Évaluation environnementale des projets : les Innus en colère contre Québec

Par Emy-Jane Déry 16 mars 2018
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Mike McKenzie.

La communauté innue est en colère et réclame une rétractation de la part du gouvernement provincial, à la suite de la publication d’une lettre adressée au fédéral dans laquelle il questionne l’implication des Autochtones dans le processus d’évaluation environnementale de projets.  

Radio-Canada a obtenu copie et rendu publique une lettre du sous-ministre de l’Environnement du Québec, Patrick Beauchesne, adressée à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. La correspondance datée du 6 février porte sur l’intention du fédéral de modifier la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Québec aimerait pouvoir évaluer de manière plus autonome les différents projets de développement sur son territoire, tels que des mines ou des barrages hydroélectriques par exemple.

Or, dans la lettre, le niveau d’implication des Autochtones dans le processus est remis en question par le sous-ministre. Bien qu’il est indiqué que «Québec reconnaît également l’importance de l’implication des communautés autochtones dans la procédure d’évaluation environnementale», certaines des mesures proposées par le fédéral pourraient être potentiellement «incohérentes» avec la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ), fait-il valoir.

Québec s’inquiète de l’intention de permettre aux Autochtones de mener des évaluations à la place du gouvernement.

«Les procédures en vigueur sur le territoire de la CBJNQ permettent la participation des communautés autochtones à l’évaluation et l’examen des projets et répondent déjà à la volonté du gouvernement fédéral à l’égard de l’implication autochtone», écrit le sous-ministre Patrick Beauchesne.

La province se demande comment les évaluations par substitution pourraient être menées, puisque «la plupart des projets sont réalisés à l’extérieur des réserves indiennes et que le Québec a déjà un cadre juridique».

«Dans tous les cas, l’implication des communautés autochtones devrait être bien balisée afin d’éviter les conflits avec les procédures d’évaluation environnementale provinciale», peut-on lire dans la lettre.

L’intention du Canada de tenir compte systématiquement du savoir autochtone «pourrait s’avérer problématique», avance Québec, dans les cas où il serait contradictoire avec la science.

Propos «insultants»

Par lettre, la ministre de l’Environnement du Québec, Isabelle Melançon, et le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelly, se sont excusés à l’Assemblée des Premières Nations indiquant qu’ils n’avaient pas l’intention de nier le savoir des Autochtones.

En réaction vendredi, les Chefs de la Nation innue ont demandé à Québec une rétractation, soulignant que des excuses ne suffisaient pas. Le chef de Uashat mak Mani-Utenam, Mike Mckenzie, a affirmé que Québec devait adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l’appliquer de manière concrète. Elle prévoit qu’il faille absolument obtenir le consentement libre des autochtones pour des projets sur leur territoire.

«La mise en œuvre de la Déclaration au niveau fédéral est loin d’être satisfaisante, mais au moins, avec le Canada, on sait qu’on s’en va dans la bonne direction alors qu’avec le Québec, soit n’avance pas, soit on recule», a-t-il indiqué.

Les Innus qualifient les propos de la lettre sur la valeur et la pertinence du savoir traditionnel des Premières Nations dans les projets «d’insultants».

«Nos territoires et nos compétences ne s’arrêtent pas aux frontières de nos réserves. Avec la lettre du Québc, on retourne aux attitudes colonialistes des gouvernements du 19e siècle», a affirmé Tshani Ambroise, Chef de Matimekush-Lac John.

Le Chef de Nutashkuan, Rodrigue Wapistan , a aussi réagi.

«Ce n’est pas en continuant de jouer à l’autruche quant à ce droit inhérent reconnu en droit international que davantage de projets se réaliseront», a-t-il conclu, citant en exemple la saga des pétrolières sur Anticosti.

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