

«C’était difficile, je me sentais tout le temps jugée. J’ai fait beaucoup de déménagements. Les gens du Havre me disaient que je partais, les gens de Sept-Îles me disaient que je n’étais pas ici. Ça a été ça les premières années», dit-elle.

Entre famille et politique

Lorraine Richard se souvient particulièrement de son investiture qui a été contestée en 2006. Dix jours avant, elle mariait sa fille à Havre-Saint-Pierre.

«Ma fille m’avait dit qu’elle ne voulait pas entendre parler de l’investiture cette fin de semaine là. Ça a été très difficile», se souvient-elle.

L’année suivante, elle devenait grand-mère alors qu’elle siégeait à l’Assemblée nationale. Et puis il y a eu le décès de ses parents. De son père notamment, qui était très malade au moment même où Bernard Landry quittait le PQ.

«On m’avait dit qu’il allait mieux, de vivre ce que j’avais à vivre et de venir après», raconte celle pour qui la politique était encore un nouveau monde à cette époque. Elle s’est donc rendue au chevet de son père après la course de M. Landry.

Lorraine Richard est la dernière d’une famille de huit enfants. Elle a perdu ses parents à la même époque où elle débutait en politique. (Photo : courtoisie)

«Puis je suis arrivée. Il a dit ‘’c’est Lorraine’’,  j’ai dit ‘’oui’’, il a dit ‘’c’est correct’’ et il n’a plus jamais reparlé», a-t-elle confié avec émotion.

«Tu as l’esprit au travail quand tu es à la maison et l’esprit à la maison quand tu es au travail. Au fil du temps, tu trouves un équilibre», dit Mme Richard.

Et cet équilibre, elle le vit aujourd’hui à l’aréna. Lorsque son petit-fils joue au hockey et que dans les estrades elle crie sans se soucier pour l’encourager. La politicienne est alors «mamie gaga».

La suite

La dernière élection provinciale a été pénible pour Lorraine Richard, admet-elle.

«Ma majorité a fondu comme neige au soleil. Là, tu te dis : pourtant, 2012, nous étions au pouvoir et il me semble que j’ai rempli la liste d’épicerie, que tout ce que j’avais promis, je l’ai fait.»

Elle est cependant sortie grandie de cette période pour laquelle elle dit avoir retenu une leçon primordiale.

«Je me suis souvenue de ce que Bernard Landry m’avait dit : dites-vous qu’après la politique, il y a juste une chose qui est importante, c’est la famille», dit-elle.

Ainsi, bien que sa passion pour son métier soit encore toujours aussi forte aujourd’hui qu’à l’époque où elle s’est tenue debout pour le foyer de Havre-Saint-Pierre, Lorraine Richard se dit sereine face à l’avenir et aux élections de cet automne : peu importe le résultat, il y aura toujours la famille et un siège à occuper, que ce soit à l’Assemblée nationale ou à l’aréna.

 

 

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